L'année 2007 marquera un virage déterminant pour l'expérience démocratique marocaine. Cette année verra l'organisation des élections législatives, les deuxièmes depuis l'intronisation de Mohammed VI. Plusieurs analystes prédisent une véritable "razzia" des islamistes. Déjà en 2002, les résultats obtenus par la seule formation politique islamiste reconnue à l'époque(aujourd'hui elles sont deux) sont pour le moins, spectaculaires. Répondant à une requête expresse formulée presque explicitement par le néo-Makhzen, le parti justice et développement (PJD) a pu rafler pas moins d'une quarantaine de sièges au niveau de la chambre des représentants. Forts d'une organisation interne des plus cohérentes et d'un ancrage très fort dans les milieux défavorisés, les PJDistes ont enregistré d'importants résultats dans des fiefs traditionnels des partis de la coalition gouvernementale. Motif présenté à l'époque par les dirigeants du parti, la préservation des "hauts intérêts de la nation"... un motif qui ne leur a pas épargné les foudres des tendances de gauche au lendemain d'un pathétique 16 mai. Servant de bouc émissaire, le parti s'est vu exclu des manifestations organisées en protestation contre le spectre du terrorisme qui planait à l'époque sur le ciel du Royaume. Les joutes oratoires opposant PJDistes et gauchistes (avec comme chef de fil l'USFP) ne datent que d'hier... les deux tendances se déclaraient mutuellement rivales et excluaient toute possibilité de coopération. Certaines figures de proue de la gauche marocaine n'ont pas hésité à formuler ouvertement leur souhait d'un gel pur et simple de l'activité du parti des barbus modérés prétextant que les sorties médiatiques (il faut le reconnaître, elles étaient parfois ratées) de certains de ses dirigeants incitaient à la violence et menaçaient sérieusement le processus démocratique. Une prise de position tout à fait incompréhensible de la part de ceux là même qui se déclarent comme garde-fous des valeurs universelles de la démocratie et des droits de l'homme. Face à cette campagne, la réaction des islamistes était d'une maturité déconcertante. Laissant passer la tempête, ils ont réorganisé leurs rangs, renforcé leur présence sectorielle et surtout adouci leur prise de position. Tout laisse présager que le parti s'est imprégné des règles du jeu démocratique. Une éventuelle victoire du PJD lors des prochaines élections n'est pas donc à exclure... Certains avancent déjà les listes des "ministrables" parmi les cadres du parti. La question qui se posera alors tout légitimement est la nature de la réaction du Makhzen face à un tel résultat. Acceptera-t-il de "normaliser" la position de ce parti dans l'échiquier politique marocain ou optera-t-il pour un scénario à l'algérienne. La seconde éventualité, à savoir l'annulation pure et simple des résultats des urnes, ne pourra qu'être fatale pour l'avenir du pays. Le cauchemar de nos frères est déjà présents à l'esprit. Si certains se déclarent contre une présence massive de la tendance islamiste au sein des institutions Etatiques, cette position a tout le mérite d'être jugée antidémocratique dans la mesure où elle favorise la percée des valeurs d'ostracisme et d'exclusion. Les islamistes finalement ne représentent qu'eux-mêmes, un pourcentage qui ne dépasserait au meilleur des cas les 20% des électeurs marocains. Un chiffre bien qu'il soit peu représentatif leur permettrait de remporter haut les mains des élections libres et transparentes... vu l'émiettement de la classe politique marocaine mais aussi la quasi-absence d'un encadrement politique des masses. Le discours populiste véhiculé par le PJD est attrayant, dans la mesure où il véhicule une vision utopiste puritaine Ô combien chatouillante pour un électorat majoritairement jeune et défavorisé. Toutefois, la "real politik" exige que tant qu'ils respectent les règles du jeu et ne menacent pas la stabilité du pays, nul ne pourra justifier une "éradication" de leur mouvance. Leur intégration ne sera que bénéfique pour l'avenir du Royaume... de même que la réussite d'une expérience gouvernementale menée par le PJD, permettrait l'ancrage d'une véritable tradition démocratique pérenne et solide en lieu et en place d'une "transition rampante".