Croissance économique et réformes L'économie marocaine se porte bien. Le ministre des finances et de la privatisation vient d'en présenter les performances réalisées pour 2002. Il en ressort une croissance soutenue à la faveur des performances des secteurs primaire et manufacturier, ceux des mines et de l'énergie, du BTP mais aussi de l'amélioration de la demande intérieure. À l'occasion, Fathallah Oualalou a levé le voile sur les perspectives économiques pour cette année au terme de laquelle le PIB pourra s'accroître de 5,5% Pour les uns, dont nous sommes, les chiffres comme les faits sont têtus. Entre les performances de l'économie marocaine que vient de présenter l'argentier du pays, lors d'une conférence de presse tenue le mardi 18 janvier 2003 au ministère des finances, celles qu'on découvre au quotidien et celles que les experts et les observateurs étrangers nous font redécouvrir chaque année, le bon sens bascule. Le Maroc en marche de Oualalou se résume à une croissance soutenue en 2002 de l'ordre de 4,5%, à moins de demandeurs d'emplois qu'en 2001, à une inflation qui plafonne sagement à hauteur de 2,8%, à un déficit contenu, certes difficilement, à 4,7% du PIB au lieu de 6% prévu initialement , à un secteur primaire dont la valeur ajoutée s'est accrue de 8%, à un secteur de l'énergie et des mines qui brûle ses feux, à un secteur du BTP à fond la pierre, à un secteur manufacturier en pleine croissance avec en vue une valeur ajoutée qui augmentera de 3,6%, à une demande intérieure progressant de 6,6%, à des transferts de liquidités de l'extérieur en veux-tu en voilà qui totalisent près de 103 milliards de dirhams, soit 25,2% du PIB, et à un taux de couverture porté à 66,4% à la faveur d'une augmentation des exportations de 5,3%. Satisfait de son bilan et de celui de l'économie marocaine, le ministre l'a été. Il a souligné “que la dernière mission de consultation du FMI ayant séjourné dans notre pays du 15 au 29 octobre a noté avec satisfaction les progrès réalisés en 2002, tout en encourageant le Gouvernement à mettre en œuvre son programme de réformes”. Aussi, le ministre a-t-il noté que l'exécution de la loi de finances 2002 s'est déroulée dans de bonnes conditions à la faveur d'une amélioration des recettes ordinaires, hors produit de la privatisation, de 3% par rapport à 2001 et une plus-value de près de 800 millions de dirhams par rapport aux prévisions de la loi de finances, d'une économie de 4 milliards de dirhams sur les dépenses ordinaires qui ressortent à 92 milliards de dirhams contre les 96 milliards de dirhams prévus ; et d'une meilleure politique de financement des besoins du Trésor avec le recours de plus en plus aux ressources financières locales. Le stock de la dette totale publique représente à fin 2002 près de 70% du PIB contre 75% en 2001, avec une baisse des charges en intérêts de près de 1,2 milliard de dirhams. Les crédits bancaires à l'économie, qui ont augmenté de 4,5% à 9,5 milliards de dirhams contre 8 milliards de dirhams en 2001, ont bénéficié principalement au secteur immobilier (+14,5%) et aux sociétés de financement. C'est dire qu'il serait difficile d'encourager les initiatives privées lorsque les seigneurs de la finance n'y croient plus. Insatisfaits d'une présentation qui versait dans les généralités, nous l'étions. Le ministre a présenté les perspectives économiques pour cette année au terme de laquelle le PIB pourrait s'accroître de 5,5%. Mais si cette croissance semble être favorisée par une bonne pluviométrie qui augure d'une bonne campagne agricole, Oualalou s'est dit échaudé par l'éventualité d'une guerre en Irak qui fera perdre au Maroc quelque 1,5 milliard de dollars. En soulignant toutefois que le Maroc a un niveau confortable d'avoirs extérieurs lui permettant de résorber sans trop de difficulté cette facture. Le secteur primaire, souligne-t-il, pourra s'améliorer de 24 milliards de dirhams et le PIB non agricole de près de 4,3%. La balance des paiements, compte tenu de la hausse du prix du pétrole qui devra se situer en moyenne à hauteur de 25 dollars le baril et de la bonne tenue du cours de l'Euro face au dollar sur les marchés internationaux, ne connaîtra pas de grands changements et les comptes extérieurs pourront ainsi se solder de nouveau par un excédent de 2,5% du PIB. Ainsi, les réserves de change pourront se stabiliser autour de 10 mois d'importation. S'agissant des réformes programmées pour cette année et qui seront financées en grande partie par des aides ou des prêts d'institutions internationales, elles concernent la poursuite du processus de libéralisation du secteur des télécoms avec le lancement d'un nouvel appel d'offres pour la cession de la deuxième licence de la téléphonie fixe et la modernisation des services financiers de la poste ; la réforme tant attendue du secteur financier marocain avec le renforcement de la réglementation prudentielle et de l'indépendance de la banque centrale ainsi que l'assainissement financier des institutions bancaires publiques ; la réforme de l'administration avec l'encouragement des départs volontaires et la maîtrise des dépenses ; l'encouragement des grands projets d'habitat et la réforme réglementaire du secteur ; l'ajustement du secteur de la santé avec l'accélération du processus de mise en place de l'AMO (assurance maladie obligatoire) ; l'amélioration de la politique de l'eau ; la poursuite du processus des privatisations ; la modernisation de la législation du travail et l'accélération de la mise à niveau du tissu industriel marocain. Dans le registre des privatisations, il y a lieu de noter que celle de la Régie des tabacs ne sera finalisée qu'au cours du deuxième semestre 2003. Et que le calendrier de la privatisation de la RAM ou de la cession des 16% du capital de Maroc Telecom sera publié incessamment. Enfin, on ne peut que saluer les efforts déployés par les gardiens des finances de l'Etat pour enluminer les grands équilibres macroéconommiques et entretenir un optimisme débordant, mais les contradictions grossissent. La situation sociale ne reflète guère cette dynamique de l'économie marocaine. Ils doivent être plus intelligents et manœuvriers que par le passé pour conduire des choix fins mais coordonnés de politique économique et sociale. Les attentes ne font que croître, elles ne peuvent qu'exploser. Demain, après demain au mieux...