La récente apparition du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, au sommet du G7 n'est pas passée inaperçue tant son profil était inattendu au sein du groupement des 7 sept grandes puissances mondiales et tant l'Algérie ne fait pas partie du gotha des pays influents. Qu'est-ce qui a motivé son invitation ? Cette année, le G7 organisé en Italie par la Première ministre Georgia Meloni (extrême droite) a connu un format plus inclusif et élargi à des puissances émergentes comme l'Inde, les Emirats arabes unis ou encore le Brésil. Surprise de cet événement, Abdelmadjid Tebboune, le président algérien, se trouvait parmi les convives et n'a pas manqué de se faire remarquer avec ses accolades et ses regards et doigts accusateurs envers ses homologues. Son invitation a « probablement été l'une des surprises les plus importantes et les plus bienvenues de sa présidence. Cela a permis aux médias soutenus par l'État de se livrer à une orgie d'hyperboles et de propagande d'autosatisfaction », a commenté la firme de consulting stratégique et politique britannique Menas Associates. Les médias algériens n'ont pas tari d'éloges pour leur président. « La participation remarquable du président de la République reflète le retour puissant de l'Algérie sur la scène internationale », a titré la radio algérienne, ou encore « retentissant succès diplomatique », a commenté ElMoudjahid. En l'état, son invitation parmi d'autres pays n'a rien d'extraordinaire au vu des relations « amicales » entre l'Algérie et le gouvernement dirigé par Meloni depuis la guerre en Ukraine et la crise politique entre Alger et Madrid et puis entre Alger et Paris, qui a redirigé les envois de gaz algérien vers Rome. De plus, il fallait bien un pays pour représenter l'Afrique du Nord et la rive sud de la méditerranée. Mais l'invitation de dernière minute du président algérien pour le sommet qui s'est tenu le 13 et le 14 juin, ne s'arrête pas à des considérations aussi simplistes. Les raisons de son invitation, selon Menas Associates, ont une relation directe avec le président français Emmanuel Macron. Selon l'analyse de cette même source, ce serait le chef d'Etat français qui aurait insisté pour la présence de Tebboune afin d'avoir l'occasion de discuter de sujets cruciaux pour l'avenir des deux pays avant les élections législatives françaises qui doivent se tenir le 30 juin et le 7 juillet et risquent de bouleverser le paysage politique hexagonal. Les deux chefs d'Etat ne pouvaient pas discuter à une autre occasion étant donné que la visite d'Etat du président algérien en France, reportée de nombreuses fois et voulue pour couronner sa réélection en septembre, semble d'ores et déjà compromise si l'extrême droite venait à remporter des ce prochain scrutin. Selon les sources citées par le cabinet de consulting britannique, le président Emmanuel Macron aurait incité Tebboune « à user de l'influence du régime pour inciter les Algériens expatriés à user tactiquement de leur vote pour écarter l'extrême droite des prochaines élections », conscient du poids électoral des Algériens de France, première communauté étrangère du pays. Et l'Algérie, elle-même aurait tout intérêt à le faire et a déjà commencé à mobiliser ses réseaux en France pour soutenir le parti d'Emmanuel Macron dont la présidence a été marquée par une volonté de rapprochement avec l'Algérie pour parvenir à une réconciliation. La Grande Mosquée de Paris, contrôlée et financée par l'Algérie, a déjà lancé un appel aux électeurs musulmans de France pour bloquer le probable succès de l'extrême droite. Les Algériens de France, sont connus pour ne pas être très intéressés par la vie politique de leur pays de naissance ou de résidence et, l'enjeu sera de voir s'ils répondront aux appels du régime algérien. En cas de victoire de l'extrême droite, ce sont les Algériens, qui seront les premiers à subir la politique nationaliste du Rassemblement national qui voit en l'Algérie sa bête noire. La rencontre entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune aurait permis au président algérien d'obtenir quelques informations ou assurances concernant les retombées de la présence du RN au sein du prochain gouvernement français sur les relations bilatérales et la diaspora algérienne. « Si, comme prévu, le Rassemblement National (RN) prend le contrôle du gouvernement, les conséquences seront graves. En effet : elle est connue pour son hostilité à l'égard de l'Algérie ; remettra en question la visite d'État de Tebboune à Paris ; et affecter durablement les relations bilatérales déjà compliquées et difficiles », avance pour sa part Menas Associates. Pour l'Algérie, la victoire de l'extrême droite aux législatives toucherait non seulement les intérêts de sa diaspora, mais aussi les intérêts des généraux dont la fortune se trouve en France. Cela risque d'avoir de graves conséquences sur les relations franco-algériennes et sur les trois années restantes de la présidence d'Emmanuel Macron qui devrait voir ses pouvoirs diminués si le Premier ministrable devait être Jordan Bardella. Les inquiétudes des dirigeants d'Alger vont aussi du côté du Maroc et de la possible opportunité qu'il pourrait en tirer sur le plan diplomatique avec la probable reconnaissance du Sahara marocain. « L'extrême droite reconnaîtra presque certainement la revendication du Maroc sur le Sahara occidental et annulera également le traité franco-algérien clé de 1968 qui créait un statut spécial pour les ressortissants algériens en termes de circulation, de résidence et d'emploi en France », estime le cabinet de conseil. Si cela devait arriver, cela sonnerait une défaite des plus difficiles pour l'appareil algérien expansionniste qui lorgne sur les terres du Sud marocain depuis bientôt 50 ans.