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Philosophie politique : Séparation et laïcité, quelle différence ?
Publié dans Hespress le 21 - 02 - 2019

Académicien français et professeur à la Sorbonne, Jean-Luc Marion, récemment l'invité de l'Académie du Royaume du Maroc à Rabat. L'historien de la philosophie phénoménologique a donné une conférence sous le thème « Séparation et laïcité », en présence de nombreux étudiants, chercheurs et professeurs intéressés par le sujet. Immersion.
Ne dissimulant pas sa confession catholique, Jean-Luc Marion tente de montrer comment les grandes religions peuvent jouer un rôle positif dans une société, même quand cette dernière est fondée sur le principe de la séparation entre l'Etat et la religion. Un rôle social donc, « que l'Etat ne peut pas jouer », comme il le confie à Hespress FR, quelques temps avant de donner sa conférence. Parcimonieusement, le ton sera donné.
Prolégomènes d'un philosophe
En trame de fond, le professeur conférencier justifie sa connaissance d'une situation, circonscrite à un lieu et à un moment particulier, qui ne peut pas être transposée dans une autre situation ou une autre société, marocaine en l'occurrence. Jean-Luc Marion espère néanmoins que ses réflexions pourraient, si elles sont transposées , être utiles pour la réflexion propre à la pensée marocaine. « Je n'ai ni autorité, ni l'intention de m'y immiscer », anticipe-t-il.
Comment aborder la question de la présence de grandes communautés religieuses dans une société, fusse-t-elle « laïque », comme l'est la société française ? C'est la question de base qui s'est imposée au philosophe en pleine campagne présidentielle de 2017 en France. « La discussion un peu échauffée s'était développée sur le rôle du vote catholique. Et J'ai voulu éclaircir quelques points sur la différence entre la laïcité, qui me semble un concept très discutable et fragile, et la séparation qui me semble un concept de droit constitutionnel fondamental », se rappelle le philosophe.
Une histoire de France
Le philosophe propose de ce fait une lecture historique de l'attitude des catholiques français depuis un événement particulier, et « toujours mystérieux » selon lui : la Révolution de 1789. Comment la France, considérée comme un pays profondément catholique a-t-elle eu du refus de l'élément chrétien en particulier et de l'élément religieux en général ? Et comment celle qui se faisait appeler « la fillette de l'église » a-t-elle pu mener une campagne anticléricale aussi « étonnante », à ses yeux ?
La parenthèse de la Restauration (1815-1830) offre à Marion une illustration de qu'a été un bref retour de la monarchie en France. « Ceci a entrainé deux tactiques de la part des catholiques français qui ont traversé le XIXe siècle », note-il : soit passer une alliance avec la monarchie, soit devenir majoritaires dans un régime démocratique d'inspiration chrétienne.
Alliances non-productives
Ces deux courants ont fini par se distinguer clairement lors de l'Affaire Dreyfus (1894), qui a clivé la société française. Dans ce climat politique, les deux protagonistes « iront jusqu'à passer des compromis dangereux pour l'identité catholique », affirme Marion. Il rappelle que l'Action française, parti conservateur antirépublicain et condamné par le Vatican était dirigée par un non-catholique (Charles Maurras). De même que les catholiques dits « progressistes » se sont rapprochés du Parti communiste français.
« L'idée que les catholique devaient s'engager politiquement pour des motifs de conversion de leur concitoyens était si forte qu'il étaient, dans les deux options, prêts à se compromettre sur le contenu de foi de leur catholicisme » analyse le philosophe.
Les cathos « ont compris »
Faisant abstraction de la période d'occupation allemande (1940-1944), Jean-Luc Marion signale une « dérive » radicalisée survenue après la Libération de la France. Il indique que « deux hérésies » du catholicisme français avaient émergé avant de disparaître. L'une ayant été fondamentaliste et l'autre ultra progressiste, mais toutes les deux opposés au Vatican.
« Il y a eu une prise de conscience salutaire, que les catholiques ne devaient pas confondre leur devoir de croyants avec un embrigadement politique. Et que la question de la conquête du pouvoir et de l'évangélisation différent car elles n'emploient pas les mêmes moyens pour réussir » observe Jean-Luc Marion, avant de supposer que « peut-être, le témoignage de foi d'une religion vivante n'implique-telle pas toujours d'être politiquement et socialement dominant ».
Malentendu sémantique
Jean-Luc Marion se défait du mot « laïcité » et le soumet à critique. Il lui préfère le terme « séparation », d'où l'intitulé de sa conférence à Rabat. « En France, le terme ''laïcité'' est surdéterminé et polémique », remarque-il. Le philosophe puise son fondement sur un texte de référence : la loi de 1905, dite de séparation des Eglises et de l'Etat.
L'ayant étudié, Marion affirme que ce texte n'emploie pas les mots « laïcité » ou « laïque ». C'est plutôt le mot, constitutionnellement valable, de « séparation » qui est utilisé. « ''Séparation'' a un sens précis, utilisé avant la Révolution française dans la constitution des Etats-Unis, où le Congrès ne fera pas de loi regardant l'établissement d'une religion, ou interdisant le libre exercice de celle-ci, ou limitant la liberté d'expression, ou celle de la presse, ou le droit des citoyens de s'assembler de manière pacifique » cite le philosophe.
La neutralité de l'Etat
Qu'en est-il de la société marocaine, où le détenteur du pouvoir politique a aussi une autorité religieuse ? Jean-Luc Marion pense que la Maroc n'est pas une société de séparation. « C'est une opposition qu'on ne peut pas sous-estimer, mais cette opposition n'est pas radicale » souligne-t-il. Car sa vraie interrogation est de savoir pourquoi est-il acceptable, voire utile, d'admettre que l'Etat doit être religieusement neutre ?
« Certains diront que si l'Etat est religieusement neutre, il est donc athée, impie et doit être détruit, d'autres diront que l'Etat doit être neutre parce que la religion elle-même est-une illusion, un malheur qui doit être détruit », spécifie le philosophe dont l'hypothèse alternative est de considérer qu'aucun société n'est irréligieuse. « C'est la grande leçon de la fin XXe après la disparition des grands autoritarismes. On peut tenter d'éradiquer la dimension religieuse d'une société avec les moyens les plus forts, mais on y parvient pas » synthétise le professeur.
Equilibrage de forces
A cette forme de domination des esprits, Jean-Luc Marion rejette également l'idée que la société de consommation et de technologie puisse éradiquer les réalités religieuses. C'est une « illusion » d'après lui, car le fait religieux « peut-être réprimé, déplacée ou modifié, mais il ne peut pas disparaître ».
Une disparition de la vie religieuse dans toute société étant exclue, Marion considère que l'actuelle forme de vitalité religieuse dans le monde est peu contrôlée par les institutions qui sont sensés le faire. « Il y a autant de religiosité non contrôlée aux Etats-Unis qu'en Asie. Ce n'est pas une question de richesse ou de développement éducatif », compare-t-il. En clair: L'Etat devrait être religieusement neutre parce que la société ne le serais pas. Pensant aux systèmes non européens, le philosophe présume que « c'est parce que la société n'est pas irréligieuse que l'Etat doit être non religieux ».


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