L'organisation "Reporters sans frontières" (RSF) a réitéré lundi son "appel aux autorités algériennes pour qu'elles cessent leur harcèlement judiciaire à l'encontre de la presse privée et qu'elles libèrent le directeur du quotidien Le Matin, Mohamed Benchicou, détenu depuis un an". Cet appel a été lancé une nouvelle fois lors d'une conférence de presse organisée ce lundi au siège de l'organisation à Paris, en présence du Collectif algérien pour la liberté de la presse et de Fatiha Benchicou. A cette occasion, le Collectif pour la liberté de la presse et le quotidien "L'Humanité" ont appelé à un "rassemblement de protestation" le 14 juin devant l'ambassade d'Algérie à Paris. "La justice algérienne, par le biais du tribunal correctionnel de Sidi M'hamed, à Alger, s'évertue à condamner des journalistes chaque mardi pour des délits de presse", a déclaré RSF, notant que "l'acharnement à l'encontre des professionnels des médias n'avait pas été aussi sévère depuis plusieurs années". "Tandis que les espaces d'informations indépendants se réduisent de plus en plus, la liberté d'expression est en grave danger en Algérie", souligne l'organisation, appelant les autorités "à la raison". RSF "dénonce fermement le recours à des peines d'emprisonnement dans des affaires de diffamation et réclame, une fois de plus, une réforme du code pénal afin de dépénaliser les délits de presse, comme le demande le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d'opinion et d'expression". RSF cite le cas de Mohamed Benchicou, directeur du quotidien suspendu Le Matin, "connu pour sa liberté de ton qui a toujours gêné le pouvoir". Ce journaliste marque, le 14 juin, "le triste anniversaire de sa première année de détention, alors que son état de santé se dégrade et que sa remise en liberté provisoire pour raisons médicales a été rejetée le 20 avril". Cinq collaborateurs du Matin ont également été condamnés à des peines de prison, ce qui apporte la preuve que, selon RSF, la détermination de "l'Etat à poursuivre l'étouffement définitif d'un des journaux les plus libres du pays". "Nous demandons la libération de Mohamed Benchicou et d'Ahmed Benaoum, PDG du groupe de presse Er-raï El Aam incarcéré depuis le 28 juin 2004, ainsi que l'arrêt des poursuites judiciaires pour diffamation et la relaxe des journalistes condamnés", a conclu l'organisation. Dans la "kyrielle de condamnations à des peines de prison" prononcées par les tribunaux algériens, RSF cite de nombreux cas, dont le dernier en date est celui de Djamaledine Benchenouf, journaliste exilé en France, qui a été condamné pour diffamation à trois mois de prison ferme par défaut par la Cour d'appel de Sétif à la suite de la publication, dans le quotidien Liberté, de deux articles dans lesquels le journaliste dénonçait des malversations et des détournements de fonds au sein de la Caisse nationale des assurances sociales et de l'Union générale des travailleurs algériens. Les membres de sa famille, toujours en Algérie, font face, depuis son départ, à "un harcèlement continu qui se traduit par de nombreuses convocations et tracasseries administratives". Le 24 mai dernier, l'ancien directeur de la rédaction du quotidien Liberté, Farid Alilat, a été condamné à une peine d'un an de prison ferme par contumace et une amende de 100.000 dinars algériens (environ 1.100 euros) pour publication d'une série de caricatures et d'une chronique en 2003, considérées comme des "offenses au chef de l'Etat". Le 17 mai, le directeur de publication du quotidien Le Soir d'Algérie, Fouad Boughanem et le chroniqueur Hakim Laâlam avaient été condamnés par le tribunal d'Alger à deux mois de prison ferme et à une amende de 250.000 DA (environ 2.750 euros) pour diffamation. La publication avait également été condamnée à payer une somme équivalente. Le 19 avril, les journalistes du quotidien Le Matin, Abla Cherif et Hassane Zerrouky, avaient été condamnés à deux mois de prison ferme, Youssef Rezzoug et Yasmine Ferroukhi, à trois mois dans des affaires de diffamation. Le même jour, Mohamed Benchicou, qui purge déjà une peine de deux ans de prison ferme depuis le 14 juin 2004, avait été condamné à cinq mois de plus. Par ailleurs, la porte d'entrée de la maison d'éditions Jean Picollec qui édite le livre de Mohamed Benchicou, "Bouteflika : une imposture algérienne" a récemment été brisée à l'aide d'une masse. Aucune tentative de vol n'a été constatée et seule l'affiche présentant l'ouvrage a été endommagée. "Emprisonnement de journalistes, procès à répétition et menaces se multiplient, la presse privée algérienne est victime d'une véritable campagne de harcèlement de la part des autorités. N'attendez pas qu'on vous prive de l'information pour la défendre", ajoute RSF, précisant que cette campagne sera déclinée sous forme d'affiches sur le réseau, en presse écrite et en carte postale.