La journée du 19 janvier restera dans les annales du second mandat d'Emmanuel Macron comme celle qui a vu se dérouler le premier bras de fer social entre son gouvernement d'un côté, et les partis politiques et les centrales syndicales de l'autre. Enjeu majeur un refus populaire et politique de sa réforme du sytème des retraites français. Reportée à de multiples reprises sous des prétextes divers et variés, la réforme du système des retraites proposée par Emmanuel Macron a enfin été dévoilée par sa première ministre, Elisabeth Borne. S'en est suivi un énorme travail d'explication de la part de tout ce compte la Macronie de communicateurs et de pédagogues. Sans grand succès pour le moment. Car les partis de l'opposition et les centrales syndicales sont vent debout contre cette réforme qu'ils considèrent comme à la fois anachronique et injuste. Entre le gouvernement et l'opposition politique et syndicale, l'heure est à l'escalade verbale et l'exhibition des forces et des défis. x Publicité Les partie politiques et les syndicats misent sur l'électrochoc qu'une telle réforme pourrait provoquer dans le pays, obligeant des Français, par millions, à descendre dans la rue comme ils l'ont déjà fait dans les années 90, quand des réformes structurelles touchant le monde du travail ou de l'éducation ont été proposées. Sous la pression de la rue, les gouvernements de gauche comme de droite ont dû reculer, donnant le spectacle d'une puissance syndicale et populaire indépassable. De son côté, le gouvernement mise sur une probable impopularité de ces mouvements de contestation qui ferait descendre dans la rue beaucoup moins de Français que les pronostics rêvés des syndicats aujourd'hui et qui verrait la durée de ces protestations réduites dans le temps à cause d'une adhésion moins massive des Français à cette grève. Ironie et danger du calendrier, Emmanuel Macron a dégoupillé cette réforme sur les retraites dans un contexte social déjà explosif. La hausse des prix et la perte manifeste de leur pouvoir d'achat poussent déjà les Français à exprimer leur mécontentement dans la rue. L'éventuel retour du phénomène des gilets jaunes qui avaient déjà pourri le premier mandat de Macron, est un signal supplémentaire d'une grande tension au sein de la société française dont l'humeur est actuellement gonflée à bloc par les nombreuses frustrations sociales. La grève dure est au cœur de ce bras de fer. Si l'opposition arrive à mobiliser lourdement dans la rue et sur la durée, le gouvernement pourrait être, à terme, contraint sinon de retirer le projet, du moins de l'expurger de ses mesures les plus contestables. Mais pour Emmanuel Macron, ce qui se passera dans la rue ne sera qu'un élément d'évaluation parmi d'autres. Son gouvernement aura à gérer une bataille parlementaire des plus sensibles. Il est vrai que s'il se retrouve dans la situation de recourir au fameux 49.3 pour faire adopter cette réforme par le Parlement, il ne ferait que jeter l'huile bouillante sur le feu de la contestation sociale. Pour éviter de se retrouver dans un tel dilemme, Emmanuel Macron compte beaucoup sur la capacité de son gouvernement à convaincre les députés du Parti Les Républicains pour voter cette réforme et rejoindre ainsi la majorité présidentielle. Macron aura ainsi la fameuse majorité absolue qui lui fait tant défaut depuis les dernières élections législatives. Emmanuel Macron a des raisons d'être optimiste sur ce sujet. Les nombreux signaux en provenance du parti des Républicains montrent une disponibilité de ce parti à jouer les forces d'appoint pour le gouvernement au sein du parlement. Il faut dire que l'Élysée craignait que l'élection du très droitier Éric Ciotti à la tête du parti des Républicains ne puisse compliquer le rapprochement entre la majorité présidentielle et la droite républicaine. Éric Ciotti était pressenti pour inscrire davantage son action dans le cadre d'une recherche d'alliance avec les partis de l'extrême droite comme le rassemblement national de Marine Le Pen ou reconquête d'Eric Zemmour, que de vivre une lune de miel politique avec Emmanuel Macron. Pour le parti des Républicains, le risque est grand de voir s'agrandir les fissures entre ceux qui voudraient amarrer leur parti à Emmanuel Macron et faire partie de sa majorité et ceux qui rêvaient de rejoindre une alliance des droites pour préparer demain l'alternative à l'actuel président de la République, empêché par la constitution d'envisager un troisième mandat. La réforme du système de retraite est le premier chantier qui pourrait acter ce rapprochement entre Macron et les Républicains. Il paraît clair aujourd'hui que l'avenir de cette réforme sur les retraites si chère à Emmanuel Macron se trouve actuellement entre les mains du parti des Républicains. S'il lui accorde sa bienveillance, l'habillage démocratique de son adoption sera sauf, quelle que soit l'ampleur des manifestations de rue qui vont la dénoncer.