Pour gagner leur vie, certaines personnes sont assises confortablement derrière leur bureau à taper sur un ordinateur mais d'autres courbent l'échine en tirant des carrioles à mains nues comme ces braconniers qui déploient toute leur force pour subvenir aux besoins de leur famille. Sortez donc de vos bureaux et regardez autour de vous ces véritables hommes-chevaux qui souffrent en échange de quelques dirhams pour vivre. Derb Omar, quartier général de Saber, Ayoub et leurs collègues, l'endroit où ces braconniers se retrouvent après leur dure besogne pour se reposer un peu. Ces hommes-chevaux, comme on les appelle si souvent, effectuent quotidiennement la difficile tâche de tirer des carrioles transportant toutes sortes de marchandises d'un poids pouvant atteindre des centaines de kilos. Hiver comme été, du matin au soir, ces pères de famille, ces frères, ces maris, passent leurs jours, leurs mois, leurs années à lutter contre la cruauté de la vie, contre la dureté de leur métier. Sous une pluie battante ou les rayons brûlants du soleil, ce sont des visages meurtris et vieillis avant l'âge, des corps épuisés qui luttent jour après jour pour gagner un peu d'argent dans le but de faire vivre leur famille et faire grandir leurs enfants. A travers le regard de ces hommes, on peut ressentir la souffrance et la misère qu'ils endurent au quotidien. Mais pour eux, c'est devenu plus qu'une habitude, un mode de vie même qui leur permet de faire vivre leur foyer. Après tout ne vaut-il pas mieux souffrir pour gagner sa vie honnêtement plutôt que voler et vivre dans la criminalité ? Mais la vrai question que l'on doit se poser c'est pourquoi, à notre époque, trouve-t-on encore des hommes qui doivent souffrir pour gagner leur vie ? Certains vous diront peut être qu'ils sont nés sous une bonne étoile, d'autres vous diront qu'ils ont fait de longues et onéreuses études pour se retrouver derrière un bureau et gagner des milliers de dirhams, mais ces hommes-chevaux opteraient pour un autre métier moins difficile et moins contraignant si on leur en avait laissé le choix. Malheureusement lorsque l'on naît pauvre, on ne choisit pas, alors, comme Ayoub, comme Saber, comme tous ces hommes, tous les moyens sont bons pour s'en sortir, honnêtement bien sûr, y compris user son corps en tirant une lourde carriole. Pour le bonheur de leur famille, ces braconniers feraient n'importe quoi, pour offrir une meilleure vie à leurs enfants ils n'hésitent pas à mettre en péril leur santé ; la dignité, la fierté et la persévérance sont les facteurs de leur force morale et de leur motivation. Ce qui est le plus désolant dans leur situation ce n'est pas seulement leur souffrance mais pire encore, c'est leur total désespoir en l'avenir. Ces personnes ne croient plus du tout à un futur meilleur, leurs espérances ont totalement disparu laissant place à la monotonie et à l'incertitude du destin. Cette petite lueur d'espoir qui vit dans les yeux de chaque être, est morte depuis longtemps dans le regard de ces braconniers. Ce sont avec des yeux attristés et ridés que ces hommes nous racontent leur quotidien et c'est avec une grande émotion que l'on prend note de leurs témoignages. A votre avis, les ministres et députés de notre pays éprouveraient-ils cette même émotion s'ils venaient à les rencontrer ? Du haut de leurs grands discours, ils ne se soucient même pas de ces hommes qui subissent beaucoup de souffrances pour un tout petit peu de vie.