On est loin de la séquence où les sondages annonçaient le triomphe de l'extrême droite aux élections législatives et la marche victorieuse de son icône, Jordan Bardella, vers Matignon, siège du Premier ministre. Les urnes ont refroidi les ambitions et éteint les rêves de gouvernement de cette extrême droite si certaine que son heure était arrivée. Il est clair que, si elle a raté le coche de la majorité absolue, cette extrême droite, revigorée par une grande opération de lifting politique menée par Marine Le Pen, a réussi l'exploit de faire entrer au parlement un groupe massif de députés qui pèsera lourd dans toutes les équations politiques à venir. Il est tout aussi vrai que, malgré ces succès, cette extrême droite subit toujours une ceinture d'isolement qui en dit long sur les dangers qu'elle continue d'incarner aux yeux d'une majorité de Français sur les institutions de la République. La meilleure preuve se trouve dans la démarche de tous les candidats potentiels au poste de Premier ministre qui excluent volontairement cette extrême droite de toutes leurs consultations, qu'elles soient épistolaires ou physiques. En plus de la défaite relative aux récentes législatives, cette extrême droite s'est trouvée en porte-à-faux avec l'opinion française. Bien avant les Jeux olympiques de Paris 2024, les ténors de cette extrême droite se sont distingués par une propension jouissive à jouer les oiseaux de mauvais augure. Jamais, selon leurs argumentaires et leurs éléments de langage disséminés dans la presse, la France ne pourrait être à la hauteur historique d'une organisation impeccable de ces jeux. D'autant plus qu'ils avaient appuyé de manière excessive sur les craintes sécuritaires, exagérant les menaces jusqu'à faire peur aux Français. Or, la réalité de ces jeux est que la France s'est superbement distinguée par une grande capacité d'organisation, a battu son record de médailles, et a assuré la sécurité de ces Jeux olympiques d'une manière qui a forcé l'admiration internationale. Dans son insistance à bouder son plaisir pour ne pas mettre ces performances au crédit du gouvernement d'Emmanuel Macron, cette extrême droite s'est trouvée dans la posture de ruminer les amertumes et les échecs quand tout le pays respire l'euphorie et la fierté d'avoir réussi un exploit historique. Face à cette nouvelle donne, et en attendant la décision d'Emmanuel Macron de changer une personnalité de gauche ou de droite pour former le prochain gouvernement, les chefs de l'extrême droite ont été contraints d'observer un silence que la trêve estivale participe à amplifier. La seule note entendue et distinguée dans leurs discours est leur décision ferme de déposer ou de se joindre à n'importe quelle motion de censure qui ferait tomber le premier gouvernement auquel participerait un élément de la France insoumise. Sans doute sans le vouloir, cette stratégie qui fait médiatiquement de l'entrée au gouvernement de la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon une ligne rouge aide la politique du président Emmanuel Macron à refuser de confier à la gauche le soin de former un gouvernement. Il se base sur l'effet épouvantail qu'une telle décision provoque dans le spectre politique français et participe à montrer la faiblesse et le manque d'efficacité d'une solution de gauche pour succéder à Gabriel Attal, Premier ministre démissionnaire. Bien avant cette séquence, l'extrême droite, qui dispose d'une présence massive au parlement, avait reçu un coup dur sur la tête. Ce fut lors des élections internes à l'Assemblée nationale pour se doter d'une architecture de représentation. L'extrême droite de Marine Le Pen n'a rien obtenu malgré le nombre élevé de ses députés. Cette situation, dénoncée par cette extrême droite puisqu'elle trahit selon elle un vice de représentation parlementaire, montre à quel point les partis politiques français sont prêts à se livrer à toutes les contorsions pour maintenir une ceinture de sécurité autour du Rassemblement national, limiter sa marge d'influence et limer sa capacité de nuisance. Il n'empêche. Il y a une réalité qu'Emmanuel Macron ne peut ignorer. Avec un groupe aussi important au Palais Bourbon, l'extrême droite est en mesure de jouer les faiseurs de majorités et les tombeurs de gouvernements. Et c'est pour faire face à cette option que Macron tente désespérément de réunir une majorité républicaine pour former un gouvernement à l'abri des tempêtes parlementaires à venir.