A la mémoire du journaliste Moulay Ouyahya Condamné pour diffamation et mort à la fleur de l'age une semaine après, dans un accident de la route. Dans toute société démocratique ou en voie de l'être, la diffamation et la liberté d'expression font mauvais ménage et constituent un thème récurrent. Comment en effet concilier la garantie du droit fondamental à la liberté d'expression et la protection de l'honneur et de la réputation des personnes ? La presse a le devoir de communiquer des informations et des idées sur des problèmes politiques et autres questions d'intérêt public, mais, tombe parfois dans des dérives professionnelles dont la diffamation est la plus courante. Aussi, la justice lorsqu'elle est sollicitée pour faire l'équilibre, se retrouve entre le marteau du "quatrième pouvoir" et l'enclume de la réputation des citoyens. En Europe -mère des droits de l'homme- dans l'affaire hingens, en 1986, la Cour a reconnu que la presse ne devait pas franchir les limites fixées pour "la protection de la réputation d'autrui", mais que "les limites de la critique acceptable sont plus étendues pour un politicien que pour un particulier". En effet, contrairement aux particuliers, les politiques s'exposent à un examen minutieux de la part des journalistes et de l'ensemble des citoyens, et ils doivent donc faire preuve d'une plus grande tolérance. Chez nous, le problème se complique lorsqu'il ne s'agit pas d'un citoyen lambda, mais d'un homme politique affidé du pouvoir makhzénien. Est-il permis à un journal régional de publier des informations basées sur des preuves tangibles et irréfutables avec témoins à charge contre un parlementaire ? Non, répond le tribunal de première instance de Beni Mellal. Bien que la diffamation soit le fait d'écrire ou de diffuser des informations à propos d'une personne qui sont fausses et susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation, il y a délit diffamatoire quand même ajoute la justice à Beni Mellal, en condamnant sévèrement le journaliste qui a "osé" informer le public du délit du politique. La faute est-elle imputable au code draconien de la presse ? Ou plutôt à la justice ? Ou au Makhzen Local ? En réalité, tant que la démocratie sera vécue comme une simple procédure et non comme une culture, la base sur laquelle repose le « quatrième pouvoir » sera toujours trop étroite pour qu'il puisse réellement se faire respecter. Démocratie comme culture, qui consisterait fondamentalement pour chaque pouvoir à être veillant quant à ses organes et domaines d'action ainsi que de veiller à sa distinction et séparation des autres pouvoirs. Un examen approfondi des rouages Etatiques appuyé par une séparation résolue des pouvoirs, peut ancrer le pays, loin de la procédure makhzanienne, dans une perspective moderne d'un véritable Etat de droit. Enfin, le code de la presse actuel qui a servi de levier à ce verdict, correspond à un pas en arrière dans notre marche titubante vers la démocratie et a fait de ce procès contre Minbar un procès kafkaïen qui mérite d'être porté dans les annales judiciaires nationales d'autant plus que ce code ne sera bientôt qu'un cauchemar oublié des suites du 16 mai.