Ecrite par Ahmed Tayeb El Alj, composée par Abdelkader Rachdi et interpretée par Latifa Raafat, «Khouyi» reste l'une des chansons les plus fredonnées par petits et grands. Un jour, je reçois la visite d'un ami avec qui j'avais une mésentente. Il s'est présenté dans mon bureau au théâtre Mohammed V, où j'exerçais avant la retraite, pour s'excuser. De part et d'autres, on s'est fait des reproches et on a fini par se réconcilier. En me quittant, il me lance, «frère considère-moi comme l'un de tes amis». Après le départ du visiteur, Ahmed Tayeb El Alj, car il s'agit bien de lui, ne savait plus quoi faire. Il ne pensait qu'à une chose, écrire une chanson inspirée de la phrase prononcée par son ancien nouvel ami. Il se mit au travail : «Khouyi aamalni min hbabek sal alia ou sal alia kif nsal alihoum». A peine la première ébauche mise sur papier, et voilà le compositeur Abdelkader Rachdi qui se pointe, à l'improviste et par pur hasard. Quand El Alj lui fait la lecture du manuscrit, la couleur de son visage se transforme. Ainsi est le grand compositeur, d'une sensibilité à fleur de peau, il est métamorphosé quand il tombe sur un beau texte «zajal». Et ce fut le cas avec ce qu'il vient d'entendre. «Tayeb, tu vas finir ton texte. Je ne sortirais d'ici qu'après l'avoir entre mes mains». Il bloqua la porte du bureau et attendit que Laalej finisse de mettre au propre «Khouyi». « Demande après moi de temps en temps, pense à moi et ne m'oublie pas Qui sans toi mon amour peut comprendre ma situation et peut m'excuser. » La chanson une fois composée devait être interprétée par Naima Samih mais elle finit entre les mains de Latifa Raafat. Après de longues répétitions, elle fut enregistrée au studio de la radio avec l'orchestre national et les techniciens de son, Abdelhak, Jabbar et l'alchimiste Mohamed Kawkabi. Le public la découvre, pour la première fois, au cours d'une soirée à Sidi Kacem, retransmise par la radio. Chanson de l'année 1986, «Khouyi» vient enrichir le répertoire de la variété nationale et mit sur scène une nouvelle star, Latifa Raafat. Piratée avant d'être mise sur le marché en cassettes, elle connut un franc succès au Maroc, dans les pays arabes et au sein des MRE. Hamid Alaoui, son producteur et distributeur, nous informe que quand il demanda au grand compositeur Abdelkader Rachdi le cachet de son travail, ce dernier répondit «pas le moindre centime. Tout ce que je souhaite, c'est que cette chanson soit un bon début pour la nouvelle voix». Des paroles ciselées de main de maître, une composition sur «Makam al kurd» avec un brin du Malhoun et une interprétation magistrale. Ce sont les ingrédients qui font de «Khouyi» un refrain inoubliable. N'est-il pas toujours fredonné en toutes circonstances ? ■