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Les détails du rapport du juge d'instruction
Publié dans La Gazette du Maroc le 15 - 12 - 2003


Affaire Erramach & Cie
Une dispute banale entre gangs, une nuit d'été 2003, conduit plusieurs magistrats et hauts fonctionnaires de l'Etat devant la Cour spéciale de justice. L'affaire Erramach & Cie, reportée au 23 décembre 2003, dévoile à juste titre les relations très poussées qu'entretiennent les narcotrafiquants avec les cercles du pouvoir. Le rapport croustillant, plus de 200 pages, du juge d'instruction de la CSJ, Mohamed Sefrioui, livre des révélations inédites sur le monde de la drogue qui cherche désormais à faire dans la discrétion la plus absolue.
Sale temps pour les barons de la drogue ou simple mauvais quart d'heure pour le baronnet Erramach & Cie. Peu importe, le ton est donné. L'affaire est devant les juges de la CSJ et suit le cours que lui a tracé le ministère de la Justice. Mardi 9 décembre 2003, le procès s'est ouvert à Rabat, à la Cour spéciale de justice (CSJ), sans Erramach, le témoin à charge, qui fera certainement le va-et-vient entre la CSJ et la prison civile de Tétouan lors du ce long feuilleton judiciaire qui promet des rebondissements. Son procès particulièrement alambiqué se déroulera, comme l'avait bien précisé le procureur dU Roi de la CSJ, à la Cour d'appel de Tétouan seule compétente en la matière. Le seul fait que le baron de la drogue soit auditionné par la justice fait trembler les quelques hauts fonctionnaires de l'Etat interpellés dans le cadre de cette grande opération “mains propres”. Après plus de quatre mois d'enquête judiciaire, Erramach persiste et signe. Le jour même de son arrestation, le 3 août dernier, il est passé à table. Depuis plusieurs années, sa filière faisait passer chaque semaine, par zodiac, des tonnes de haschich marocain en Espagne. Il a balancé plusieurs noms d'amis hauts placés, les accusant de servir comme parapluie à ses activités illicites dans le nord du pays. On y trouve selon le rapport du juge d'instruction de la CSJ, Mohamed Sefrioui, un préfet de police, un contrôleur général de la sécurité, des magistrats de la Chambre criminelle de la Cour d'appel de Tétouan, des gendarmes, des commissaires de police, des officiers de l'armée… Le rapport croustillant, plus de 200 pages, du juge d'instruction de la CSJ donne des révélations explosives sur les liens qu'entretenait Erramach avec les cercles du pouvoir de la ville de Tétouan. Selon l'instruction, le parrain avait non seulement réussi à mettre sur pied un réseau qui fonctionnait comme une machine bien huilée, mais en plus il s'appuyait sur la complicité sonnante et trébuchante des autorités de tout poil. La contrepartie, l'argent, c'est ce qu'on reproche aujourd'hui aux fonctionnaires de l'Etat interpellés pour des chefs d'inculpation tels que corruption, abus de pouvoir, complicité et non-dénonciation d'un criminel. Ces actes sont punis sévèrement par la loi, notamment les dispositions de l'article 297 du code de la procédure pénale et des articles 35 et 38 du dahir de 1972. Les attendus du juge d'instruction sont sans appel contre tous, ou presque, les prévenus incarcérés à la prison civile de Salé. Preuves à l'appui, le rapport parle de comptes bancaires très bien alimentés, des virements d'argent pistés aussi bien côté provenance que destination, des confrontations et témoignages croisés des prévenus, des enquêtes sur les situations financières et sociales des accusés, des aveux obtenus sans contrainte… Bref, une accumulation de preuves qui ne laisse pas de doute sur l'implication, directe ou indirecte, de certains prévenus. Erramach aurait, selon des sources bien informées, coopéré en contrepartie de sa protection dans les lieux de sa détention. Erramach sait qu'il joue là un jeu dangereux, qu'il risque de mourir en prison comme l'un de ses prédécesseurs le fameux Yakhloufi. C'est pour cette raison que depuis son incarcération, il bénéficie d'une cellule isolée.
Transfert d'importantes sommes d'argent
Et pour revenir au dossier d'instruction, remis au début de ce mois-ci aux magistrats de la CSJ, les noms qui reviennent de façon récurrente sont ceux des deux hauts fonctionnaires de l'Etat et des cinq magistrats de la Cour d'appel de Tétouan. Les premiers sont les deux anciens contrôleurs généraux de la sécurité à Tétouan, en l'occurrence Mohamed Sekkouri et Mohamed Charaf Eddine. La justice considère, pour de multiples raisons, qu'ils sont de mèche avec le réseau Erramach. En tant que hauts responsables directs de la région de Tétouan, les deux accusés, en connaissance de cause, n'ont jamais essayé d'inquiéter ou de mettre un terme aux activités illicites du baron Erramach. Et pourtant, depuis 1996, un mandat d'arrêt national avait été lancé contre lui. Selon Erramach, les deux fonctionnaires de l'Etat, ont reçu des sommes d'argent importantes en contrepartie de leur silence ainsi que pour la protection qu'ils dispensaient à la filière de la drogue. Pour le cas de Mohamed Sekkouri, Erramach a reconnu qu'ils ont fait connaissance depuis 1996. L'année où Sekkouri assumait les fonctions de chef de Sûreté à Tanger et Erramach n'était qu'un petit contrebandier de cigarettes entre Ceuta et le nord du pays. Des faits que le préfet de police n'a pas niés, arguant sa bonne foi et son ignorance de la nature exacte des activités d'Erramach.
Sekkouri reconnaît, devant le juge d'instruction, être intervenu auprès des autorités de Tétouan pour que le contrebandier, qui deviendra par la suite l'un des trafiquants de drogue les plus recherchés au nord, ne soit pas embêté. Et ce, sans aucune contre-prestation ni un quelconque intérêt, toujours selon ses déclarations. Ce n'est qu'en 2000, l'année de sa mutation à Tétouan, que Sekkouri s'est rendu compte de la gravité de la situation et de l'homme qu'il avait cautionné quatre ans auparavant a défaut de constat du délit, Sekkouri déclare au juge chargé d'instruire l'affaire que suite à plusieurs tentatives, il n'avait jamais pu mettre la main sur ce jeune passeur. Chose que conteste Erramach lors de ses confrontations avec Sekkouri. “Je lui ai remis la somme globale de 4 millions de Dhs, en espèces, sans compter l'acquisition de l'appartement en Espagne que j'ai financé à hauteur de 1,2 million de Dhs et son ameublement, estimé à 17O 000 Dhs que j'ai payé en lieu et place à Mustapha Benaboud”, lit-on dans les déclarations d'Erramach devant le juge d'instruction. Ce que rejette en bloc Sekkouri dans son interrogatoire : “l'appartement est au nom de ma femme qui a contracté un prêt de 160.000 Dhs auprès d'une banque espagnole avec une caution d'un ami de la famille qui s'appelle Abdellatif Nour. Ce dernier nous a prêté le reste de l'argent, et depuis c'est lui qui prend les revenus de sa location”, répond Sekkouri aux accusations lancées contre lui. Pour l'acquisition des meubles, Sekkouri déclare cependant les avoir achetés à crédit chez le dénommé Benaboud à qui il doit encore de l'argent.
L'enquête portant sur la situation financière et sociale de Sekkouri, ordonnée par le juge d'instruction de la CSJ, révèle, quant à elle, que ses revenus ne peuvent en aucun cas justifier son patrimoine actuel. L'audition des témoins ne plaide pas non plus en faveur du préfet de police. Selon des témoins occulaires des services de police de Tétouan, Erramach se rendait souvent dans les locaux de Sekkouri. Le deuxième accusé cité dans le rapport du juge d'instruction n'est autre que le contrôleur général Mohamed Charaf Eddine. Celui-ci est soupçonné d'avoir reçu des mains du jeune baron de la drogue des montants évalués à 2,3 millions de Dhs dont 500.000 Dhs virés sur le compte du petit frère, Ahmed Charaf Eddine, entrepreneur de son état à Safi et incarcéré lui aussi dans le cadre de la même affaire. A cela s'ajoutent les aveux obtenus d'autres présumés trafiquants notoires comme Khadli, Yakoub ou El Ouazzani ( dit El Nene ), interppelés à Tétouan au mois d'août dernier. Tous ont balancé leur protecteur, Mohamed Charaf Eddine, et prétendent qu'il leur servait de parapluie. Si les barons de la drogue opéraient en toute quiétude au nord du pays, c'est parce qu'ils mettaient la main à la poche pour acheter le silence des autorités, conclut le juge d'instruction concernant ces deux hauts gradés de la police. Erramach, le mauvais élève, le passeur qui voulait se faire aussi grand que les barrons a été victime de sa folie des grandeurs. Les virées en jet ski et ses soirées bien arrosées au vu et au su de tout le monde ne font plus bon ménage avec un trafic qui cherche de plus en plus à faire dans la discrétion la plus absolue. Les connexions avec l'étranger, la pression internationale, l'engagement du Maroc de lutter contre la drogue font que le pays s'est lancé désormais dans une véritable campagne d'assainissement contre la drogue.
Et pour se faire une petite idée sur l'ampleur des bénéfices, il faut savoir que le kilo de haschich acheté à Kétama, Bab Berrad ou Chefchaouen à partir de 1500 Dhs est revendu, sur le marché européen, à plus de 3.500 Dhs. Nador, Tanger, Tétouan, Casablanca et tout récemment Agadir sont devenues des zones d'investissements notamment immobiliers dont les véritables patrons dissimulent leur business et leur identité derrière des sociétés écrans et des noms de paille. C'est le cas d'Erramach dont les biens immobiliers sont souvent au nom d'autres personnes, comme sa femme, son oncle, sa mère, ou autres membres de sa famille.
Comptes bancaires douteux
Des propriétés, villas et autres biens cossus acquis par Erramach au fil des années, des cafés, pizzerias au luxe arrogant provenant d'un commerce qui rapporte gros. Dans ce domaine, le mode d'emploi pour le blanchiment se caractérise par le transfert d'importantes sommes d'argent vers d'autres pays ou sur des comptes ouverts dans des banques peu vigilantes. Il est particulièrement significatif que sur les 214 milliards de Dhs déposés dans les banques marocaines au cours de 2003, des villes comme Tanger ou Nador se taillent la part du lion avec respectivement 13 milliards 314 millions et 11 milliards 620 millions de Dhs. A Midar, un petit bourg perdu dans le Rif, les huit agences bancaires se partagent la gestion de 1 milliard 500 millions de Dhs, soit plus que ce que brassent avec peine, beaucoup de villes du centre du pays. La stratégie des barons du blanchiment dont certains hommes d'affaires bien en vue prend le départ avec des investissements immobiliers comme points d'ancrage. Ils sont suivis par la mainmise sur divers secteurs d'activité, grâce à des complicités dans l'administration. Et pour revenir à notre Pablo Escobar marocain, qui risque de vieillir à l'ombre, vu la gravité des chefs d'accusations retenus contre lui, celui-ci n'est pas au bout de ses révélations. Selon lui, quelques éléments du corps de l'appareil judiciaire de la Cour d'appel de Tétouan étaient également de mèche avec sa filière. Cinq magistrats de la Chambre criminelle, notamment Abdelkrim Zehouani, Abdellah Sellal, Abdessalam Hjioui, Mohamed Farid Benazouz, Abdelkader Younsi, en plus du greffier Mohamed El Haji, sont cités dans le rapport du juge d'instruction. Des dossiers bâclés, depuis plusieurs années, au profit de quelques trafiquants de drogue, des poursuites non engagées, des non-lieu non justifiés prononcés pour des barrons de la drogue… Bref, le ministère de la Justice a concocté un rapport brûlant contre les cinq juges, rapport dont les tenants et les aboutissants ont été approuvés par le juge d'instruction de la CSJ. La commission d'inspection, dépêchée avant même le déclenchement de l'affaire Erramach en août 2003, avait tiré des conclusions sur l'implication de plusieurs magistrats dans des affaires de corruption. Les aveux du greffier Hajji, qui assistait les magistrats accusés, vont dans le sens du rapport de la commission d'inspection du ministère de la Justice. Citons, à titre d'exemple, le cas de Abdelkrim Zehouani. Ce dernier, note le rapport de l'instruction, avait innocenté le dénommé El Nene bien qu'il fut accusé de meurtre et de trafic de drogue. Pour sa défense, Zehouani prétend que le dossier manquait de preuves de culpabilité. Et pourtant l'enquête révèle noir sur blanc (les relevés téléphoniques présentés dans
le dossier) que Zehouani et El Nene s'appelaient fréquemment au téléphone. Quelle est donc la nature des relations que peut entretenir un juge avec un accusé ?, s'interroge le juge d'instruction. Autres arguments qui plaident pour la culpabilité de Zehouani, les sommes importantes en devises et en dirhams saisies à son domicile lors de son arrestation par les éléments de la police judiciaire. Là encore, Zehouani n'a pas réussi à convaincre le juge chargé de l'affaire. C'est le cas aussi d'autres juges accusés dans le cadre de la même affaire et dont l'arrestation a soulevé un tollé au sein de l'appareil judiciaire. Aujourd'hui, on parle d'une pétition qui a circulé, signée par presque 1200 juges, en signe de protestation contre l'incarcération de leurs collègues. La manière avec laquelle le ministère de la Justice a géré l'affaire est contraire aux dispositions de la loi qui stipule que la compétence revient à la chambre criminelle de la Cour suprême et non pas à une juridiction d'exception, comme la CSJ. Un avis non partagé par le ministre Bouzoubâa, qui a déclaré à la presse, que pour les fonctionnaires de l'Etat accusés dans des affaires de corruption dépassant le montant de 25 000 dirhams, la compétence revient de droit à la CSJ.Dans tous les cas, les confrontations des juges avec Erramach et El Nene d'une part, et d'autre part, avec le greffier et certains intermédiaires incarcérés ( comme Mohamed Yacoub, Mohamed Khadli, Mustapha Tétouani) laissent entendre que les juges ont été “arrosés” pour dispenser les trafiquants de toute poursuite pénale. Que ce soit devant la Cour suprême ou la CSJ, les preuves fournies par l'instruction sont sans appel et risquent de porter un coup dur à l'avenir desdits magistrats.
Connexions entre gangs
Abus de pouvoir, corruption à grande échelle, non-dénonciation de criminels, falsification de PV, autant de chefs d'inculpation mentionnés dans le rapport du juge Mohamed Sefrioui. Dans le même sillage, plusieurs noms de hauts gradés, relevant de la DGSN et détachés dans la région du nord du pays sont cités par Mounir Erramach à titre de complices dans son trafic de drogue. A n'en citer que Abdessadek Boussalem, chef du service régional de la police judiciaire de Tétouan, Youssef Jebara, commissaire principal, Youssef Herass, Abdelkrim Belamria, Mustapha Laroussi et Yassine Zouaoui, tous ayant le grade d'officier principal de police. Ceux-ci, selon le juge d'instruction, entretenaient des relations très poussées avec la filière Erramach dans toutes ses transactions de drogue effectuées dans leurs points d'attache respectifs au nord du pays. Ils sont poursuivis sur la base des articles 297 du code de procédure pénale et 35 et 38 du dahir de 1972 pour abus de confiance, corruption, et non-dénonciation de criminels. Il en est de même pour les autres accusés de la gendarmerie opérant dans la région de M'diq, en l'occurrence le chef des services de renseignements Abdelhak Serhan, et des deux officiers Mustapha Marouan et Saïd Massou. De l'avis du trafiquant notoire Erramach, les trois gendarmes auraient facilité à peu près une quinzaine d'opérations de transit au niveau de la région de Ouad Marss du côté de Ksar Shgir à destination des côtes espagnoles. La contre-prestation variait selon l'importance de la cargaison et du gain que tirait Erramach de chaque opération réussie.
Véritable Etat dans l'Etat, l'empire du hasch marocain rapporte aux barons et à leurs protecteurs, chaque année, plus de 30 milliards de dirhams. Tous les rapports des organismes spécialisés le confirment. Même la CIA s'est mise sur le coup en concoctant un rapport rendu public en août dernier dans lequel elle relevait “la hausse notable du trafic de haschich à partir du Maroc et l'évolution vers une zone de transit pour les drogues dures en provenance d'Amérique latine”.
Nicolas Sarkozy, le ministre français de l'Intérieur et des libertés locales soumis aux questions de la Commission d'enquête sénatoriale sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites le 23 avril 2003 expliquait de façon précise les nouvelles méthodes : “maintenant, les trafiquants travaillent en flux tendu, il n'y a pas de stocks. La drogue arrive du Maroc, via l'Espagne, elle est répartie dans un certain nombre de quartiers. Elle arrive de nuit et au petit matin. C'est la raison pour laquelle, contrairement à ce qui se passait il y a quelques années, il n'y a plus maintenant de saisies spectaculaires”. Autres prévenus cités à comparaître devant les juges de la CSJ, les intermédiaires. En premier lieu, on trouve Mustapha Benaboud. Homme d'affaires et l'un des notables de la région. Benaboud est considéré par la justice comme l'agent incontournable dans toutes les opérations de corruption versées aux fonctionnaires de l'Etat. C'est le principal maillon de la chaîne du réseau Erramach. Son homme de paille. Celui qui aurait acheté et meublé les logements de Sekkouri et Charaf Eddine à Marina Smir, sans aucune contrepartie, et ce, sur instructions du baron Erramach. Il est propriétaire de magnifiques propriétés dans les deux complexes résidentiels au nord du pays, ce qui lui donne le titre de promoteur immobilier. Ses relations bien entretenues avec les responsables locaux (du port, de la gendarmerie et autres haut gradés de la police) servaient tout le temps à débloquer tout conflit pouvant s'opposer au passage de la drogue des narcotrafiquants. Il était au service, en permanence, d'une brochette de trafiquants moyennant des commissions importantes. Mis à nu par Erramach, celui-ci a avoué être derrière quelques transactions, comme celle passée entre Erramach et Mohamed Charaf Eddine. En effet, Benaboud reconnaît avoir viré la somme de 500.000 dirhams sur le compte du frère du préfet de police à Safi dont la société était en cessation de paiement. Selon le juge d'instruction, rien ne justifie le virement effectué, si ce n'est pour acheter le silence du préfet. La levée du secret bancaire a été d'un grand secours au juge d'instruction pour pister les revenus de chacun des accusés. La chute du parrain a permis l'arrestation d'autres fonctionnaires de l'Etat, comme le douanier Abdelkader Habouli, soupçonné par la justice d'avoir soutenu Erramach en lui facilitant ses entrées au port de Ksar Shgir, point de départ du trafic à destination de l'Espagne. Fort de ses appuis hauts placés, Erramach aurait été également introduit auprès des Forces armées royales. Les deux officiers, Zemzami Omari et Youssef Bennani, ont été, à leur tour, joints au dossier Erramach, malgré les rétractations de ce dernier. Rétractations en faveur aussi de trois pévenus, Ahmed Hassan (officier de police principal), Mohamed Hazim (officier de police) et Hassan El Raiba (mécanicien de son état). Pour ce qui est de ces derniers, le juge d'instruction les a remis en liberté provisoire pour insuffisance de preuves de leur culpabilité. La défense, pour sa part, regroupée autour de plusieurs collectifs, a estimé que le dossier était “bâclé”, en soulignant que la Cour n'était pas “compétente” pour juger cette affaire. Lors de la première audition des prévenus, les avocats ont réclamé la liberté provisoire pour l'ensemble des prévenus. Chose qui a été rejetée par le procureur général du Roi qui a prononcé un long réquisitoire, incitant toutes les parties ( avocats et journalistes présents ) à prendre toutes les précautions pour le bon déroulement du procès qui s'ouvrira de nouveau le 23 décembre 2003 à la CSJ. En tout cas, on peut s'attendre à ce que cette nouvelle campagne aboutisse à la condamnation de certains accusés reconnus coupables. Car en matière de lutte contre le trafic de drogue, le Maroc est cité comme un mauvais élève. Dans un pays où l'argent de la contrebande se chiffre en milliards de dirhams et où la drogue transite aisément.
Le rapport croustillant du juge d'instruction de la CSJ donne des révélations sur les liens qu'entretenait Erramach avec les cercles du pouvoir de la ville de Tétouan. Selon l'instruction, le parrain avait non seulement réussi à mettre sur pied un réseau qui fonctionnait comme une machine bien huilée, mais en plus il s'appuyait sur la complicité sonnante et trébuchante des autorités de tout poil.


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