Les walis et gouverneurs de plusieurs provinces ont récemment diffusé des instructions fermes à l'adresse des agents d'autorité, notamment les caïds et les pachas, afin qu'ils mènent des opérations de contrôle ciblées dans les dépôts et commerces de matériaux de construction situés en milieu urbain. L'objectif de ces descentes est de vérifier la conformité légale des activités exercées, en insistant particulièrement sur la détention des autorisations réglementaires, à savoir les permis d'activité et d'occupation temporaire du domaine public. Ces mesures interviennent dans un contexte marqué par la prolifération de dépôts dits « klassi »(entrepôts informels) qui ont provoqué, selon les autorités, des dommages tant sur le plan environnemental qu'urbanistique. Plusieurs terrains à vocation résidentielle ont été détournés de leur usage initial pour servir d'aires de stockage de sable, ciment, briques, chaux et autres matériaux, au mépris des règles en vigueur et au détriment de l'espace public. Selon des sources bien informées de Hespress, des rapports parvenus aux services centraux du ministère de l'Intérieur ont suscité un état d'alerte chez les autorités provinciales. Ces documents contiennent des informations précises sur des activités de vente de matériaux de construction menées sans documents légaux ni paiement des taxes dues aux collectivités locales. Certains opérateurs, pointent les rapports, exploiteraient abusivement des licences de vente de droguerie pour écouler en toute illégalité des matériaux de construction, en contournant ainsi les procédures réglementaires. Les dysfonctionnements les plus flagrants ont été observés dans les provinces et préfectures situées en périphérie de Casablanca, où les activités de distribution anarchique se multiplient de manière préoccupante. Ces zones souffrent d'un flou persistant quant à la nature exacte des autorisations requises et aux types d'activités permises, ouvrant la voie à de multiples infractions. Les directives émises par les walis ne se limitent pas au simple contrôle administratif. Elles englobent également la lutte contre la vente de matériaux de mauvaise qualité par des points de distribution non réglementés. Les produits concernés incluent notamment les briques, le sable et le ciment. Les rapports évoqués révèlent que ces matériaux sont utilisés dans des projets immobiliers résidentiels ou commerciaux, après avoir été commandés et livrés depuis ces points de vente informels. Dans ce cadre, les agents d'autorité ont reçu des consignes pour collaborer étroitement avec le Laboratoire public d'essais et d'études (LPEE), en vue de retracer la provenance des matériaux acheminés vers les chantiers. Cette traçabilité repose sur la collecte systématique des factures, des documents de transport, ainsi que sur l'examen d'échantillons des matériaux en question, afin de s'assurer qu'ils répondent bien aux normes techniques en vigueur. Le phénomène des points de vente informels s'est accentué ces derniers mois au sein même des villes et dans les périphéries urbaines. Ces structures illicites ont notamment prospéré en proposant des facilités de paiement pour écouler de grandes quantités en un laps de temps réduit. Pour répondre à la demande croissante, elles ont mobilisé des flottes de camions destinées à la livraison directe sur les chantiers. Des bons de livraison et des factures falsifiés ont également été utilisés afin de contourner les barrages routiers, notamment ceux situés entre les petites villes, souvent sous la surveillance de la Gendarmerie royale, connue pour sa vigilance dans le contrôle du transport de marchandises interrégional. Il convient de rappeler que les autorités provinciales et locales avaient déjà lancé, il y a quelques mois, une vaste campagne de contrôle aux abords de Casablanca et Marrakech pour cerner et éliminer les espaces de vente illégaux. Cette action s'inscrit dans le cadre d'une nouvelle stratégie du ministère de l'Intérieur visant à éradiquer les sources de l'habitat informel. Enfin, les rapports transmis au ministère de l'Intérieur ont mis en lumière des manipulations dans le système de facturation des matériaux achetés auprès de ces points de vente non autorisés. Certains chefs de chantier exploitent en effet la diversité des pratiques de facturation dans le secteur du bâtiment pour légitimer l'utilisation de ces matériaux. Alors que la facturation dite « fixe » permet d'établir un montant global et précis pour l'ensemble du projet sur la base d'un devis détaillé, des scénarios frauduleux se développent, dans lesquels l'entrepreneur ou le sous-traitant présente un coût estimatif global, les matériaux et équipements étant ensuite facturés de manière variable en fonction de la durée des travaux.