À l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a gracié les journalistes condamnés pour outrage, diffamation ou injure. Une initiative dont l'effet est minime. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a profité de la journée mondiale de la presse pour faire un petit geste en faveur des journalistes emprisonnés en Algérie. Il a décidé de gracier ceux qui sont condamnés pour outrage, diffamation ou injure. « Ces mesures de grâce comportent une remise totale des peines prononcées à l'encontre des journalistes condamnés pour outrage à fonctionnaire, offense au président de la République, outrage à corps constitué, diffamation et injure, » précise la présidence dans un communiqué repris mercredi par la presse officielle. Selon leurs collègues, cette mesure concerne une dizaine de reporters condamnés ces dernières années à des peines de prison dans le cadre de ce que la presse indépendante a qualifié de politique de répression menée à son encontre. «Cette mesure, qui exprime le souci constant du chef de l'Etat de préserver, de consolider et de renforcer la liberté de la presse, est un gage supplémentaire pour la sauvegarde des droits et des libertés dans notre pays, sauvegarde à laquelle contribue grandement la presse nationale», poursuit la présidence dans son communiqué. Cette initiative, sans précédent depuis son arrivée au pouvoir en 1999, n'a cependant rien d'exceptionnel. Son effet reste minime vu qu'elle ne concerne que les journalistes dont la condamnation est définitive alors qu'une vingtaine d'entre eux ont fait appel. Il s'agit notamment de Farid Alilat, Fouad Boughanem, Sid Ahmed Sémiane, Ali Dilem, condamnés à un an de prison ferme, Malika Boussouf, Nacer Belhadjoudja (6 mois ferme), ou encore Yasmine Ferroukhi et Youcef Rezzoug (3 mois). Le plus célèbre des journalistes algériens, Mohamed Benchicou, détenu depuis 2004, lui aussi, n'est pas concerné par ladite grâce présidentielle. Benchicou a été condamné à 2 ans de prison ferme sur plainte du ministère des Finances pour «infraction régissant le contrôle des changes et les mouvements des capitaux», après la découverte de bons de caisse dans ses bagages à l'aéroport d'Alger, en août 2003. Mercredi, la presse privée algérienne, qui déplore le maintien en détention de Mohamed Benchicou, qualifiait cependant cette grâce de «geste fort» ou encore de «signal d'apaisement» pouvant améliorer les relations entre la presse et les autorités. Pour sa part, l'éditorialiste du quotidien "El Watan" salue «une mesure qui pourrait être lue comme une volonté politique de dédramatiser des relations qui ne furent pas toujours au beau fixe entre le pouvoir et la presse». Les relations entre le pouvoir et les médias restent toutefois tendues et plusieurs organisations de défense des droits de l'homme accusent Alger d'instrumentaliser la justice pour réduire ses détracteurs au silence. Benchicou : l'ennemi N°1 du président Bouteflika L'affaire la plus marquante opposant un journaliste aux autorités algériennes est celle de Mohamed Benchicou, le directeur du "Matin", condamné en juin 2004 à deux ans de prison ferme pour transfert illégal de capitaux et infraction à la législation régissant le marché des changes. La défense a pourtant démontré les nombreuses incohérences de la procédure. M.Benchicou, qui purge sa peine à Alger, n'a pas été condamné pour délit et ne devrait donc pas être concerné par la mesure de grâce. Les observateurs considèrent qu'il paie en réalité le ton de son journal et le contenu de son pamphlet : «Bouteflika, une imposture algérienne».