Mireille Duteil Jamais un président de la république française fraichement élu n'aura connu état de grâce aussi fugace. « Il durera 2 secondes », plaisantaient, sans illusion, les conseillers d'Emmanuel Macron avant son élection. Ils n'avaient pas tort. Et pourtant, le nouveau et jeune chef de l'Etat, 39 ans, a connu une élection de maréchal (66% des voix). C'est le deuxième meilleur score depuis le résultat exceptionnel obtenu par Jacques Chirac en 2002 contre Jean-Marie Le Pen. 80% des Français s'étaient alors prononcés en faveur de Chirac qui n'avait pas su profiter de son score peu habituel en démocratie pour entreprendre des réformes. Que va pouvoir faire Emmanuel Macron, président bien élu et déjà si décrié par un establishment politique – de droite comme de gauche – qui voit en lui l'éventuel fossoyeur de leurs rentes de situation ? « Se déclarant « et de droite et de gauche », le jeune président ne cache guère son dessein de pulvériser les partis traditionnels, Les Républicains, à droite, le parti socialiste, à gauche, qui, il est vrai n'ont guère besoin de lui pour se faire hara kiri. La gauche et la droite sont en morceaux, divisés par des querelles d'ego. Premier objectif de Macron : obtenir une majorité présidentielle lors des législatives de juin. Il veut agglomérer autour de son jeune parti baptisé « Les Républicains en marche », ceux qui à droite, comme à gauche, ont envie de faire bouger le pays. Les candidats à la députation des « Républicains en marche », rassemblement de femmes et d'hommes à part égale, doivent venir, pour la moitié d'entre eux de la société civile, l'autre moitié regroupant des politiques déjà installés. Tous sont triés sur le volet et doivent partager les idéaux du « jeune homme pressé ». On lui prête d'ailleurs l'intention de choisir comme Premier ministre, une personnalité de droite, choix qui achèverait la déstabilisation des Républicains et lui permettrait d'élargir son audience à droite. En fait, nul n'en sait rien. Le jeune Macron cultive le secret et gouverne seul. Peut-il réussir son OPA politique ? Certains l'affirment. Rien n'est gagné. Si Macron veut obtenir une majorité (absolue ou relative) à l'Assemblée, c'est qu'il sait qu'il aura besoin du soutien des députés pour mettre en place sa première réforme, celle du travail. Homme de dialogue, il entend l'expliquer encore et toujours, et convaincre en particulier que cette réforme s'accompagnera d'une plus grande sécurité pour les salariés. Ceux-ci n'y croient guère. Les syndicats et la rue attendent de pied ferme le nouveau président qui, pour aller vite, est décidé à imposer les nouvelles règles du travail par ordonnances. Or c'est le Parlement qui vote, ou non, les ordonnances. L'été risque d'être chaud pour Emmanuel Macron qui ne se fait guère d'illusion, sait où il veut aller et ne semble pas homme à reculer. Ce qui dans cette France ingouvernable peut être risqué. Avant lui, le Premier ministre Alain Juppé s'était fracassé sur les longues grèves de 1995 contre sa réforme des retraites. Emmanuel Macron aurait tort de ne pas s'en souvenir. Mais il sait aussi que les changements doivent être entériné dans les premiers mois, après il est trop tard. C'est la quadrature du cercle. Il n'aura pas trop de son habileté et de sa chance inouïe pour réussir. Pour la France, c'est indispensable.