Lors de son dernier conseil, Bank Al-Maghrib a surpris de nombreux observateurs en abaissant son taux directeur de 25 points de base, le faisant passer de 2,5 % à 2,25 %. Alors que la majorité des analystes s'attendaient à un maintien, la banque centrale a fait un choix différent, motivé par plusieurs facteurs économiques et monétaires. Maitriser l'inflation Selon Abderrazak El Hiri, directeur du laboratoire de recherches en sciences économiques à l'USMBA de Fès, l'une des principales raisons justifiant cette baisse réside dans la tendance à la maîtrise de l'inflation. Il souligne que « les dernières précipitations que le Maroc a connues ces dernières semaines pourraient infléchir le niveau général des prix », notamment en réduisant la pression sur les produits alimentaires, qui constituent un facteur majeur d'inflation. Les statistiques du Haut-Commissariat au Plan (HCP) confirment cette tendance, indiquant que la hausse des prix alimentaires a largement contribué à l'inflation dans le pays. Relancer l'économie et l'emploi El Hiri note que la deuxième justification de cette baisse de taux est liée à la volonté des autorités marocaines de stimuler l'activité économique, notamment par l'encouragement des crédits destinés aux entreprises et aux projets structurants. « Le Maroc s'est inscrit dans la perspective d'organiser des manifestations sportives continentales et mondiales », rappelle El Hiri, tout en mettant en avant l'importance du plan de promotion de l'emploi, doté d'une enveloppe budgétaire de 15 milliards de dirhams. L'économiste relève que « la charte de l'investissement joue également un rôle essentiel dans cette dynamique ». Il explique que sa mise en œuvre constitue un levier essentiel pour encourager la création d'entreprises et d'emplois. Etant donné que le crédit bancaire demeure le principal mode de financement des entreprises, l'abaissement du taux directeur s'imposait comme une nécessité. Cette réduction a un impact direct sur les taux appliqués par les banques, aussi bien débiteurs que créditeurs. Les statistiques issues du rapport sur la politique monétaire confirment d'ailleurs que les précédentes baisses du taux directeur ont déjà entraîné une diminution des taux débiteurs bancaires. L'expert reste persuadé qu'en facilitant l'accès au financement, cette décision contribuera à dynamiser l'investissement et à favoriser la création d'emplois, un enjeu d'autant plus crucial face à un taux de chômage élevé et en progression ces dernières années. Une coordination avec les tendances monétaires internationales El Hiri rappelle que cette réduction du taux directeur s'inscrit dans un contexte international marqué par des politiques monétaires accommodantes. "La Banque Centrale Européenne (BCE) a récemment baissé son taux directeur de 2,75 % à 2,5 %", observe-t-il, ajoutant que cette tendance a probablement influencé la décision de Bank Al-Maghrib. Cette coordination est d'autant plus pertinente que l'Union européenne demeure le principal partenaire commercial du Maroc. Les défis liés à l'investissement Toutefois, El Hiri tempère les attentes en soulignant que "l'investissement ne dépend pas uniquement du coût du crédit, mais aussi du climat général des affaires". Il identifie plusieurs contraintes, notamment la taille limitée du marché, la concurrence internationale et la lourdeur des procédures administratives. Il cite à cet égard un rapport de l'Heritage Foundation, qui met en avant des faiblesses structurelles telles que la corruption et la complexité des processus administratifs, freinant l'investissement. « La simplification des procédures et l'amélioration du climat des affaires restent essentielles pour que la baisse du taux directeur ait un impact significatif sur l'investissement et l'emploi », conclut-il.