Il y a une certaine ironie politique à déceler dans les circonstances politiques françaises actuelles. Au moment où le gouvernement d'Emmanuel Macron s'écharpe avec l'opposition politique et syndicale sur la réforme de la retraite, existe une force politique qui tire ses marrons du feu et tisse en silence une véritable stratégie de conquête de pouvoir. Il s'agit du rassemblement National dirigé par Marine Le Pen. Les deux partenaires de cette crise, gouvernement et opposition de gauche, sont en train de laisser des plumes dans cet affrontement. Le premier montre une dangereuse rigidité à gérer une affaire aussi cruciale pour les Français qu'est la retraite. La seconde détruit progressivement son crédit et son capital sympathie à travers des comportements parfois indignes au sein du parlement. Les insultes, les excès de langages fuseraient régulièrement pendant les débats laissant entrevoir une mauvais image de ces parlementaires, plus préoccupés par la création d'un bad buzz que par la lutte contre cette réforme de retraite proposée par Emmanuel Macron . Pendant ce temps, Marine Le Pen, qui depuis le départ a préféré présider le massif groupe parlementaire du rassemblement national plutôt que diriger le parti laissé au jeune Jordan Bardella, s'est distinguée par ses attitudes. Elle se voulait calme, modérée, incarnant une certaine sagesse. Elle est allée jusqu'à réclamer à l'alliance de gauche, menée par la France insoumise, de retirer ses milliers d'amendements posés avec un esprit manifeste et assumé d'obstruction. Sans doute involontairement, la gauche a fini par répondre à cette demande de Marine Le Pen, retirer cette masse d'amendements et donner une allure de sage et modérateur au Rassemblement National. Aussi bizarre que cela puisse paraître, Marine Le Pen est apparue aux yeux de l'opinion comme la femme politique qui conserve son sang froid, quand les députés de la gauche de la France insoumise provoquent parfois volontairement des pugilats permanents et que le ministre du travail, Olivier Dussopt, qui incarne cette réforme, paraît être au bord de la crise de nerfs. Le Rassemblement National a fait le choix stratégique de ne pas participer aux différentes journées nationales de manifestations contre la réforme de la retraite. Marine Le Pen a préféré centrer son activité politique au sein du parlement. Sans doute, l'assemblée nationale lui est apparue plus apte à valoriser ses discours et ses prises de position que la rue qui semble sous l'emprise de syndicats de gauche comme de droite qui, pour le moment, n'expriment aucune sympathie pour son projet politique. Parallèlement à ces points politiques de communication et d'image qu'elle marque à l'occasion de cette crise des retraites, Marine Le Pen a déployé dans les médias de nombreux porte-paroles, partis disséminer une nouvelle vision du Rassemblement National, plus lisse et plus acceptable pour les Français habitués à cataloguer le parti de Marine Le Pen dans la catégorie des excessifs et des radicaux. Dans cette crise des retraites qui focalise l'attention des Français lors de ce second mandat d'Emmanuel Macron, Marine Le Pen paraît dans la posture de celle qui en profite pour sculpter une nouvelle réputation et préparer les échéances électorales à venir, notamment celle des Présidentielles de 2027. Même si en temps politique, cette échéance paraît très loin, Marine Le Pen profite du grand vide politique pour s'imposer comme une force alternative. Avec ses 88 députés à l'assemblée nationale, elle a suffisamment de moyens pour prétendre exister et remplir de vide. Les communicants de Marine Le Pen font déjà le constat que la constitution française empêche Emmanuel Macron de prétendre à un troisième mandat, que les luttes intestines au sein de la gauche empêchent la naissance d'un leadership crédible et rassembleur, que l'état moribond de la droite classique l'empêche pour le moment d'enfanter un dirigeant capable d'incarner ses espoirs. Marine Le Pen perçoit déjà le reste du second mandat d'Emmanuel Macron comme un boulevard en ligne droite qui la mènera au Palais de l'Elysée. Elle ne sera déviée de cette inévitable trajectoire qu'à deux conditions. La première est que son équipe politique et parlementaire commette, sous la pression des euphories de l'extrême droite, des erreurs qui la renvoient aux yeux de Français à sa diabolisation originelle qui a toujours avorté les plus hautes ambitions politiques de son parti. La seconde est que les partis de gauche et de droite soient frappés par l'électrochoc de la possibilité de son arrivée au pouvoir et qu'ils parviennent d'ici là à construire un vrai leadership capable de lui porter la contradiction et mener une véritable compétition susceptible de lui barrer le chemin de l'Elysée.