Adorateur passionné de la musique raffinée, emporté par les airs éternels, le compositeur Ahmed Kourti poursuit ce chemin, avec abnégation et humilité, au service de la promotion de la chanson marocaine. Par Driss Guedira LA MUSIQUE : UNE PASSION DEPUIS L'ENFANCE Passionné par la musique, Ahmed Kourti l'a toujours été. Déjà depuis sa tendre enfance, dans son Ouezzane natal, du temps où son défunt père, Thami Kourti, échangeait des visites avec son ami d'enfance et d'étude le compositeur Mohamed Ben Abdeslam. Tantôt à Ouezzane et tantôt à Salé, où résidait le compositeur et plus tard à Meknès quand ce dernier s'y était établi. C'est dans cette ambiance familiale que va grandir le jeune Ahmed. A l'âge de sept ans, il est déjà un fan de la chanson orientale diffusée à l'époque sur les ondes de la radio nationale. On lui fait alors suivre, pour son initiation, des cours de musique andalouse. Après des études primaires à Ouazzane, l'artiste fait le secondaire à Rabat, parallèlement au cours du Conservatoire Mamounia en 1965 (date du décès de son père). Au conservatoire, il commence à composer des partitions, guidé en cela par l'expérience de Mohamed Ben Abdeslam, auprès duquel il a beaucoup appris. Cet exercice, il l'a pratiqué un peu plus tôt. Déjà élève à Ouazzane, il s'était escrimé avec un texte classique du Tunisien Aboul-Kacem Chebbi, intitulé "Firaq" et va lui servir de prétexte à sa prestation à la célèbre émission "Mawahib" du non moins célèbre Abdenbi El Jirari. Cette participation le fera révéler au public, confie le compositeur confirmé qu'il est devenu. Aujourd'hui, l'artiste se rappelle des premières compositions qui furent interprétées par des chanteurs de renom tels Mahmoud El Idrissi avec "Ya Sabiya" en 1971. Fort de ce succès, il commence à être sollicité par des chanteurs et paroliers, dont l'un des premiers a été Ali Haddani, avec "Kheir wa salam". DANS LE GOTHA DE LA CHANSON MAROCAINE Grand joueur du Oud, l'artiste s'est entretemps frayé une voie dans le gotha de la chanson, aux côtés des grosses pointures de la chanson, parmi les compositeurs, paroliers, interprètes et producteurs qui ont marqué la scène des années 70, notamment Ahmed Bidaoui, Abdelkader Rachdi, Abderrahim Sekkat, Abdesslam Amer, Mohamed Fouiteh, Mohamed Benabdeslam, Abdenbi Jirari. Aujourd'hui, la cinquantaine passée, il continue à préférer, à sa belle voix mélodieuse, écouter ses oeuvres interprétées par d'autres artistes. Ahmed Kourti c'est aussi une voix qui cherche des voies pour d'autres voix. Il s'est dédié à cela, tel un soldat de l'ombre, durant de nombreuses années et loin des projecteurs, au service de la chanson marocaine. La chanson marocaine a des capacités et un potentiel de rayonnement pour investir les scènes arabe et internationale, a-t-il confié à la MAP. Cet ancien professeur du Conservatoire de Rabat, qui est toujours nostalgique de la chanson marocaine d'antan, celle des fondateurs, avoue s'intéresser à tous les courants et tient à composer pour les nouvelles voix comme Rachida Talal (Ana min oujdi ana), Brahim Barakat (Arrabii), Yahia Saber (Al Baida). Ses oeuvres ont toujours été bien accueillies par les grands noms de la chanson marocaine, qui a de nouvelles perspectives. Rien que pour la radio nationale, il a enregistré près d'une centaine de chansons avec les différentes générations d'artistes entre autres, Ismael Ahmed, Abdelmounim Jamai, Al Bachir Abdou, Latifa Raafat, Amal Abdelkader, Amal Abdelkebir, Mohamed Ghaoui, Aziza Malak. A côté de ce riche répertoire, il a aussi composé des bandes originales de plusieurs films, et a encore sous les mains d'autres compositions toutes prêtes, comme "Mouhajir" du poète Abderafie Jouahri, "Sultan" du parolier Taher Sebbata avec qui il a travaillé sur une vingtaine de textes et "Ghorba wa hanine" de Abdellah Outarad ou encore " Allah Y Chafi " de Omar Touzani. CHANSON MAROCAINE : LA RESPONSABILITE DE L'AUDIOVISUEL Pour Kourti, les médias audiovisuels doivent continuer à s'ouvrir aux chanteurs, paroliers et compositeurs, afin que ces artistes aient une présence sur les ondes et aux écrans pour les faire connaître auprès du public. Ce sont là des éléments indissociables de l'industrie de la chanson, dit-il. La chanson marocaine, dans toutes ses variantes, se porte bien grâce aux contributions des grands compositeurs et des paroliers, estime -t-il, relevant qu'on ne peut pas parler d'une crise de la chanson marocaine au niveau de la production, des textes ou encore du dialecte marocain mais d'une question de la gestion et de management. La Société Nationale de Radiodiffusion et de Télévision (SNRT) doit, selon lui, rester fidèle à sa tradition en matière de création artistique et de diffusion, à travers le département des variétés musicales qui veillait à assurer le lien entre les artistes et le public, mais également à sélectionner les chansons qui contribuent au développement d'un goût musical qui résiste à toute aliénation identitaire. Le compositeur a dans ce sens appelé le ministère de la culture à redoubler d'efforts pour soutenir les artistes et les encourager à davantage de créativité. Il relève toutefois que malgré son abondance, la production musicale au Maroc souffre d'un manque d'esprit de travail d'équipe à cause des nouvelles technologies qui ont permis de produire rapidement des chansons sur le compte d'un enregistrement en direct qui conférait une ambiance quasi-mystique aux productions. Ahmed Kourti pense à ce titre que la reprise des anciennes chansons avec de nouvelles distributions doit être faite par des spécialistes afin que les nouvelles générations soient au fait du patrimoine musical des maîtres fondateurs. Pour lui, les différents intervenants de la scène artistique doivent assurer les moyens nécessaires au développement et à la promotion de la chanson, notamment par la constitution d'un orchestre national et des ensembles régionaux, à l'instar de ce qui se faisait par le passé. L'artiste, qui sera en tournée durant les mois de juin et juillet prochain en Tunisie, Egypte, Libye et Emirats arabe unis, travaille aujourd'hui sur un récital rétrospectif de ses oeuvres.