Articles, analyses, éditos… La presse espagnole en a largement fait l'écho. Le contraire nous aurait étonnés : la fin de la crise entre Rabat et Madrid a fait couler beaucoup d'encre du côté nord de la Méditerranée. Comme ici d'ailleurs. De La Razon à l'ABC en passant par El Mundo, l'événement a été “traité” avec force détails. Unanimité : la décision royale est perçue comme un geste hautement cordial. Un retour à la normale qui met fin à 15 mois de tension et relance la coopération bilatérale sur la base de la clarté et de l'amitié réciproques. Plus de “faux problèmes entre les deux voisins”. Mon amie Ana. L'expression du ministre marocain des Affaires étrangères a servi de titre pour le quotidien ABC. On y trouve les minutes “d'une longue journée” d'Ana Palacio, passée à Agadir. Ceci est le début d'une “grande amitié”. Paraphrasant le mythique film “Casablanca”, les ministres marocain et espagnole des Affaires étrangères se sont donné la poignée de main définitive qui met fin à la crise. La journée était longue, lit-on dans le quotidien. S'ensuit une relation minutieuse du voyage d'Ana Palacio à Agadir. La première étape, selon le quotidien madrilène, tient à l'audience accordée par le Souverain à la ministre espagnole des Affaires étrangères. A laquelle ont assisté également Ramon Gil-Casares, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Gabriel Busquets, directeur général pour l'Afrique. La seconde étape fut celle de la conférence de presse donnée par Mohamed Benaïssa et Ana Palacio à Rabat. C'est là où fut prononcée la phrase-titre. Dans un autre article, aussi long qu'informatif, il a été encore question d'“étape”. Cette fois-ci, il s'agit d'une “nouvelle étape dans les relations” entre le Maroc et l'Espagne. Un message qu'ABC a reçu et transmis, sous la plume de son envoyé spécial et son correspondant à Rabat, à ses lecteurs ibériques. “Tout paraît changé dans les relations entre les deux voisins, après presque deux ans de tension continue”, a noté le quotidien. Citant des sources propres, ABC a ajouté que “le Roi a été très direct” lors de l'audience royale accordée à Ana Palacio. Et ABC d'ajouter : le Roi a exprimé sa volonté de “donner un nouveau souffle aux relations bilatérales”. Avant que le Souverain, selon ABC, n'assure le ministre des Affaires étrangères en ces termes : “je veux qu'on sache que notre intérêt n'est pas de créer de faux problèmes avec l'Espagne”. C'est dans ce climat de cordialité que le monarque a annoncé, toujours selon le journal, sa décision d'ordonner le retour à Madrid de l'ambassadeur marocain. C'est un geste royal, ajoute ABC citant Benaïssa, à l'égard de la ministre et à travers elle S.M. le Roi, le président du gouvernement et le peuple espagnol ami. En principe, ce seront les mêmes personnes, A. Baraka et Fernando Aria-Salgado, qui “retournent à leur poste d'ambassadeurs”. Cependant, “dans le cas espagnol, la nomination d'un nouvel ambassadeur n'est pas écartée”. Les milieux diplomatiques font circuler, note ABC, les noms de Gabriel Busquets et Miguel Angel Moratinos. Ni Benaïssa, ni Palacio n'ont raté l'occasion pour utiliser la métaphore : il n'y est plus question de “tourner la page”. Mais aussi “écrire un nouveau livre dans les relations” entre les deux pays. Le retour des ambassadeurs, commente le journal, est le résultat le plus concret de cette longue journée d'Ana Palacio à Rabat. Mais il ne fut pas l'unique. Les groupes communs de travail vont reprendre leurs discussions sur les questions d'intérêt commun : affaires économiques, relations entre sociétés civiles des deux rives du Détroit, plan de coopération, etc. Pour sa part, Diario directo a considéré, en décidant le retour des ambassadeurs, que Rabat et Madrid ont réinstallé le canal institutionnel du dialogue. La Razon : le retour à la normale La “Razon” connu pour ses affinités avec les milieux de la droite a consacré son éditorial de vendredi dernier à l'événement. Pour le quotidien, cette décision qui a été prise après la réunion d'Ana Palacio avec le Roi Mohammed VI met fin à une crise diplomatique qui a duré 15 mois. Ceci, selon La Razon , a été possible suite à un large processus de rapprochement entre les deux pays, jalonné ces derniers mois par une politique de gestes irréprochables. L'éditorial a par ailleurs jugé “qu'il ne convient pas au Maroc de maintenir une situation de conflit avec un de ses principaux partenaires”, vu “la crise économique” que traverse le pays. Sur la même ligne aussi sceptique que tendancieuse, La Razon ajoute : “le futur nous révélera les cases manquantes” pour expliquer ce changement de position du gouvernement marocain. Ce qui n'empêche pas La Razon de donner sa propre version du “champ des spéculations”. Certains milieux attribuent le changement de la position marocaine, au fait de voir “s'ériger un axe Madrid-Alger”. De son côté, El Mundo s'est contenté de donner l'information. Attentisme ? Quoi qu'il en soit, le quotidien madrilène a mis en exergue le geste “royal” au profit des pescadores (pêcheurs) espagnols. “La ministre espagnole, lit-on, a exprimé à S.M. le Roi, au nom du Roi Juan Carlos et du président du gouvernement José Maria Aznar, le remerciement pour le geste du Maroc permettant aux pêcheurs galiciens de retrouver les eaux marocaines” pour les aider à palier les effets de la catastrophe causée par le Prestige. Les milieux d'affaires n'étaient pas en reste. Pour eux, la tension qui a régné tous ces mois n'a en rien affecté l'échange entre les deux pays. Dans un article pourtant intitulé “fin d'une crise”, un des leurs l'a clairement signifié dans ABC. Pour Jose Miguel Zaldo, président du comité bilatéral hispano-marocain, “il n'y a réellement jamais eu de crise”. Car pour J.M. Zaldo, les relations entre les deux confédérations, espagnole et marocaine, des entrepreneurs, les relations sont restées “normales, fluides et permanentes”. C'est la preuve évidente, ajoute-t-il, que “nos relations commerciales se sont développées à la hausse et sont restées les mêmes”. Vendredi dernier, 24 janvier, une importante délégation composée de 40 hommes d'affaires, présidée par José Cuevas, a été reçue d'une façon extraordinaire par le Premier ministre marocain, Driss Jettou, accompagné par les six ministres économiques de son gouvernement. Il a surtout mis l'accent sur la présence d'un envoyé spécial de S.M. le Roi Mohammed VI, lors d'une réception donnée en l'honneur de la délégation. Et Zaldo d'ajouter : “nous avons parlé avec clarté” et “établi un agenda de travail” comprenant tous les “thèmes importants entre les hommes d'affaires en Espagne et au Maroc”. Cette réunion, a-t-il précisé, est organisée “indépendamment des agendas politiques”. Ceci pour dire que c'est là “pour les hommes d'affaires une priorité de grande importance”. Et qu'elle le sera pour toujours. Il a également insisté sur la volonté de ses collègues de contribuer au renforcement des “relations politiques qui doivent être excellentes” et d'agir “en sorte” pour faciliter un climat cordial.