Dans les milieux avertis, le retour d'Ouyahia n'est pas une surprise et il était plutôt attendu. Mais trop de questions restent posées au retour du patron du RND qui reste le principal rival de l'ex-parti unique FLN. Depuis l'automne 2008, les commérages n'ont cessé sur la révision de la constitution et bien sûr, le 3ème mandat de l'actuel locataire d'El-Mouradia. Grisé par son succès aux dernières législatives, Abdelaziz Belkhadem, dès sa nomination au poste de Premier ministre, a cru en son destin politique. Il a commencé par mener une campagne ouverte avant l'heure pour la révision constitutionnelle et notamment son article 54, ce qui a profondément gêné l'alliance présidentielle RND-FLN-Hamas et surtout la grande muette qui n'avait pas encore fait son choix sur l'échéance 2009, ce qui explique ces voyages discrets à Paris de certains décideurs de l'ombre. En mettant au placard Abdelaziz Belkhadem, que certains milieux jugent proche de Téhéran, Bouteflika a fait usage de son talent d'ex-diplomate à l'égard des uns et des autres. Il a clairement signifié au gouvernement FLN sa mauvaise gestion et les objectifs non atteints, alors que le baril du pétrole caracole autour des 140 dollars. Ouyahia, l'homme qui fait peur Il faut dire que le retour de cet énarque n'a pas été accueilli favorablement par l'opinion publique et surtout la classe ouvrière. Le nouveau chef de gouvernement est connu pour sa froideur, son arrogance et parfois son cynisme. On se souvient des décisions prises par Ouyahia au lendemain de sa première nomination au poste de Premier ministre. Il s'attaque sans état d'âme à la petite bourse des salariés, en leur imposant une ponction sur salaire de trois jours, mais ceci n'est rien devant le harcèlement des cadres du secteur public, dont beaucoup finiront leur carrière en prison pour des délits non établis et que la presse privée a dénoncé à l'époque. Rappelons pour la petite histoire, que Ahmed Ouyahia a été ministre de la Justice. Donc, ce retour pose problème aux partis de la mouvance démocratique qui voient déjà le sort de la présidentielle 2009 réglé. La grande muette a-t-elle parlé en propulsant Ouyahia à la chefferie à neuf mois des élections présidentielles? Tout porte à le croire, et pour cause, dans sa nouvelle mouture, la prochaine constitution ouvrira la voie grande à Bouteflika pour un troisième… demi- mandat et surtout, la création d'un poste de vice-président de la république qui ira comme un gant à Ouyahia qui, dit-on, a le soutien des véritables tenants du pouvoir, car depuis toujours, l'ombre des Tagarins veille sur El-Mouradia. Sauf qu'il faut rappeler que Ouyahia, l'éradicateur qui a su attendre et supporter certaines humiliations, ne se contentera pas d'être tout simplement un vice président. Ainsi donc, tout a été réglé pour un scénario catastrophe, en cas de vacance du pouvoir, on n'a pas besoin d'élire un nouveau président, Ouyahia sera là! En attendant la prochaine rentrée sociale, beaucoup de choses peuvent se passer. Bouteflika lui-même vient d'annoncer devant les maires du pays l'échec total en déclarant solennellement «nous nous sommes trompés, nous nous sommes rendus compte que nous avons fait fausse route! Oui! En matière de politique de privatisation et d'investissement, nous nous sommes cassés le nez ». Cet aveu d'échec conforte l'opposition et les partis de gauche qui n'ont jamais été consultés pour la prise des grandes décisions. Mais au fait, que peut-on attendre d'un pouvoir qui ne concède pas le moindre espace à ses opposants? Faute de dialogue, de concertation, l'échec est plutôt assuré et le constat de Bouteflika arrive tard et le mal est fait. Avec une jeunesse désemparée, des universitaires au chômage, une agriculture moribonde, une industrie agonisante, un changement radical s'impose, faute de quoi, l'Algérie connaîtra un autre octobre 88 (le mai 68 des Algériens). Bouteflika au crépuscule de sa carrière politique, osera-t-il secouer le cocotier et se débarrasser des contraintes des lobbies et des coulisses ? S'il passe à l'acte, il aura sauvé sa carrière et la république Algérienne.