Si sa concrétisation pose problème en raison du rapprochement des deux dates, la reconnaissance de Yennayer devrait-elle se faire au détriment de l'Istiqlal et de son « jour de déclaration du manifeste de l'Indépendance »? C'est la question que nous nous sommes posée. Jour de fête non officielle, Yennayer (1er jour de l'an Amazigh) est célébré chaque 14 janvier dans différentes villes et contrées du Maroc et d'Afrique du Nord. En Algérie, il a été déclaré jour férié et chômé en 2018. Au royaume, la reconnaissance de Yennayer est réclamée, aussi bien par des partis politiques (dont l'Istiqlal sous la direction de Hamid Chabat) que par la société civile. Professeur d'Histoire contemporaine à l'Université Mohamed V de Rabat, Mustafa Kadiri appelle, à l'entame de cette année, le chef du gouvernement à supprimer le jour férié du 11 janvier et à adopter officiellement le 14 du même mois à sa place. Soit une option, une éventualité, si les nombreux jours fériés au Maroc font obstacle à l'officialisation du nouvel an amazigh en tant que fête nationale, inscrite comme jour férié et chômé. L'historien dresse un constat : Au Maroc, les fêtes officielles ne dérogent pas au respect de la devise du royaume, à l'exception du 11 janvier, jour du Manifeste de l'Indépendance. « C'est une fête de classes, une fête partisane qui concerne l'Istiqlal, indépendamment des autres partis politiques ». L'auteur de « Nationalisme du mépris de Soi » (Ed Kalimate), rappelle que le 11 janvier a été décrété jour férié, et uniquement dans le secteur privé, le 9 janvier 1988 par le gouvernement Azzeddine Laraki. Sac de nœuds législatif S'agissant de Yennayer, Mustafa Kadiri estime que sa célébration est au cœur de la devise du royaume marocain, car lié à la patrie, à la terre, à l'Homme et à son environnement. « Il y a un dysfonctionnement formel dans le cas de l'adoption du 11 janvier comme fête national », relève l'universitaire. Ce dysfonctionnement pourrait, selon lui, être un point d'entrée pour la reconnaissance officielle du 14 janvier, « si l'excuse présentée chaque occasion est celui du nombre élevé je jours fériés au Maroc », retient-il. Entre dahirs et décrets, on dénombre de nombreuses dispositions légales (au-delà de 10 textes) relatives à la fixation des jours de congés au Maroc. L'historien rappelle que c'est un autre décret, datant du 22 août 1991, qui déclare le 11 janvier comme jour férié dans le secteur public. Toutefois, ce décret du 22 août 1991 se base sur le Dahir du 11 juillet 1947 portant réglementation du travail et sur le décret du 28 février 1962 fixant la liste des jours fériés payés dans le secteur privé. Mustafa Kadiri insiste sur le fait que cette donne réglementaire peut être prise en compte par le Chef du gouvernement, Saâd-Eddine El Othmani, pour reconnaître Yennayer comme fête nationale. « De nombreuses fêtes antérieures ont été supprimées ou remplacées par d'autres, sans oublier l'importance de ce jour de fête et la grande symbolique que lui portent les Marocains », considère celui pour qui « la reconnaissance de Yennayer sera un préliminaire pour la réconciliation et l'équité avec la culture et l'Homme amazighs ».