Si la faiblesse de la productivité est une constante, la manière de vivre le Ramadan l'amplifie. Il est impossible, pendant le mois du jeûne, de voir une administration démarrer réellement à neuf heures. Tout marche au ralenti, presque caricatural. Le jeûne n'y est pas pour grand-chose, c'est la manière de s'organiser durant ce mois, qui en fait un mois de tire au flanc. La majorité des Marocains, surtout en milieu urbain, veille jusqu'aux aurores, au fameux shour. Depuis des décennies, il y a une véritable organisation sociale autour de ce phénomène. Dans les familles, « Darat » permet des réunions qui commencent à la rupture du jeûne et qui se terminent au petit matin. L'aspect festif est plaisant à voir, même si souvent les hommes s'isolent pour jouer aux cartes. Seulement enchaîner le manque de sommeil n'est pas le meilleur moyen d' « exploser » au bureau. Cette pratique ne concerne qu'une infime partie de la population. Le reste, le gros des veilleurs le font en solo ou quasiment. Nos deux télés non seulement accompagnent ces longues soirées, mais incitent à la veillée. Après minuit, vous avez souvent une programmation, riche, variée, alléchante, très au-dessus de ce que l'on propose d'habitude. Dehors, l'animation bat son plein. Les soirées « Halal » se multiplient au fil des ans, et les cafés et glaciers sont ouverts jusqu'à l'aube. inverser la tendance Souvent on y joue aux cartes, soit pour de simples consommations, soit pour de l'argent. Les joueurs occasionnels sont légion. Ils remplacent souvent l'alcool par le jeu. Ces cafés sont situés dans tous les quartiers, y compris dans des sites résidentiels. Par ailleurs, les rues étant pleines, les gens se sentent plus en sécurité. Les piétons battent le pavé au-delà de minuit. C'est ce qui explique les mines défaites et les humeurs massacrantes du lendemain. Par la force de l'habitude, c'est devenu un phénomène culturel enraciné. Faut-il baisser les bras ? Non, parce que le coût est énorme, mais aussi parce qu'il suffit de décisions courageuses pour inverser la tendance. Ainsi, nos télés ont un effort de rééquilibrage de la programmation à faire. Bien qu'en ce domaine, l'impact risque d'être diminué par l'offre satellitaire omniprésente. Le gain le plus probable se situe au niveau de nos rues. Imposer aux commerces le respect des horaires normaux, pour chasser les tripots, fait partie des fonctions légales des autorités. Elles n'ont qu'à appliquer la loi, pour aider à un changement de comportement. A l'intérieur des Administrations et des entreprises, la rigueur n'est pas de mise. Le Ramadan est censé tout excuser et il y a une gêne certaine à sanctionner un préposé censé jeûner. C'est cet état d'esprit qu'il faut changer. Encore faut-il que les chefs s'appliquent à eux-mêmes la rigueur tant convoitée.