Depuis plus d'un an, des journalistes de la presse privée algérienne sont harcelés par la justice. Le verdict du procès en appel a confirmé la peine de deux ans de prison prononcée par le tribunal de première instance d'Alger à l'égard de Mohamed Benchicou, directeur du "Matin" (suspendu). L'affaire Benchicou remonte au 23 août 2003 lorsque ce dernier a été interpellé à l'aéroport d'Alger en possession d'un reçu bancaire (bon de caisse), portant sur une forte somme d'argent et libellé en dinars. Le 14 juin dernier, Benchicou a été condamné pour « infraction à la législation sur les mouvements des capitaux » et a été incarcéré sur le champ. Ne s'agissant ni de devises, ni de liquidité, mais bien d'un document sans valeur fiduciaire, et uniquement encaissable en dinars, auprès de sa banque, le reçu en question ne signifiait en aucun cas le transport et le mouvement de capitaux, ont insisté les avocats de Benchicou. Répondant aux questions du président du tribunal, le directeur du «Matin» a expliqué qu'il était victime de ses positions politiques : «Je suis innocent, je n'ai commis aucune infraction». “Le Soir d'Algérie” raconte : «Revenant sur les circonstances de son arrestation, le premier responsable du «Matin» expliquera qu'à son retour de Paris (en août 2003) il était en effet en possession de treize bons de caisse qu'il n'avait nullement l'intention de dissimuler, car il ignorait que la législation interdisait le mouvement des bons de caisse de et vers l'Algérie». Mais en réalité, d'après les observateurs locaux, ce qui allait sceller le sort du directeur du “Matin”, c'est le pamphlet qu'il avait publié en février 2004 sous le titre «Bouteflika, une imposture algérienne». Une publication qui intervint au moment où la campagne présidentielle battait son plein. D'autres défenseurs des libertés d'expression s'attaquent directement au président algérien. Ainsi, comme l'a déclaré le secrétaire général de Reporters sans frontières, Robert Ménard, «le pouvoir fait payer à Mohammed Benchicou le prix fort de sa liberté de parole. Avec ce verdict inique, le président Bouteflika montre qu'il ne tolère pas qu'on s'attaque à lui, lançant la machine judiciaire aux trousses des journalistes qui osent encore le critiquer. Durant ces dernières semaines, les atteintes à la liberté de la presse ont augmenté de façon vertigineuse en Algérie et les peines de prison pour les journalistes ont été confirmées en appel, voire aggravées, comme dans le cas d'Hafnaoui Ghoul». Le 26 juin dernier, le siège du “Matin” a été vendu aux enchères suite à un redressement fiscal. Le quotidien a ensuite été contraint d'arrêter sa parution, le 24 juillet, sous la pression d'une imprimerie d'Etat qui réclamait le règlement de ses dettes. Depuis plusieurs jours, le site Internet du quotidien n'affiche plus qu'une page blanche. A peine arrivé aux affaires, Bouteflika déclarera publiquement et à maintes reprises son hostilité à la presse privée algérienne. Dès lors, il s'attachera à la déstabiliser et à la harceler. Des procès en cascade pour de fausses affaires de diffamation, des convocations à répétition, la révision à la hausse des condamnations au pénal, rien n'est laissé au hasard. Le pic sera atteint l'été 2003 avec la suspension de six grands quotidiens privés, pour non-paiement de dettes imaginaires. «Fort de sa réélection le 8 avril 2004, M. Bouteflika va faire monter de plusieurs crans la répression contre la presse indépendante et il fera ce que ses prédécesseurs n'ont pas osé faire: jeter des journalistes en prison !!!», peut-on lire sur un site Internet, appelé «le site du Comité national pour la libération des journalistes» créé par les représentants des principaux titres de la presse indépendante algérienne, le Syndicat national des journalistes et le Conseil supérieur de l'éthique et de la déontologie.