L'establishment italien monte au créneau pour défendre la présence du crucifix dans les salles de classe du pays, au-lendemain d'une décision d'un juge, suite à une plainte déposée par un Musulman scandalisé de savoir ses deux enfants dans une classe arborant la croix. Le magistrat a estimé que le crucifix devait être retiré des murs de l'école. Dans le libellé du jugement, le magistrat fait valoir que les crucifix « montrent la volonté sans équivoque de l'Etat italien de placer le catholicisme au centre de l'univers (…) dans les écoles publiques, sans la moindre considération pour le rôle des autres religions dans l'Histoire de l'humanité». L'arrêté a choqué bon nombre de religieux et des hommes politiques dans un pays où le Vatican est omniprésent, même si officiellement l'Etat est séparé de l'église. Des générations d'Italiens ont passé leurs années d'école sous la bonne garde du crucifix accroché au mur de leur salle de classe. La controverse est désormais lancée. «C'est une décision scandaleuse qui doit être annulée dès que possible. Il n'est pas acceptable qu'un juge puisse tirer un trait sur des millénaires d'Histoire», a déclaré un ministre. Celui de la Justice a fait savoir qu'il allait ordonner une enquête pour vérifier les fondements légaux d'une telle décision, affirmant que des sanctions seraient prises si le jugement n'était pas conforme à la législation italienne. « Comment quelqu'un peut-il ordonner le retrait des salles de classe d'un symbole des valeurs fondamentales de notre pays ? Ce jugement est un affront pour la majorité des Italiens », a estimé un cardinal. La polémique illustre la relation malaisée entre la laïque mais très catholique Italie et sa population immigrée de plus en plus nombreuse. Selon la constitution, l'Etat et l'église sont chacun «indépendant et souverain», et «toutes les confessions religieuses sont égales et libres devant la loi». Cependant, deux lois stipulent que le crucifix doit être présent dans les salles de classe italienne. Mais, elles remontent à 1920 à l'époque où l'Italie était une monarchie et que le fascisme contrôlait le pouvoir. Techniquement, elles restent valables. D'ailleurs, l'Italie ne semble pas avoir pris encore conscience de la réalité de son multiculturel et des changements sociaux intervenus ces dernières années Ce pays de 57 millions d'habitants compte 1,2 million d'immigrés légaux, sans compter les dizaines de milliers de clandestins qui avoisinent le million. Au total, quelque 800.000 Musulmans vivent dans ce pays. Un nombre qui ira grandissant compte tenu du taux de natalité que connaît cette communauté. Des responsables de la gauche italienne ont ouvertement appuyé la démarche du plaignant, estimant qu'un retrait du crucifix des écoles permettrait d'intégrer davantage de jeunes de cultures et de religions différentes. L'Italie, qui héberge le Vatican, connaît ainsi à son tour la querelle sur les signes extérieurs religieux, comme la France et le voile, ou encore l'Allemagne. Mais, la tendance aujourd'hui, parmi les plus ouverts en matière de croyances, est de mettre en avant la laïcité, plutôt que de revendiquer l'héritage religieux de l'Europe. D'ailleurs, la question confessionnelle a fait une entrée fracassante dans le débat constitutionnel européen. Il ne s'agit pas de proclamer une foi ou une église particulière comme étant la seule officielle, mais de mettre en avant la référence religieuse. C'est la vie des institutions communautaires qui veut cette coexistence. Sur les bancs du parlement européen,on trouve des protestants, des catholiques, des juifs, des musulmans, des hindous, des franc-maçons, des agnostiques et même un réformé suédois. Or, et c'est significatif, nul n'affiche ses croyances, contrairement à ce qui se fait aux Etats-Unis par exemple où la première chose qui apparaît sur le C.V. d'un membre du Congrès est une déclaration publique de sa foi religieuse. La séparation du spirituel et du temporel est justement un acquis des démocraties occidentales, et c'est la principale critique adressée aux pays islamiques et aux musulmans en général qui confondent les deux sphères, aux détriment des droits de l'Homme. En fait, le débat qui a cours actuellement en Italie tourne autour de l'obligation évangélique faite aux chrétiens de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu !