L'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) lance une campagne de sensibilisation sous le thème « Pour un Code de la famille protégeant les droits des femmes et des filles contre toutes les formes de violence et de discrimination ». Mêlant art dramatique, communication dans les médias et réseaux sociaux, l'association souhaite replacer dans le débat public les exactions subies par les femmes dans le cadre de la Moudawana. Elle appelle par ce biais à une refonte du Code de la famille. Pourquoi plaider pour une refonte globale du Code de la famille ? 15 ans après sa consolidation, la question mérite d'être posée. « Depuis 2004 et l'entrée en vigueur de la nouvelle Moudawana, le droit des femmes et petites filles font toujours l'objet de violations et elles n'ont toujours pas accédé à leur droits », répond la présidente de l'ADFM Amina Lotfi. D'abord accueilli avec enthousiasme, ce texte juridique avait laissé place à l'optimisme chez acteurs associatifs prônant l'égalité entre hommes et femmes en droits et en responsabilités. La fixation d'un âge légal (18 ans) pour le mariage étant considérée comme un acquis primordial. « En 2019, les statistiques et rapports montrent que le mariage des mineurs est en augmentation », retient Amina Lotfi. C'est que l'ADFM a entamé sa campagne par la réalisation d'une analyse des arrêts rendus par la Chambre du statut personnel et successoral, relavant de la Cour de cassation en matière d'application des dispositions de la Moudawana. Et les résultats ne sont guère satisfaisants selon l'association vieille de plus de 30 ans. Egalité incomplète Parmi les griefs qu'a l'ADFM sur le texte, on trouve l'Article 20 qui donne aux juges le pouvoir discrétionnaire de reconnaître un mariage, en dépit du non-respect de l'âge légal prescrit. « Comment une personne, tout juge soit elle, peut décider qu'une petite fille peut être mariée et avoir la capacité psychique, physique et psychologique pour être chef de famille ? » argumente Amina Lotfi, renvoyant aux impacts sociaux qui découlent des divorces et de la marginalisation des mères célibataires et de leurs enfants. DR Mounir Mehimdate En matière de divorce, les dispositions de l'article 236 du Code de la famille est également critiqué par l'Association. Il octroie uniquement au père le droit de tutelle légale de ses enfants, quand bien même c'est la mère qui prend en charge la garde de son enfant. Les effets de cet article perdurent, tant que le père n'est pas déchu de cette tutelle par un jugement du tribunal. « Nous ne voulons plus d'un Code qui prête à confusion, où des vides juridiques laissent à chaque juge le pouvoir d'interpréter à sa manière », martèle Amina Lotfi, se basant sur l'étude analytique effectuée par l'ADFM. Une campagne sur trois fronts Pour ratisser large, la campagne de sensibilisation intègre trois canaux. Cela débute par une pièce théâtrale, « Rahma : entre la réalité et la loi », en partenariat avec l'Association Issil. Des vedettes comme Fadila Benmoussa et Farid Regragui monteront sur scène demain, mercredi 6 mars au Théâtre Mohammed V de Rabat, pour interpréter un texte écrit par Mohammed Boubbo. Dans les réseaux sociaux, c'est la campagne 3lach lla ? (littéralement : pourquoi pas ?) qui prendra le relais à travers la diffusion de huit capsules thématiques en partenariat avec Tanmia.ma. Puis, durant un mois à partir du vendredi 8 mars, des spots radiophoniques sur les lacunes et obstacles des dispositions du Code de la famille seront diffusés sur Radio Aswat. En Darija, cette campagne mettra l'accent sur le plaidoyer pour une harmonisation du Code de la famille avec la Constitution de 2011 et les engagements internationaux du Maroc.