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Prison centrale de Kénitra : Mariage derrière les barreaux
Publié dans La Gazette du Maroc le 07 - 05 - 2007

Le 23 avril dernier, LGM a publié l'histoire d'El Ammari Youssef, un jeune homme de Taounate, condamné à mort pour le meurtre de son beau-frère, à l'âge de 19 ans, en 1999. Suite à cette publication, nous avons été contactés par des proches, qui nous ont appris qu'El Ammari Youssef s'est marié en 2006, à la prison centrale de Kénitra. Une jeune femme l'a aimé et a décidé, malgré la peine de mort qui pourrait les séparer, de lier sa vie à la sienne. Une histoire extraordinaire d'amour et d'abnégation. Retour sur un cas unique.
Incroyable. C'est le moins que l'on puisse dire sur un fait hors du commun. Une jeune femme, qui a tout pour elle, rencontre un détenu, condamné à mort dans la prison centrale de Kénitra, et en tombe amoureuse. Rien de plus fabuleux que la naissance d'un tel sentiment. Le condamné s'appelle El Ammari Youssef (voir LGM numéro 522); elle, une jeune femme dont on taira le nom à la demande du couple, et on le comprend.
Elle décide de convoler en justes noces avec Youssef sachant qu'il n'a certainement aucune chance de sortir un jour du couloir du pavillon B. «Ne me demandez pas de vous expliquer pourquoi. Cela me regarde. Tout le monde me juge pour ce choix comme si c'était un crime. Alors que le crime est de laisser tomber un homme qui mérite mieux, mais c'est son destin. Moi, j'ai vu en lui un homme bon, qui a défendu son père». Oui, El Ammari Youssef le paie lourdement. Pour rappeler les faits, son beau-frère frappe son père qui est un homme âgé, alors il décide de s'expliquer avec ce gendre très bagarreur. L'explication entre les deux hommes tourne au drame, Youssef assène un coup à l'agresseur de son père, qui succombe le lendemain, sur la route de l'hôpital dans la région de Taounat. Verdict : Youssef, son père, son frère et le mari de sa tante se retrouvent en prison.
Une condamnation à mort, deux condamnations à perpétuité et une peine de vingt ans. Bref, l'hécatombe, à cause d'une rixe de famille pour une sombre histoire, entre terre, argent et conflits d'intérêts. Et sept ans après s'être vu jeté dans le couloir de la mort, Youssef El Ammari finit par voir le destin, ce même destin qui lui a retiré toute sa vie, lui donner un peu d'espoir sous les traits d'une femme qu'il a épousée en mai 2006, voilà un an presque jour pour jour.
Une femme au caractère d'acier
«Je ne suis pas folle. Vous pensez vraiment que je n'ai pas réfléchi avant de prendre cette décision ? J'ai pris mon temps pour tenter de tout analyser, et en fin de compte, je me suis résolu à l'idée que c'est avec Youssef que j'ai envie de faire ma vie». Mais de quelle vie s'agit-il ? Lui, Youssef, condamné à ne pas quitter son couloir et sa cellule, et elle, l'épouse qui doit vivre loin de son mari, et se contenter des visites conjugales pour quelques moments d'intimité ? L'équation est difficile à cerner, mais l'épouse du condamné à mort a une réponse : «On ne sait pas ce que la vie nous réserve. Lui, il a eu cette malchance et il est en prison, et moi, j'ai trouvé un homme qui me convient et que j'ai envie d'aider dans cette épreuve». On est tenté de poser davantage de questions pour savoir comment elle pourrait aider un homme qui sait que son avenir est dans le couloir de la mort, que jamais il ne pourra, à moins d'un miracle, revoir la couleur des jours dehors ; un homme qui s'est fait à cette idée. Pourtant, la femme trouve toujours un filet de lumière pour garder espoir : «Je suis convaincue que Youssef est un type bien et Dieu m'a envoyée sur sa route pour lui apporter mon soutien, ma patience et ma compréhension. Il faut le connaître, discuter avec lui, l'écouter raconter son histoire, ce qui est arrivé à son père et à son frère, et là vous allez vous rendre compte que j'ai fait le bon choix, malgré tout ce que les autres peuvent dire». Ce que l'on peut ajouter, c'est que cette jeune sait où elle met les pieds. Elle ne se fait aucune illusion sur l'avenir, et elle est prête, du moins pour le moment, à passer le restant de ses jours, à venir rendre visite à son mari dans une salle ou alors, passer quelques heures dans le creux de son épaule. Juste quelques bribes de vie, mais qui sont peut-être l'essentiel pour cet homme et cette femme. Mieux encore, peut-être que les deux savent tirer de ce peu, le tout pour accepter la vie, le sort, la dureté des choses et l'impossibilité d'être libre.
Quand Youssef raconte son amour
«Je suis un homme heureux. J'ai aussi beaucoup de chance d'avoir rencontré cette femme. À mon arrivée ici, dans la prison de Kénitra en l'an 2000, un an après cette affaire, j'ai presque tiré un trait sur l'avenir. Je ne pouvais pas vivre en pensant à demain. Mon Dieu, dans ce trou, c'est impossible de penser à ce que l'on va faire l'instant d'après. On se contente de vivre en espérant que Dieu nous donne la force de tenir. J'étais perdu, je voulais tuer le temps qui ne passait pas, surtout que je voyais mon vieux père souffrir, et mon frère aussi; les choses étaient invivables. Je suis resté comme ça pendant des années, perdu, et j'avais peur. Peur de tout, peur que mon père ne meure, peur pour mon frère, peur de devenir fou, et un jour, j'ai vu cette femme. Elle était gentille et quand elle a su pourquoi j'étais condamné à mort, elle a d'abord eu pitié de nous tous, et ensuite, elle a commencé à venir me rendre visite. Elle me faisait à manger alors que nous nous connaissions à peine. Et avec le temps, je lui ai ouvert mon cœur pour lui parler de ma vie avant la prison, du Douar où je vivais avec ma famille, ce que je voulais faire, mes projets au bled, et elle m'a donné de l'espoir en m'expliquant qu'il ne fallait pas ne plus espérer, qu'un jour tout ceci pourrait changer. Et quand on a décidé un jour de parler mariage, là, j'ai su qu'il y avait encore de l'espoir. Mon Dieu, moi qui ne pensais plus jamais voir, ni toucher une femme, je suis marié et ma femme s'occupe de moi, pense à mon sort et m'aide à le supporter. Je remercie Dieu, voilà tout ce que je peux vous dire sur cela».
Youssef n'a pas l'ombre d'un sentiment d'amertume, quand il détaille tout ce bonheur inespéré doublé d'une immense frustration de ne pouvoir jouir de la vie que sporadiquement. Non, il est serein, aimant, conciliant, et surtout redevable à tout le monde.
Cette femme l'a aidé à puiser en lui-même un espoir mort, et lui, il compte bien ne pas se laisser berner par la noirceur des lieux.
L'avenir est dur à imaginer
«Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais je sais que je veux rester avec Youssef. Il le mérite. Je ne permets à personne de le traiter de meurtrier, non, c'était un accident, Il n'a jamais voulu tuer personne. Il est bon, Youssef et moi, je ferai tout pour lui». Tout, cela suppose l'avenir. Mais ont-ils pensé à demain. Les visites conjugales, cela suppose aussi des enfants. Pourront-ils les assumer ? Vont-ils leur infliger l'absence d'un père condamné à mort et d'une mère qui doit s'arranger avec ce peu de temps qu'on lui accorde pour aimer son mari ? Youssef sait qu'un jour, il faudra ouvrir ce chapitre. Pour le moment, nous sommes en train de consolider nos liens. Les enfants ? Bien sûr que j'aimerai en avoir, mais dans mon cas, c'est difficile, à moins que j'aie la chance de voir mon dossier réouvert»
L'épouse, de son côté, sait que les choses sont très dures. Il y a sa famille, son entourage, les gens et surtout ces enfants qu'elle désire aussi. «On verra ; Youssef pourrait avoir une remise de peine ou une grâce de Sa majesté le Roi et là, nous aurons la vie pour les élever et leur donner le meilleur de nous mêmes. Et je peux vous assurer que Youssef sera un très bon père, parce qu'il est tendre et Ould Ennass».
L'amour, cet inconnu
Difficile de croire qu'une telle histoire puisse prendre racine devant ce couloir froid où les hommes perdent tout espoir. Mais Youssef peut dire qu'il a tiré, dans son drame, une belle carte. C'est sa chance pour se refaire une santé morale avant de commencer à réfléchir à l'avenir. Pour le moment, c'est un homme changé, heureux, plus léger, moins amer, plus conciliant, moins coléreux. Un homme qui veut vivre sans en vouloir au sort, à la justice, aux autres. «Je vais me battre pour cette femme, parce qu'elle m'a fait confiance. Elle est la seule, en dehors de ma femme, à me croire et à savoir qui je suis. Alors, pour elle, il faut que je garde espoir et que je multiplie les efforts pour que l'on puisse me mettre un jour sur la liste des grâces royales». Youssef et son épouse ne cachent pas le fait que, peut-être, leur histoire pourra toucher beaucoup de gens, des responsables, qui voudront les aider à s'en sortir. Mais en attendant, les deux savent qu'il faut gérer le quotidien, la prison, le va-et-vient entre douleur et peu de bonheur, les tracas, le doute et les jugements des autres. «Je sais que c'est très dur, mais je ne peux pas refaire marche arrière. Nous sommes mariés et nous allons tout faire pour réussir notre union avec l'aide de Dieu»


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