Aucun investisseur n'a présenté une offre. Certains que nous avons contactés motivent cette attitude par l'investissement lourd que nécessite ce genre d'opérations. Le processus d'attribution de la téléphonie fixe a été achoppé par l'empiètement fort critiqué de Nasr Hajji dans les prérogatives de l'ANRT. L'issue de cette opération sera connue au terme du conseil d'administration de l'agence, prévu avant la fin de l'année 2002. 5 novembre 2002. Le choc se reflétait sur les visages des cadres supérieurs de l'ANRT. Et pour cause, l'appel d'offres pour l'attribution de la seconde licence fixe a été déclaré “infructueux”. Aucun opérateur des télécoms ni investisseur étranger n'a présenté une offre. Et pourtant, les douze (12) sociétés qui ont retiré le dossier de candidature ont demandé à ce que la date limite pour le dépôt des offres soit reportée du 8 octobre au 5 novembre 2002. Pourquoi alors cette demande express de report ? Les investisseurs étaient-ils déçus par le nouveau contenu du cahier des charges auquel l'ANRT avait introduit de “légers”changements proposés par Nasr Hajji, ancien secrétaire d'Etat chargé de la poste et des nouvelles technologies de l'information ? Ou encore, craignaient-ils d'investir de faramineuses sommes d'argents que nécessite souvent ce genre d'opérations ? C'est surtout cette seconde raison qui est avancée dans l'argumentaire des investisseurs que nous avons contactés (voir article page 25). Retour sur un processus “tumultueux” Après avoir achevé, en 1999, avec brio sa mission de faire aboutir jusqu'au bout l'attribution au consortium Méditelecom de la seconde licence GSM, Mustapha Terrab, ancien directeur général de l'ANRT (Agence nationale de réglementation des télécommunications), s'est vu également confier une seconde mission qui consiste à faire de même pour la téléphonie fixe. Le processus était enclenché. Un premier appel à manifestation d'intérêt a été lancé au début de l'année 2001. Vers le milieu de la même année, les résultats de cet appel d'offres ont été communiqués à la presse. Selon les propos de Mustapha Terrab qui a lui-même présidé la conférence de presse, “une quinzaine d'opérateurs internationaux, parmi les plus prestigieux et les plus réputés, se sont manifestés pour participer à l'opération d'attribution de la seconde licence de la téléphonie fixe”. Des opérateurs comme France Telecom, Tele2, Telenor, …… Et la liste est longue. Tout semblait prêt pour entamer une nouvelle étape qui va compléter une fois pour toutes le processus de libéralisation des télécoms au Maroc. “Même le cahier des charges qui devrait lier l'opérateur international au régulateur du marché a été élaboré dans ses plus fins détails”, ajoute le patron de l'agence qui a affiché en effet un optimisme avéré quant à une ouverture totale du marché des télécoms au Maroc. Si tout va bien, cette libéralisation totale devrait s'effectuer en 2005, selon l'engagement pris par le Maroc vis-à-vis des institutions internationales. Dans la même foulée, un calendrier précis a été communiqué aux investisseurs étrangers. Il prévoyait le lancement officiel de l'appel d'offres pour septembre 2001 dans la perspective de boucler toute l'opération avec à la clé le choix définitif de l'opérateur étranger pour la fin de l'année 2001, au plus tard début de l'année 2002. Seulement voilà, tout le programme initialement élaboré et tracé par Mustapha Terrab est tombé à l'eau. Ses engagements avec les opérateurs étrangers sont devenus de simples promesses non tenues à cause d'une administration, en l'occurrence le département ministériel en charge de la poste et des télécommunications, en décalage flagrant avec ses prérogatives. L'immixtion de ce département dans la gestion de l'ANRT a eu pour conséquence directe le blocage du processus de libéralisation de la téléphonie fixe. Motif invoqué par les collaborateurs de Nasr Hajji, le cahier des charges élaboré par l'ANRT n'était pas complet et ne tenait pas compte des intérêts globaux du pays. La clause du cahier portant sur la couverture du territoire national constituait la véritable pomme de discorde entre les deux parties. Le secrétariat d'Etat dit que le taux de 20% proposé par l'ANRT était pour un début trop faible alors que celle-ci l'estime totalement “raisonnable” pour une période de démarrage pendant laquelle l'opérateur étranger retenu serait amené à réaliser d'importants investissements techniques. Autre différend, de second rang cette fois-ci : Nasr Hajji aurait exprimé son désaccord quant à la manière dont Mustapha Terrab voulait gérer l'argent issu de la vente de la licence. Selon l'ancien patron de l'agence, “tout argent provenant des opérations télécoms devrait être réintégré dans le développement des télécoms eux-mêmes”. Mais, en face, il prône une autre manière de sélection des investisseurs étrangers : au lieu de se baser sur l'unique critère financier comme cela fut le cas pour l'opération de la seconde licence GSM, Mustapha Terrab propose que le critère technique soit désormais le plus important élément à prendre en compte dans toute opération visant à vendre des licences en télécommunications. Ce message visiblement ferme n'aurait pas plu au Secrétaire d'Etat qui se précipite chez le Premier ministre, Abderrahman Youssoufi, pour obtenir une pression sur “le technocrate rebelle” dont la compétence est pourtant connue et reconnue par tous les observateurs nationaux et internationaux. Libéralisation reportée La complicité du Premier ministre avec son Secrétaire d'Etat mais aussi membre du bureau politique de son parti, l'USFP, a précipité le départ de Terrab qui a présenté sa démission pour des horizons plus prometteurs. Début de l'année 2002, son départ de l'ANRT pour un prestigieux poste à la Banque mondiale a été confirmé. Quelque temps après, il a été remplacé par le très discret Othman Demnati par ailleurs président du conseil de la concurrence et ancien ministre de l'agriculture. Entré en fonction en mars 2002, Othman Demnati a relancé le processus d'attribution de la seconde licence de la téléphonie fixe. Son premier acte : il a ordonné le lancement de l'appel d'offres dont la date d'expiration prendrait fin au 5 novembre 2002. Initialement prévu en octobre, l'appel d'offres a été reporté sur demande de nombreux investisseurs qui souhaitent s'offrir encore plus de temps pour peaufiner leur dossier de candidature. Une autre raison à l'origine de ce report : Nasr Hajji a exhorté les opérateurs téléphoniques arabes pour qu'ils prennent part à cette opération. Mais, d'ores et déjà, douze sociétés ont soumissionné à cet appel d'offres. Il s'agit de Méditelecom, ONA, Alcatel Maroc, Pricewaterhouse Coopers, Upline Securities, ONCF, EBE (groupe Axess One), Telecom Egypt Data, Cogetel, Inbisat, Magfin et Atlas Group. Ces douze sociétés ont participé à l'opération sous forme de consortiums constitués entre opérateurs marocains et étrangers. Selon de nombreux observateurs avertis, Méditelecom était le candidat favori pour remporter cette nouvelle licence. Et ce, pour diverses raisons. D'abord, le second opérateur marocain se considère comme lésé dans un secteur où la concurrence avec Maroc Telecom se joue au seul niveau de la téléphonie mobile. Ce déséquilibre entre les deux opérateurs a créé d'intenses remous au sein de la profession. À plusieurs reprises, la direction générale de Méditelecom avait envoyé des lettres de protestation au gouvernement et a employé la presse comme moyen de “pression” sur lui. La décision très favorable à Maroc Telecom, rendue par l'ANRT, sur le problème des tarifs d'interconnexion sur lequel se disputent les deux opérateurs, a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase. En réaction, Méditelecom avait brandi la menace de réduire ses investissements aussi bien techniques que publicitaires. L'ANRT n'a fait qu'appliquer la loi. Le gouvernement, pris au piège, réfléchit en effet, depuis le déclenchement de cette crise, à rétablir l'équilibre du marché des télécoms entre ces deux opérateurs. Restera-t-il sur la ligne de sa pensée ? Ou cédera-t-il au goût très alléchant de l'offre financière la plus importante ? Aucun de ces voeux n' a été exausé. L'appel d'offres a connu un échec retentissant. .