Le secrétaire général du PJD, Saâd Eddine El Othmani, reste très conventionnel. Tout en critiquant le découpage électoral et l'action du gouvernement, il se dit pour le dialogue. Le député d'Ait Melloul reste serein et défend le rapprochement qui existe entre son parti et le MUR. La Gazette du Maroc : Aujourd'hui, vous vous élevez contre le découpage électoral. Pour quelles raisons ? Saâd Eddine El Othmani : Le découpage présenté par le gouvernement n'est pas démocratique. Nous demandons au gouvernement de revoir sa copie. Toutes les villes où le PJD a été très présent, en 2002, ont été revues et ce découpage est un recul en comparaison avec les élections législatives de 2002. Il n'est pas normal que l'écart des électeurs entre les circonscriptions soit aussi important. Le code électoral pour les élections de 2007 devrait être une avancée par rapport à 2002. Mais, malheureusement, non seulement il consacre la balkanisation faute d'un seuil national, mais il a exclu de manière arbitraire les partis dits «petits» de toute participation. Le PJD veut un code électoral à la mesure des attentes des Marocains en 2007. Ce code est en deçà des attentes, le PJD l'a critiqué et l'a rejeté. Pensez-vous que ce découpage est une mesure pour pénaliser le PJD ? Je ne sais pas. Mais dans tous les cas, il ne répond pas aux attentes des Marocains. Est-ce une manœuvre de l'Etat pour diminuer le nombre de parlementaires du PJD ? Il faut poser la question au gouvernement. Qu'allez-vous faire maintenant ? Communiquer et essayer de dialoguer avec le gouvernement pour revoir ce découpage. J'espère que les partis politiques se prononceront sur ce découpage. Cela fait deux législatures que le PJD opère au sein de l'opposition parlementaire. Quel bilan faites-vous de votre expérience ? Le bilan de 10 ans de présence au Parlement est, à notre avis, très positif. Mais cette présence a aussi fait naître chez la population beaucoup d'attentes difficiles à satisfaire. Parmi les éléments positifs, il y a l'enrichissement du champ politique par une autre sensibilité et un autre discours qui ont permis l'intégration d'une large couche sociale au champ politique. Le PJD a donc contribué à l'élargissement de l'adhésion au champ politique. Le PJD à travers le Parlement a joué un rôle décisif dans l'opposition car l'entrée du PI et de l'USFP au gouvernement a vidé l'opposition de son contenu. Le PJD a bien comblé le vide, sa présence est là encore positive pour la jeune démocratie marocaine. Le PJD a interpellé le gouvernement sur beaucoup de questions décisives : la loi de finances, la loi bancaire, le code de la famille, les lois électorales, la loi sur les partis; et a présenté l'essentiel des amendements aux lois. Le PJD a introduit une nouvelle éthique de sérieux et de transparence dans l'exercice de la mission parlementaire. Je cite par exemple un aspect : le taux de présence des députés du PJD est de loin le plus élevé. On vous accuse de rejeter en bloc toutes les propositions du gouvernement. Est-ce une manœuvre pour élargir votre base électorale ? Nous n'avons jamais fait de l'opposition pour l'opposition. Notre politique n'a jamais été mécanique, pour preuve dans beaucoup de cas nous avons voté pour les textes soumis par le gouvernement. Nous avons voulu une opposition critique qui ne fasse pas du «non» sa règle de conduite. Quelle a été votre proposition à ce sujet ? Nous avons proposé de supprimer toute barrière à la participation mais pour lutter contre la balkanisation avec un seuil national de 7%. Un sondage vous a présentés comme la première force politique du pays. Comment vivez-vous ce statut ? Les résultats de 2007 seront les seuls à prendre en considération car au Maroc nous manquons de culture de sondage. Nous espérons que cette culture se développera bientôt dans notre pays. Lors de cette dernière législature, le PJD a vécu plusieurs crises. Les attaques survenues après les attentats du 16 mai dernier, l'intervention de l'Etat dans les affaires internes du parti et finalement la division du secrétariat général sur plusieurs questions. Comment avez-vous dépassé ces obstacles ? Le PJD n'a pas vécu de crise interne, ce mot est trop fort. Il est vrai que nous avions subi quelques pressions après les événements du 16 mai mais le PJD a pu traverser cette période critique sans casse. Comment allez-vous appréhender les prochaines élections législatives ? Avec toute sérénité et confiance dans le souhait qu'elles seront transparentes, indépendamment des résultats qui en sortiront. La démocratie doit gagner, et quant la démocratie gagne, c'est tout le pays qui gagne. Comment positionnez-vous votre parti et quel est votre référentiel ? Le PJD est un parti du centre ayant pour référentiel l'Islam. Avec quels partis pensez-vous pouvoir faire des alliances? Tout dépendra du résultat des élections. Etes-vous pour une réforme constitutionnelle ? Oui, mais au moment opportun et dans un cadre consensuel loin de toute culture d'antagonisme. Là aussi le Maroc doit sortir gagnant et non telle ou telle partie. Comment vous voyez l'instauration de la régionalisation au Maroc ? Il faut une régionalisation avec des pouvoirs élargis pour plus de démocratie locale et de compétences pour les pouvoirs locaux. Allez-vous couvrir toutes les circonscriptions ? Nous allons les couvrir car il n'y a plus de raisons d'auto- limitation comme ce fût le cas en 1997 et en 2002. Le Maroc doit rompre avec la culture de la transition. Il faut entrer une fois pour toute dans la démocratie à part entière. Vous avez décidé que votre discours électoral sera basé sur la moralisation de la vie publique. Pourquoi ce changement de cap ? Ce n'est pas un changement de cap car nous avons privilégié ce domaine. Il s'agit d'un thème transversal qui intéresse toute la société et tous les secteurs mais nous n'allons pas nous arrêter à ce point, tous les thèmes seront abordés. Allez-vous abandonner votre approche basée sur les valeurs de l'Islam ? La moralisation de la vie publique fait partie de nos valeurs civilasitionnelles. Pourquoi voulez-vous qu'on l'abandonne à un moment où tout le monde lutte contre la corruption sous tous ses aspects Le dernier congrès du MUR n'a pas engagé la séparation entre le parti et l'association. Pourquoi ? Ce n'est pas à moi de répondre, nous sommes indépendants du MUR. Chaque organisation prend ses décisions de manière indépendante et les décisions du PJD sont exclusivement prises au sein du parti. Vous êtes critiqués à ce sujet ? Nous sommes critiqués mais sans objectivité et sans raison. Vous avez décidé de lancer votre propre journal. Est-ce un signal de votre désengagement d'Attajdid ? Nous n'avions pas les moyens de relancer un journal propre à nous. Nous avons coopéré avec Attajdid. Aujourd'hui, nous lançons notre journal, mais Attajdid reste libre de publier ce qui lui semble bon.