La décision marocaine de lever le visa pour les Algériens souhaitant se rendre au Maroc semble avoir pris de court les autorités d'Alger qui, quatre jours après, n'ont toujours pas réagi officiellement. Quatre jours après l'annonce officielle de la décision du gouvernement marocain de lever le visa pour les ressortissants algériens voulant se rendre au Maroc, aucune réaction officielle n'est encore enregistrée à Alger. L'unique commentaire officiel demeure celui du ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, qui a affirmé, samedi dans une déclaration à la presse, que "l'Algérie fera connaître ultérieurement sa position concernant la suppression du visa pour les Marocains" et que "la réouverture des frontières est à l'étude au niveau des deux groupes de travail constitués par les deux pays". Le chef de la diplomatie algérienne avait même tenté, dans un premier temps, de donner à la décision marocaine une dimension bilatérale en laissant entendre que l'initiative de Rabat donnait suite au message de vœux adressé par le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, à SM le Roi Mohammed VI à l'occasion du cinquième anniversaire de l'intronisation du Souverain. Un message dans lequel, le président de la république algérienne avait réaffirmé à SM le Roi sa volonté de "développer l'action commune entre les deux pays pour jeter les ponts de la fraternité, du bon voisinage, de la solidarité et de la coopération" et mis l'accent sur la nécessité de "réunir les conditions devant favoriser la relance de l'édification de relations bilatérales exemplaires, à même de servir les intérêts communs des deux pays et des deux peuples frères". Toutefois, la bonne volonté exprimée par le chef de l'Etat algérien dans sa missive ne s'est pas traduite par une réponse favorable et immédiate à la main tendue par le Maroc. Au sommet du pouvoir en Algérie, l'initiative marocaine semble avoir provoqué un effet de stupeur qui a empêché les décideurs algériens de réagir convenablement à une décision à la fois audacieuse et sereine. Pris de court, les responsables algériens souhaitent éventuellement avoir plus de temps pour réfléchir pour trouver la réponse adéquate au geste marocain. Une thèse confortée par la décision du ministre algérien des Affaires étrangères d'annuler la visite qu'il devait effectuer, hier au Maroc, afin de participer à une table ronde sur les relations euroméditerranéennes, organisée dans le cadre de l'université d'été du festival culturel de la ville d'Asilah. Le chef de la diplomatie algérienne a annulé cette visite alors qu'il s'était engagé à participer à ladite conférence au mois de mai dernier. Invité par son homologue marocain, Mohamed Benaïssa, il devait y rencontrer le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos. Les trois responsables devaient, selon des informations rapportées par des sources diplomatiques espagnoles, tenir une rencontre tripartite dont le thème principal serait celui de la question du Sahara. Le désistement unilatéral de M. Belkhadem est sans doute lié à la décision marocaine de lever le visa pour les Algériens désirant se rendre au Maroc. Une décision qui lui évite de se trouver dans une situation embarrassante puisque son gouvernement n'a pas encore décidé de la suite qu'il donnera à l'initiative marocaine. Certains observateurs affirment par ailleurs que le manque d'enthousiasme de la part du gouvernement d'Alger s'explique par le fait que celui-ci voulait qu'une décision aussi importante que la suppression de la procédure de visas des deux côtés soit concertée entre les deux capitales et annoncée d'une manière conjointe et dans le cadre d'une solution globale de tous les dossiers en suspens entre les deux capitales. D'ailleurs, Rabat et Alger avaient mis en place des groupes de travail qui se penchent actuellement sur ces questions et dont les travaux devraient aboutir avant la fin de l'année en cours. Cette hésitation de la part du gouvernement algérien a dérouté même la presse algérienne dont plusieurs organes de la presse écrite s'étaient félicités de la décision marocaine et s'attendaient à une réaction favorable de la part du gouvernement de leur pays. Or, deux jours après, le ton a nettement changé dans la presse algéroise qui tente de banaliser la décision marocaine et en accusant le gouvernement marocain de chercher à tirer un bénéfice économique de l'ouverture des frontières. Pour la presse algérienne, la levée du visa marocain pour les Algériens a aussitôt été décidée dans l'objectif de profiter d'une ruée massive vers le Maroc. "Il est hors de question de continuer à envoyer ses jeunes y débourser leur argent et revenir avec des sacs de kif traité", estime l'éditorialiste d'un quotidien algérien rajoutant que la résolution des "contentieux entre les deux pays" qui "décidera du jour où les jeunes Algériens pourront se ruer librement sur les magasins marocains dont ils assuraient la prospérité, il y a dix ans". Ainsi, l'hésitation des autorités algériennes et le fait qu'ils tardent à annoncer leur position officielle suite à la décision marocaine est en train de provoquer une multitude d'interprétations qui risquent d'envenimer le climat entre deux pays au lieu d'assainir les relations bilatérales. Ce qui est dans l'intérêt des deux peuples frères qui attendent impatiemment, des deux côtés la réouverture des frontières. La balle est donc dans le camp algérien.