Régionalisation avancée : Qui sème, récolte...    Guercif: Franc succès de la quatrième édition des jeux nationaux des Appelés    Conseil de sécurité: Blinken se félicite du partenariat avec le Maroc sur l'Intelligence artificielle    H&S Invest Holding. Moncef Belkhayat, l'entrepreneur marocain qui suit les traces du géant américain Procter & Gamble    Fioul. Afriquia SMDC gagne un gros contrat de plus de 2,4 milliards de DH de l'ONEE    Les Etats-Unis approuvent la vente d'armements au Maroc d'une valeur de 86 millions de dollars... Des armes de précision de dernière génération    Le Conseil supérieur de l'Etat libyen démonte un communiqué du gouvernement en fin de mandat, inspiré par l'Algérie    Nouveau séisme de magnitude 6,1 au large du Vanuatu    La population de l'Afrique devrait atteindre en 2050 quelque 2,5 milliards d'habitants, avec un âge médian de 20 ans    Allemagne : L'auteur de l'attaque de Magdebourg, un "islamophobe et partisan du sionisme"    Premier au niveau mondial : le Maroc se prépare à lancer des produits innovants à base de cannabis : chocolat, farine et café    Pharma 5 : un médicament à base de cannabis pour le traitement des formes d'épilepsie rebelles    Belle semaine pour la Bourse de Casablanca    Boxe: Usyk s'impose à nouveau face à Fury et consolide son règne chez les lourds    «Une démocratie solide et une bonne gouvernance pour un développement véritable»    Un chantier royal au service de l'essor du continent africain    Selon le New York Times, «le Maroc a bien saisi que le football, au-delà d'un simple jeu, constitue un levier stratégique de développement économique et diplomatique»    Les enjeux du Grand Maghreb et de l'Afrique : Le Maroc entre construction et progrès... et l'Algérie prisonnière de politiques hostiles et stériles    Le Maroc : Leadership diplomatique et rayonnement international sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI    Le président français à Addis-Abeba pour une visite de travail officielle en Ethiopie    Casablanca intègre le réseau mondial C40 des villes engagées dans la lutte contre le changement climatique    Canada. Une marocaine au gouvernement de Justin Trudeau    Pedro Sanchez : «L'Espagne apprécie hautement les efforts de Sa Majesté le Roi en faveur de la stabilité régionale»    Le Conseil fédéral suisse adopte sa nouvelle stratégie pour l'Afrique 2025-2028    Quatre ans après le 22 décembre 2020, quelle grande et incontournable alliance que celle établie entre Rabat, Washington et Tel-Aviv    L'AS FAR et le Wydad se neutralisent, le Raja s'impose contre l'Union Touarga    Ouverture de la billetterie    Le Raja Casablanca se sépare de Sá Pinto    Basket. DEX (H)/ J9: Hier, l'ASS a dompté le WAC ! Cet après-midi, le derby de Rabat au programme    Botola D1. J15 (Acte II): Les locaux favoris ce dimanche!    Liga. J18 (Acte II) : Le Real vise les 3 points et la 1ère marche du podium    SM le Roi Mohammed VI reçoit Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, Président de la République Islamique de Mauritanie    Conflit d'intérêt et impunité    Prévisions météorologiques pour le lundi 23 décembre 2024    MAGAZINE : Nour-Eddine Saïl, un hommage en contreplongée    Musique : Les notes jazz de l'arganier    Exposition : Yamou paysagiste de l'essentiel    DGI : principaux points des mesures fiscales de la LF 2025    L'acteur marocain Mohamed El Khalfi n'est plus    Essaouira et Tétouan mutualisent leurs atouts pour un partenariat de la nouvelle génération (M. Azoulay)    Nador : arrestation d'un individu recherché pour trafic de drogue et délit de fuite    Mpox en Afrique : 69 211 cas dont 1 260 décès depuis début 2024    En présence des banquets de kif et des rêves d'enfance    Barid Al-Maghrib lance une émission spéciale de timbre intitulé « Le Malhoun, patrimoine culturel immatériel de l'humanité »    Le temps qu'il fera ce samedi 21 décembre 2024    Les températures attendues ce samedi 21 décembre 2024    Le Sun Festival de Marrakech célèbre les cultures actuelles    Le patrimoine culturel de Tanger célébré au musée Villa Harris    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Philosophie politique : Séparation et laïcité, quelle différence ?
Publié dans Hespress le 21 - 02 - 2019

Académicien français et professeur à la Sorbonne, Jean-Luc Marion, récemment l'invité de l'Académie du Royaume du Maroc à Rabat. L'historien de la philosophie phénoménologique a donné une conférence sous le thème « Séparation et laïcité », en présence de nombreux étudiants, chercheurs et professeurs intéressés par le sujet. Immersion.
Ne dissimulant pas sa confession catholique, Jean-Luc Marion tente de montrer comment les grandes religions peuvent jouer un rôle positif dans une société, même quand cette dernière est fondée sur le principe de la séparation entre l'Etat et la religion. Un rôle social donc, « que l'Etat ne peut pas jouer », comme il le confie à Hespress FR, quelques temps avant de donner sa conférence. Parcimonieusement, le ton sera donné.
Prolégomènes d'un philosophe
En trame de fond, le professeur conférencier justifie sa connaissance d'une situation, circonscrite à un lieu et à un moment particulier, qui ne peut pas être transposée dans une autre situation ou une autre société, marocaine en l'occurrence. Jean-Luc Marion espère néanmoins que ses réflexions pourraient, si elles sont transposées , être utiles pour la réflexion propre à la pensée marocaine. « Je n'ai ni autorité, ni l'intention de m'y immiscer », anticipe-t-il.
Comment aborder la question de la présence de grandes communautés religieuses dans une société, fusse-t-elle « laïque », comme l'est la société française ? C'est la question de base qui s'est imposée au philosophe en pleine campagne présidentielle de 2017 en France. « La discussion un peu échauffée s'était développée sur le rôle du vote catholique. Et J'ai voulu éclaircir quelques points sur la différence entre la laïcité, qui me semble un concept très discutable et fragile, et la séparation qui me semble un concept de droit constitutionnel fondamental », se rappelle le philosophe.
Une histoire de France
Le philosophe propose de ce fait une lecture historique de l'attitude des catholiques français depuis un événement particulier, et « toujours mystérieux » selon lui : la Révolution de 1789. Comment la France, considérée comme un pays profondément catholique a-t-elle eu du refus de l'élément chrétien en particulier et de l'élément religieux en général ? Et comment celle qui se faisait appeler « la fillette de l'église » a-t-elle pu mener une campagne anticléricale aussi « étonnante », à ses yeux ?
La parenthèse de la Restauration (1815-1830) offre à Marion une illustration de qu'a été un bref retour de la monarchie en France. « Ceci a entrainé deux tactiques de la part des catholiques français qui ont traversé le XIXe siècle », note-il : soit passer une alliance avec la monarchie, soit devenir majoritaires dans un régime démocratique d'inspiration chrétienne.
Alliances non-productives
Ces deux courants ont fini par se distinguer clairement lors de l'Affaire Dreyfus (1894), qui a clivé la société française. Dans ce climat politique, les deux protagonistes « iront jusqu'à passer des compromis dangereux pour l'identité catholique », affirme Marion. Il rappelle que l'Action française, parti conservateur antirépublicain et condamné par le Vatican était dirigée par un non-catholique (Charles Maurras). De même que les catholiques dits « progressistes » se sont rapprochés du Parti communiste français.
« L'idée que les catholique devaient s'engager politiquement pour des motifs de conversion de leur concitoyens était si forte qu'il étaient, dans les deux options, prêts à se compromettre sur le contenu de foi de leur catholicisme » analyse le philosophe.
Les cathos « ont compris »
Faisant abstraction de la période d'occupation allemande (1940-1944), Jean-Luc Marion signale une « dérive » radicalisée survenue après la Libération de la France. Il indique que « deux hérésies » du catholicisme français avaient émergé avant de disparaître. L'une ayant été fondamentaliste et l'autre ultra progressiste, mais toutes les deux opposés au Vatican.
« Il y a eu une prise de conscience salutaire, que les catholiques ne devaient pas confondre leur devoir de croyants avec un embrigadement politique. Et que la question de la conquête du pouvoir et de l'évangélisation différent car elles n'emploient pas les mêmes moyens pour réussir » observe Jean-Luc Marion, avant de supposer que « peut-être, le témoignage de foi d'une religion vivante n'implique-telle pas toujours d'être politiquement et socialement dominant ».
Malentendu sémantique
Jean-Luc Marion se défait du mot « laïcité » et le soumet à critique. Il lui préfère le terme « séparation », d'où l'intitulé de sa conférence à Rabat. « En France, le terme ''laïcité'' est surdéterminé et polémique », remarque-il. Le philosophe puise son fondement sur un texte de référence : la loi de 1905, dite de séparation des Eglises et de l'Etat.
L'ayant étudié, Marion affirme que ce texte n'emploie pas les mots « laïcité » ou « laïque ». C'est plutôt le mot, constitutionnellement valable, de « séparation » qui est utilisé. « ''Séparation'' a un sens précis, utilisé avant la Révolution française dans la constitution des Etats-Unis, où le Congrès ne fera pas de loi regardant l'établissement d'une religion, ou interdisant le libre exercice de celle-ci, ou limitant la liberté d'expression, ou celle de la presse, ou le droit des citoyens de s'assembler de manière pacifique » cite le philosophe.
La neutralité de l'Etat
Qu'en est-il de la société marocaine, où le détenteur du pouvoir politique a aussi une autorité religieuse ? Jean-Luc Marion pense que la Maroc n'est pas une société de séparation. « C'est une opposition qu'on ne peut pas sous-estimer, mais cette opposition n'est pas radicale » souligne-t-il. Car sa vraie interrogation est de savoir pourquoi est-il acceptable, voire utile, d'admettre que l'Etat doit être religieusement neutre ?
« Certains diront que si l'Etat est religieusement neutre, il est donc athée, impie et doit être détruit, d'autres diront que l'Etat doit être neutre parce que la religion elle-même est-une illusion, un malheur qui doit être détruit », spécifie le philosophe dont l'hypothèse alternative est de considérer qu'aucun société n'est irréligieuse. « C'est la grande leçon de la fin XXe après la disparition des grands autoritarismes. On peut tenter d'éradiquer la dimension religieuse d'une société avec les moyens les plus forts, mais on y parvient pas » synthétise le professeur.
Equilibrage de forces
A cette forme de domination des esprits, Jean-Luc Marion rejette également l'idée que la société de consommation et de technologie puisse éradiquer les réalités religieuses. C'est une « illusion » d'après lui, car le fait religieux « peut-être réprimé, déplacée ou modifié, mais il ne peut pas disparaître ».
Une disparition de la vie religieuse dans toute société étant exclue, Marion considère que l'actuelle forme de vitalité religieuse dans le monde est peu contrôlée par les institutions qui sont sensés le faire. « Il y a autant de religiosité non contrôlée aux Etats-Unis qu'en Asie. Ce n'est pas une question de richesse ou de développement éducatif », compare-t-il. En clair: L'Etat devrait être religieusement neutre parce que la société ne le serais pas. Pensant aux systèmes non européens, le philosophe présume que « c'est parce que la société n'est pas irréligieuse que l'Etat doit être non religieux ».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.