Le PJD aura été doublement désillusionné : d'abord, le score tant caressé n'a pas été celui que les urnes lui ont donné. Ainsi, au lieu d'une élection remportée haut la main, le parti islamiste est placé deuxième après celui du parti de droite nationaliste. Ensuite, leur participation au gouvernement n'est pas sur l'agenda de Abass El Fassi. Acculé à l'opposition, le parti de Saâdeddine Othmani aurait pourtant tant bataillé pour normaliser sa présence dans les sphères de décisions. Bien des remous ont eu lieu avant que les islamistes ne se mettent à l'évidence et regagnent les rangs de l'opposition. Les sondages l'ont prédit, mais les urnes ne l'ont pas confirmé. Le raz-de-marée islamiste n'a pas été au rendez-vous, et aucune surprise, sauf le taux d'abstention s'il en est, n'est venue perturber le cours de la vie nationale. Une fois le score officiel connu, les partisans du PJD n'ont pas su réprimer une amertume manifeste et presque publique. Pire, un Lahcen Daoudi n'a pas lésiné sur les termes?: le pays a perdu?! Depuis, les leaders ont publiquement fait savoir leurs divergences quant à l'avenir gouvernemental du parti. Chacun y est allé de son analyse et de ses tactiques. Il était remarquable que «Attajdid», organe officieux du parti islamiste du vendredi d'après la nomination de Abass Fassi , titre à sa Une : «le nouveau Premier ministre entame ses pourparlers en rencontrant le PJD», alors qu'Abass Fassi n'avait pas encore rencontré les dirigeants du PJD. Il le fera une semaine après, presque au jour le jour ! Révélateur ? En fait, il y a lieu de penser que c'était la position de son directeur, le très dynamique et non moins tacticien du groupe, Abdelilah Benkirane, en l'occurrence. Dès le début, ce vieux routier de l'islamisme légaliste qui a fait ses premières armes au sein du parti de Si Allal, était pour une participation du gouvernement. Seule condition : contraindre les socialistes de l'USFP à l'opposition. «Le verdict des urnes a sanctionné le gouvernement de la rose», lit-on dans Attajdid. Et d'ajouter: «il est évident donc d'aller dans le sens du mouvement des masses qui ont choisi une coalition conservatrice et prie l'USFP de regagner l'opposition?».Prenant ses désirs pour une réalité électorale, le président du Conseil national du parti aurait espéré remporter cette manche contre ses rivaux de toujours. Eut-il été chanceux, il aurait fait d'une pierre deux coups, à tout le moins. D'une part, «normaliser le parti en tant que parti de gouvernement», comme l'a lui-même déclaré à Al Ayam hebdo. Et d'autre part, faire de la défaite des socialistes une défaite de toute la gauche, de manière à la pousser sans ménage à la porte, en enterrant, dans la foulée, la koutla democratique. Un rêve qu'il a déjà nourri en 2002, sans pouvoir convaincre les autres composantes de la coalition conservatrice, à savoir le PI et le Mouvement populaire et toutes ses composantes à l'époque, de suivre son mouvement. Fatalisme Lahcen Daoudi, autre ponte du parti lui-même, ne s'en défendait pas. Il a appelé de ses vœux un quartet gouvernemental, ou seules siègent les quatre premières forces politiques. Sagement prudent, le chef de file Saadeddine Othmani, quant à lui, n'a jugé nécessaire de rompre son silence, qu'une semaine après le début des négociations. À «Ashark Al Awsat» du week-end dernier, il dira ses propres convictions : «je suis plutôt contre la participation au prochain exécutif». Sans s'épancher sur la question, le SG du PJD laisse entendre que les conditions ne sont pas réunies pour franchir le pas. «En réalité, Saâdeddine Othmani, contrairement à ses amis, a fait preuve d'un grand sens politique et a, de ce fait reçu le message de l'ancienne majorité», note ce membre dirigeant de la koutla, En clair, «Abass El Fassi a fait le déplacement pour rencontrer son allié au sein de la koutla, Mohamed Elyazghi», bien que son parti soit classé 5ème force politique. Une manière donc, de signifier que les pactes conclus avant les élections sont toujours en vigueur. Et partant, «la koutla sera l'épine dorsale du nouveau gouvernement». Du coup, Saâdeddine Othmani, en bon gentlemen politique, a contrairement à Abdelillah Benkirane, laissé les choses prendre leur cours. Fatalisme ? Que non. Il a sans aucun doute, donné tout son sens à cette déclaration de Abbass El Fassi juste après ses rencontres avec les leaders de l'ancienne majorité : «Les consultations préliminaires avec les leaders des partis de la majorité sortante m'ont permis de dégager des impressions positives», a-t-il déclaré à la MAP. Les jeux ont été donc faits, et un tantinet fataliste, Othmani savait comme personne qu'il aura une autre manche à l'opposition. Alors qu'Attajdid en faisait une information, la rencontre entre le Premier ministre et le premier des islamistes n'a eu lieu qu'une semaine après ! Effectivement. Lundi 24 septembre, Abass El Fassi étant nommé le 19 du mois, le nouveau Premier ministre a rencontré pendant une heure, Saâdeddine Othmani, secrétaire général du parti islamiste Justice et développement. Une rencontre purement protocolaire, car «la participation ou non de ce parti dans le prochain gouvernement n'a pas figuré dans l'agenda des entretiens», a-t-on appris dans l'entourage des deux responsables ! Tout est dit.