Une première étude française sur le degré de disparité dans la mortalité chez les immigrés de la deuxième génération (enfants d'immigrés nés dans le pays), révèle l'existence d'une forte surmortalité chez les hommes de deuxième génération d'origine nord-africaine par rapport à la population de référence sans origine migrante. Michel Guillot et Myriam Khlat, directeurs de recherche à l'Ined (Institut national d'études démographiques) et Matthew Wallace, post-doctorant à l'Université de Stockholm, ont analysé les niveaux de mortalité entre 1999 et 2010 d'adultes nés en France de deux parents immigrés. Ces travaux, réalisés pour la première fois en France, révèlent une importante surmortalité chez les hommes d'origine nord-africaine. Cette surmortalité n'était pas présente chez les hommes de deuxième génération d'origine sud-européenne, ni chez les hommes de première génération d'origine nord-africaine. Cet excès de mortalité est resté important et significatif après ajustement en fonction du niveau d'instruction. Pour parvenir à ces conclusions, les auteurs de l'étude ont utilisé l'échantillon longitudinal de mortalité (ELM), échantillon représentatif à l'échelle nationale de 380.000 personnes âgées de 18 ans et plus en 1999 (issu de l'Etude de l'histoire familiale-EHF de 1999) et ont exploité un suivi de la mortalité au moyen de registres de décès appariés jusqu'en 2010. Ils ont comparé les niveaux de mortalité des descendants d'immigrés de deuxième génération âgés de 18 à 64 ans et originaires d'Europe du Sud et d'Afrique du Nord avec ceux de leurs homologues immigrés de première génération et avec ceux de la population de référence (personnes nées en France de deux parents eux-mêmes nés en France). Histoire de l'immigration en France Selon l'Ined, la France est le pays qui compte la plus grande population de descendants d'immigrés de deuxième génération dans l'UE. En 2014, la population d'individus nés en France avec au moins un parent immigré représentait 9,5 millions de personnes, soit 14,3 % de la population totale. En raison de l'histoire de l'immigration en France, la population de deuxième génération est, aujourd'hui, vaste et diversifiée : les régions d'origine les plus représentées sont l'Europe du Sud (Portugal, Italie ou Espagne) et l'Afrique du Nord (Algérie, Maroc ou Tunisie), chaque région représentant un tiers environ, le dernier tiers comprenant un ensemble très diversifié de pays d'origine des parents, notamment des pays d'Afrique subsaharienne, d'Europe et d'Asie. D'après cette étude de l'Ined, la probabilité d'un décès d'un homme entre 18 et 65 ans, né en France dont les deux personnes Alors que la probabilité estimée de décès entre 18 et 65 ans s'élève à 162 pour 1.000 pour les hommes de la population « de référence », elle est 1,7 fois plus élevée pour les hommes nés en France de deux parents immigrés d'Afrique du Nord (Algérie, Maroc et Tunisie), soit 276 pour 1.000. En revanche, elle est plus faible pour ceux de la deuxième génération d'origine sud-européenne (Portugal, Italie et Espagne), à 106 pour 1.000, ainsi que pour les hommes immigrés de première génération toutes origines confondues. Une dimension de santé publique Les résultats concernant les femmes ne relèvent pas de différences statistiquement significatives par rapport à la population de référence sauf pour les femmes immigrées de première génération d'origine sud-européenne qui bénéficient d'un avantage en matière de mortalité similaire à celui des hommes, précise l'étude. « Les résultats suggèrent que cette surmortalité ne s'explique pas simplement par les différences de niveau d'éducation, mais par un ensemble de désavantages, notamment sur le marché du travail et sur le niveau des revenus », expliquent les auteurs, qui estiment qu'il s'agit d'une « dimension de santé publique importante et inconnue jusqu'ici ». La discrimination sur le marché du travail, qui est « plus répandue » parmi la deuxième génération, peut se traduire par une « détérioration du fonctionnement psychosocial » et par un « impact négatif sur la santé », explique les chercheurs de l'Ined, qui ont précisé qu'il a été « difficile » de travailler sur le sujet à cause du manque de données. Selon l'étude, « il est peu probable que la différence d'accès aux soins de santé soit un élément important car les études n'ont montré aucune différence dans l'utilisation des soins » entre les groupes étudiés.