La quatrième comparution devant le tribunal pénal chargé des affaires antiterroristes près la Cour d'appel de Salé, ce jeudi 13 juin, des 24 accusés dans l'affaire d'Imilil ra elevé de nouveaux éléments sur la cellule terroriste qui a commandité l'assassinat de deux touristes scandinaves dans la nuit du 16 au 17 décembre 2018. A l'exception du plus jeune d'entre eux (23 ans, soldat déserteur des FAR), les 12 détenus présentés hier devant le juge ont tous nié les accusations portées contre eux. Les prévenus sont poursuivis notamment pour « allégeance à Daech », « constitution d'une bande afin de préparer et commettre des actes terroristes », « atteinte à la vie de personnes avec préméditation » et « apologie du terrorisme », sur la base de leurs déclarations devant la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) et devant le juge d'instruction. Voici la suite de leurs témoignages. la haine des Moussems Petit agriculteur de 32 ans, El Aqid Zghari a une première fois été condamné pour une affaire de droit commun et nie toute sympathie ou acte d'allégeance à Daech. Il se défend également d'avoir eu comme mission de recruter des jeunes pour le compte d'Abdessamad El Joud ou de perpétrer un attentat dans le célèbre sanctuaire de Moulay Brahim (province d'Al Haouz). Les salafistes s'opposent en effet aux rituels accomplis dans les zaouïas. Membre d'un groupe Facebook promouvant l'expansion de l'Etat islamique appelé « Jounoud (Soldats) de Daech », il déclare n'avoir jamais connu ni rencontré Abdessamad El Joud, ni avoir contribué à la rédaction d'un guide pour les jihadistes ou fabriqué des bombes artisanales au profit du groupe terroriste. « J'ai tout déclaré devant la police judiciaire sous l'effet de la torture », a-t-il répondu au juge. Le plus jeune de tous, le plus culotté aussi À 23 ans seulement, Saïd Toufik est un soldat déserteur des FAR. Hardi, il avoue l'ensemble des accusations portées contre lui. Il a quitté les rangs de l'armée en 2016 car « elle relève du régime tyrannique », a-t-il déclaré au juge. L'ex militaire a pris contact avec les membres de la cellule terroriste d'Abdessamad El Joud grâce à un groupe Facebook nommé Ikhwa Fillah (frères dans l'amour d'Allah) et faisait valoir son expertise en maniement d'armes et en fabrication d'explosifs. Habillé en salafiste, il reconnait avoir participé à des entraînements aux bords de l'Oued Massa en prenant des photos montrées au juge par le procureur général. Saïd Toufik a reçu sur Watsapp la vidéo de l'assassinat des deux touristes scandinaves, transmise à lui par le dénommé Saïd Abroud alias Abou Laïth Titouani. « Il n'est pas parmi nous mais il devait être arrêté bien avant moi », dit-il au juge, sur un ton horriblement calme. Convaincu du « bien-fondé du jihadisme », le jeune homme avoue également avoir pris contact avec un syrien de Daech et avec un afghan des Talibans. Ce dernier lui promettait un voyage dans le pays d'Asie centrale. « Le jihad a besoin d'un cheikh pour le définir. Moi, je n'ai pas ce niveau de connaissance. Tout ce que je sais c'est qu'il faut combattre les croisés (le qualificatif qu'utilisait également Abdessamad El Joud au cours de sa comparution pour désigner quels étaient ses cibles, NDLR) ». Interrogé par les avocats des deux victimes scandinaves sur la méthode qu'il aurait choisie s'il avait à exécuter un meurtre pour le compte du groupe terroriste, Toufik Saïd réponds, stoïque, qu'il « aurait fait pareil. Mais il fallait éviter les femmes et se rabattre sur des hommes » en suivant la loi du Talion. « Al aïnou bil aïn » (oeuil pour oeuil, NDLR). L'objectif est de cibler les soldats des croisés et toute personne agissant à leur solde ». Avant de d'aller reprendre sa place, l'ex soldat a déclare au juge: « Je n'excommunie pas les Marocains mais le régime tyrannique ». Coupable d' »être là » Accusé de non dénonciation d'acte terroriste, Abdallah El Orfi, 27 ans, est marchand ambulant à Casablanca, plus précisément dans le boulevard 2 mars. Courant 2018, il était en voyage à Douar Aïn Titzi (province d'Essaouira), village de ses parents lorsqu'il a rencontré les principaux commanditaires de l'assassinat d'Imlil, Abdessamad El Joud et Youness Ouziad. Comme rapporté dans un précédent témoignage, ils aidaient son cousin qui n'est autre qu'Abdelkrim Khmayej dans la construction d'une maison. Tremblant devant le juge, Abdallah El Orfi nie toute allégeance à Daech, rapprochement avec le groupe terroriste ou prise de connaissance du débat sur le Jihad. « J'étais à Douar Caïd Harbil lorsque la police est venue arrêter mon cousin. J'y étais seulement pour visiter ma mère malade qui se soignait à Marrakech » a-t-il déclaré avant que le juge ne lui ordonne de reprendre sa place derrière le box vitré des accusés. Il s'en est allé en sanglots. Faux acteur, vrais djayji Rachid El Ouali a 32 ans et fait partie des accusés habitant Douar Caïd Harbil depuis 2016. Père de trois enfants au casier judiciaire vierge, il déclare faire le métier de djayji (éleveur de volailles). « J'ai connu Abdessamad El Joud à sa sortie de prison. Son père était un de mes clients », a-t-il précisé. L'accusé nie avoir téléchargé des vidéos de Daech sur son smartphone avant de les envoyer à El Joud et dément avoir eu l'intention d'aller en Syrie. « Je suis allé une fois à la chasse avec El Joud sans que nous ayons à parler de Jihad ou d'excommunication des Marocains ou du pouvoir marocain » a-t-il indiqué. Il nie également le fait qu'El Joud voulait le recruter dans son groupe terroriste. « Il priait avec nous, les gens du douar, mais il a progressivement changé de comportement en mettant en doute la foi musulmane de nos voisins ». Aussi a-t-il nié avoir cherché un hangar devant servir à cacher les matériaux utilisés par groupe terroriste. « Abdelkrim Khmayej était mon voisin mais je n'ai jamais participé à une réunion du groupe » a-t-il ajouté. … Comme la peste Abdessamad El Idrissi, 29 ans et commerçant à Douar Harbil s'est dit surpris de se retrouver en prison après le drame d'Imlil. « El Joud je le connaissais comme tout les gens du Douar mais j'essayais de l'éviter après sa sortie de prison car il s'était radicalisé » a-t-il déclaré. Niant également avoir fait allégeance à Daech, il explique que « la police judiciaire l'avait convoqué comme témoin » et « lui avait promis de le libérer après signature du PV de l'interrogatoire ». « Les questions que vous êtes en train de me poser ne m'ont pas été soumises lors de mon interrogatoire. J'ai signé sur des choses dont j'ignore la gravité et je nie avoir eu de la satisfaction en apprenant l'assassinat des deux touristes » a-t-il ajouté. Les rapports qu'il entretenait avec Abdessamad El Joud seraient purement commerciaux. « Je lui avait vendu 60 petits flacons de parfum et 40 qamis (habit traditionnel originaire des pays du Moyen-Orient) en 2017. Je n'ai jamais débattu de jihad avec lui. Tout ce que je sais de lui c'est qu'il est quelqu'un de très audacieux (…) l'esquivais autant que je pouvais » a-t-il estimé. Trahi par ses ex frères ? Abdelaziz Fariat, 26 ans, commerçant est lui aussi un habitant de Douar Caïd Harbil. Il l'ensemble des accusations prononcées contre lui par le juge. « A la police judiciaire, je n'a rien dit de ce qui laisserait croire que j'ai fait allégeance à Daech », a-t-il répondu. Il reconnait toutefois avoir suivi « comme tout le monde » ce que fait Daech depuis 2014. Ancien camarade de classe de Hicham Nazih, un des trois détenus ayant reconnu sa complicité dans l'assassinat des deux touristes scandinaves, il déclare avoir connu El Joud au cours d'une excursion sur les hauteurs d'Asni au printemps de 2018. « Les actes terroristes commis en terre d'Islam et en Europe m'ont fait changer d'avis et je n'ai plus fréquenté les membres de ce groupe » a-t-il assuré en avouant avoir créé un compte Telegram durant l'été 2018. « Je n'ai jamais pensé à commettre des opérations destructrices tout en n'ayant jamais assisté à la cérémonie d'allégeance d'aucun des membres du groupe. C'est peut être par vengeance que certains d'entre eux ont rapporté tous ces mensonges sur moi », s'est-il défendu.