Augmentation des salaires, intégration du Tifinagh sur la monnaie nationale, finance halal, cryptomonnaies... tant de points qui ont été discutés par le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, lors du Conseil de la Banque Centrale, tenu le 18 juin. L'état des lieux ressort une situation assez «mitigée» dans l'ensemble, quoique le Wali s'est dit confiant dans l'avenir économique du pays. Les performances économiques du royaume pour l'année 2019 n'ont rien de notables, selon les déclarations de Jouahri, qui s'est basé dans ses dires sur les prévisions de la Banque Centrale. Avec une économie qui reste grandement dépendante de l'agriculture, malgré ce que l'on voudrait croire, notamment pour ce qui est d'une transition économique basée sur l'industrie et les nouvelles technologies. En effet, la récolte céréalière de la campagne agricole 2018-2019 devrait s'établir à 61 millions de quintaux, selon les données du ministère de l'Agriculture, soit une baisse de 40,5 % de la production par rapport à la même période de la campagne précédente, où le Maroc avait totalisé une production de 102 millions de quintaux. Le Wali a indiqué dans ce sens que la valeur ajoutée agricole devrait connaitre un recul de 3,8 en 2019, alors qu'elle était de 4 % auparavant. Toutefois, BAM se montre très optimiste, puisque ses prévisions indiquent un bond notable de 6 % à l'horizon 2020, pour ce qui est de la valeur ajoutée agricole. Le Maroc peine à trouver son rythme À la lumière de ces données, la croissance économique nationale s'est établie à 3 % en 2018, et devrait baisser à 2,8 % en 2019, avant de partir à la relance en 2020 pour atteindre 4 %. Cette situation indique donc clairement que l'économie marocaine continue d'être portée par l'activité agricole, malgré les efforts déployés par le royaume pour ce qui est du transit vers un modèle où l'industrie a son impact. Dans ce sens, Jouahri a indiqué que le secteur automobile devrait contribuer grandement à la croissance économique du pays, chose qui est appuyée par l'ouverture imminente de la nouvelle usine PSA. Cela dit, les chiffres de l'Association des Importateurs de Véhicules automobiles au Maroc (AIVAM), à hauteur des cinq premiers mois de l'année en cours, indiquent une baisse de 14,67 % des ventes. Seulement 66,234 nouvelles immatriculations ont été enregistrées (toutes catégories comprises) à fin mai 2019, contre 76,220 immatriculations une année auparavant. Cette situation est le résultat, entre autres, de l'abolition du crédit 0 % par les concessionnaires automobiles, du fait que les organismes de financement ont jugé que leurs gains via cette option d'achat ne sont pas conséquents. Concernant la question de l'augmentation des salaires, Jouahri a indiqué que cela contribuera à la hausse du déficit, mais que « BAM reste confiant pour l'économie en 2019 ». Pour ce qui est de la finance halal, les banques participatives ont réussi à totaliser 1,6 milliard de dirhams en dépôts et 6,5 milliards de dirhams de crédits, sur leurs 18 mois d'activité. Selon Jouahri, cela représente moins de 1 % de part de marché, par rapport aux banques conventionnelles. «Le secteur a encore besoin de 4 à 5 ans pour vraiment être opérationnel, seulement là pourra-t-on vraiment juger les performances des banques participatives. Il faut arrêter de chercher la petite bête pour dire que tout va mal», a déclaré le Wali de BAM. Pour ce qui est de l'intégration du Tifinagh dans la monnaie nationale, Jouahri est resté assez vague, indiquant que cela est en train d'être traité à un autre niveau qu'au sien. Le Wali de BAM a indiqué dans ce sens que «le dernier mot revient à la Chambre des conseillers. Malheureusement, il y siège bien des enjeux politiques pour cette question. Eventuellement, la loi sera appliquée, mais BAM ne peut en aucun cas agir directement pour ce qui est de l'adoption du Tifinagh dans la monnaie nationale». Le marché du travail reste assez «mitigé» Le taux de chômage a «légèrement» baissé entre le T1 2017 et le T1 2018, passant de 10,7 % à 10,5 %, à noter qu'il s'est établi à 10 % au premier trimestre 2019. Cela dit, le taux d'activité s'est 46,2 % au T1 2019, alors qu'il était de 47,1 % pour la même période une année auparavant. Ainsi, selon les données du Haut-Commissariat au Plan (HCP), la population en âge de travailler, plus particulièrement la tranche des 15 à 24 ans, a affiché un recul entre le T1 2018 et le T1 2019, passant de 43,5 % à 40,3 %. Dans ce sens, il est à noter que 15.000 postes de travail ont été créés entre le T1 2018 et le T1 2019, contre 116.000 une année auparavant. Contradiction obligée, dans la mesure où le Maroc reste dépendant de l'agriculture, ce secteur a accusé une perte de 152.000 emplois pour ladite période, alors que les secteurs non agricoles, et plus particulièrement le commerce de détail, a contribué à la création de 40 % de 167.000 postes dans ce sens. Comme d'habitude, le milieu urbain reste dominant avec une part de 14,5 %, au T1 2019, et de 3,8 % pour le rural. Cette situation s'explique, quelque part, par l'impact «négatif» que subissent les TPME nationale, qui contribuent bien à la création d'emploi et de valeur ajoutée pour l'économie du pays, mais ont du mal à accéder au financement. Cela est le résultat de la problématique des délais de paiement, fruit d'un manque de solvabilité dans certains cas, en plus du manque de garanties «matérielles» dont elles disposent. Cela fait des TPME des clients à risque auprès des organismes de financement, qui préfèrent ne pas s'engager avec elles. Jouahri a toutefois indiqué que «BAM continuera de soutenir les TPME», malgré cette situation qui leur est défavorable. Les cryptomonnaies, ce n'est pas pour demain Voilà bien du rebondissement dans la question des monnaies virtuelles. Le Maroc était parmi les pays qui ont interdit l'utilisation et l'adoption des cryptomonnaies en tant que moyen de paiement ou pour toute autre transaction monétaire. La décision avait été clairement prise, en 2017, par la Banque Centrale, l'Office des changes et le Groupement des professionnels des banques du Maroc. Aujourd'hui, les choses semblent changer petit à petit, puisque Jouahri a indiqué que le royaume n'est pas resté insensible au potentiel qu'offrent les monnaies virtuelles. En effet, le Maroc est en train d'étudier de près l'évolution du secteur, notamment en prenant part à des séminaires et formations, mais aussi en collaborant de près avec des banques centrales mondiales qui ont décidé d'investir et de lancer leurs propres cryptomonnaies. «Devant ces évolutions, et puisque nous avons décidé d'adapter notre feuille de route digitale, il faut bien inscrire la cryptomonnaie. La meilleure approche a été d'entrer en contact avec des banques centrales pour que l'on parte chez eux afin de discuter des démarches à prendre dans ce sens. Ce n'est pas demain que nous allons lancer notre monnaie virtuelle évidemment. Nous ne disposons pas du même niveau de cash-flow que la Suède. Le mieux c'est que nous nous préparons sur le plan de l'analyse, afin de voir les pour et les contres au moment venu», a déclaré Jouahri dans ce sens.