Maroc-Algérie Un sommet, à l'ordre du jour, est encore incertain. Rabat comme Alger demeurent convaincus que le rejet systématique ne conduit qu'à une impasse, mais les premiers contacts maroco-algériens à la suite de la visite d'Abdelaziz Belkhadem montrent que le pouvoir algérien ne s'est pas défait de ses mauvaises habitudes dilatoires. Il n'empêche, on continue de travailler au rapprochement. La dernière célébration remonte à avril 1983. M'hamed Boucetta, à l'époque secrétaire général de l'Istiqlal et ministre d'Etat aux Affaires étrangères, avait alors pris l'initiative de célébrer avec le FLN algérien et le Destour tunisien le 25ème anniversaire de la Conférence maghrébine de Tanger. Les trois partis - pour l'Algérien et le Tunisien intimement liés aux pouvoirs de leurs pays respectifs, pour l'Istiqlal associé au gouvernement présidé par Maâti Bouabid - le prétexte était tout trouvé : réitérer cet engagement de foi qu'était la promesse jamais tenue de faire prévaloir au Maghreb la fraternité et de construire sur son espace l'union de ses trois peuples. Depuis, silence radio. Peut-être parce que l'UMA était venue en 1989 pendant un temps faire diversion et créer l'illusion de l'unité, mais certainement parce que les motifs de blocage, la discorde, maroco-algérienne en tête, étaient plus forts que les sentiments de fraternité. Mais, voilà que l'Istiqlal et l'USFP se réveillent subitement pour rappeler à notre souvenir la conférence de Tanger en célébrant le 45ème anniversaire de la rencontre de 1958. Il se pourrait qu'il n'y ait derrière cette initiative que la volonté d'entretenir la “ferveur populaire”. A un moment où le monde arabe, traumatisé par la guerre contre l'Irak, est dans le désenchantement total, maintenir en survie un idéal qui se meurt de ses blessures répétées se justifie amplement. S'expliquerait ainsi la célébration après un long silence de ce 45ème anniversaire qui ne correspond à rien : ni anniversaire d'argent ni d'or. Seulement cet événement, qualifié de “majeur” par ses protagonistes, intervient dans une dynamique de “reprise” entre le Maroc et l'Algérie, pierre d'achoppement, mais aussi pierre angulaire de la construction maghrébine. Il viendrait de cette manière consolider par le bas ce qui se prépare en haut. Tout pronostic sur l'avenir des relations maroco-algériennes reste aléatoire. Mais déjà on évoque une rencontre de haut niveau entre les responsables des pays membres de l'UMA avant la réunion du Conseil de Sécurité de l'ONU devant traiter de la question du Sahara, sans que toutefois le secrétariat général de l'Union précise le degré de ce haut niveau. Le revirement d'Alger Parallèlement à l'action propre à l'UMA, les relations maroco-algériennes, si elles ne sont pas encore au beau fixe, continuent de faire l'objet d'une concertation bilatérale réelle quoique erratique. Relancée dans le sillage de la visite effectuée au Maroc en décembre 2002 par le chef de la diplomatie algérienne, Abdelaziz Belkhadem, la quête du rapprochement suit les chemins tortueux des rapports de forces propres au pouvoir algérien. Abdelaziz Belkhadem, a fait montre, au cours de cette visite d'un entregent particulier. Sans concertation avec son homologue marocain, il est allé jusqu'à la tenue d'une conférence de presse à Rabat où il a déclaré savoir d'emblée que “les relations bilatérales entre [les] deux pays ne peuvent prendre l'apparence d'un fleuve tranquille”, précisant qu'il avait néanmoins convenu avec Mohamed Benaïssa d'œuvrer au renforcement de la coopération entre les deux capitales. Pour donner un contour concret à cette volonté, la diplomatie algérienne s'est dite prédisposée à évoquer tous les dossiers, y compris celui du Sahara qu'elle a jusque-là considéré du seul ressort de l'ONU. Cette sourdine mise en rejet du préalable du Sahara n'engageait en rien Alger, mais elle confiait les possibilités d'entente sur une solution politique à la dynamique de la discussion avec pour toile de fond un sommet maroco-algérien continuellement à l'ordre du jour mais toujours incertain. Au cœur des mécanismes de rapprochement, naturellement le plan Baker. Rabat, déjà mécontent que le “Polisario” n'ait pas remis, comme convenu avec le représentant personnel du secrétaire général de l'ONU, sa réponse en même temps que le Maroc et l'Algérie, a émis plusieurs réserves sur le projet onusien au Sahara : Plus qu'une autonomie, celui-ci ressemble plutôt à l'instauration d'une “république au sein d'une monarchie”. James Baker pourrait toujours trouver une voie médiane entre les deux versions pour aller vers une solution, mais déjà l'Algérie semble se rétracter. Lors d'une réunion exploratoire, cinq responsables marocains, conduits par l'ambassadeur Mohamed Azaroual, directeur du département monde arabe, se sont retrouvés devant 20 homologues algériens disposés à parler de tout sauf du Sahara : “nous aimerions consulter” ont-ils répondu lorsque les diplomates marocains avaient amené le sujet sur la table des négociations. Renié l'engagement d'Abdelaziz Belkhadem ? Si c'est le cas, les perspectives ouvertes par la fameuse interview du général Khaled Nezzar à la Gazette du Maroc et la médiation certaine mais officiellement niée du président français Jacques Chirac seront également fermées. Après la tonitruante visite du chef de la diplomatie algérienne, rien de substantiel n'avait vraiment changé. Mais, la souplesse même toute relative apparue dans l'approche algérienne, avait laissé entrevoir la possibilité d'une issue politique au conflit, Rabat comme Alger étant intimement convaincus que les positions de rejet systématique ne pouvaient conduire que droit au mur. Malgré les déclarations d'intention et le débat sur la question qui semble avoir été engagé en Algérie, en dépit des efforts français et des encouragements américains, les premières rencontres maroco-algériennes qui donnent suite à la visite d'Abdelaziz Belkhadem, laissent croire que le pouvoir algérien ne s'est pas encore défait de ses manœuvres dilatoires. Il n'empêche, on continue de travailler au rapprochement.