Après avoir créé une crise avec le Maroc, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, s'en prend à présent à la France, précisément au président Emmanuel Macron. « C'est peut-être terminé » a-t-il déclaré en référence aux relations entre la France et l'Algérie dans une interview à un quotidien allemand. Le pouvoir militaire algérien continue de chercher des embrouilles avec ses plus proches voisins et collaborateurs. Après avoir rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc et de l'avoir accusé d'une série d'affabulations, c'est au tour de la France de faire partie de son plan. De l'autre côté, Abdelmadjid Tebboune soigne ses relations avec l'Allemagne qui a une position pro-Alger dans le dossier du Sahara. Un pays qui l'a accueilli pendant plusieurs mois pour ses soins liés au coronavirus au moment où les présidents algériens et les militaires algériens ont toujours eu leurs habitudes en France. L'Allemagne est aussi le pays qui a invité l'Algérie à la Conférence de Berlin sur la Libye pour lui permettre de marquer le « retour » de la diplomatie algérienne, au moment où le pays était totalement absent dans ce dossier. Berlin n'avait pas invité le Maroc pourtant artisan des accords de Skhirate, et a été le pays qui a convoqué une réunion d'urgence du conseil de sécurité suite à la reconnaissance des Etats-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara, d'où cette nouvelle lune de miel Alger-Berlin. Dans une interview accordée au média allemand Der Spiegle, le président algérien, a cherché à montrer son rapprochement avec l'Allemagne et sa rupture avec la France, dans une énième tentative de chantage pour obtenir des « réparations » de la colonisation française. « Les Allemands nous ont toujours traités avec respect, ils ne nous ont jamais traités avec arrogance », a-t-il déclaré. « Il n'y a jamais eu de désaccords en matière de politique étrangère », a-t-il confirmé sur leurs positions sur le dossier du Sahara, sans le nommer. Menaces contre la France Abdelmadjid Tebboune a usé d'un ton sévère, menaçant d'en finir avec les relations avec la France et de lui mettre des bâtons dans les roues, dans une tentative claire de chantage. Les deux pays traversent une mauvaise passe depuis que le rapport de l'historien français Benjamin Stora qui devait permettre une réconciliation, a été mal accueilli à Alger qui cherchait des réparations matérielles. « Non », a-t-il répondu à une question sur les perspectives d'une réconciliation. « Si les Français veulent aller au Mali ou au Niger maintenant, ils devront juste faire neuf heures de vol au lieu de quatre ». « Nous ne sommes plus obligés de coopérer les uns avec les autres, c'est peut-être terminé maintenant », a-t-il menacé, en accusant Emmanuel Macron d'avoir « porté atteinte à la dignité des Algériens » et en assurant qu'il ne fera pas « le premier pas ». « Aucun Algérien n'accepterait que je contacte ceux qui nous ont insultés », a-t-il déclaré en estimant qu'il s'agit d'un problème national. Le président français avait déclaré en septembre que « la construction de l'Algérie comme nation est un phénomène à regarder », en demandant s'il y avait une nation algérienne avant la colonisation française. « Ça, c'est la question », a-t-il dit avant d'ajouter: « Il y avait de précédentes colonisations ». Le chef d'Etat français avait également déploré que le « système politico-militaire » algérien continuait d'entretenir une « rente mémorielle » en servant à son peuple une « histoire officielle » qui « ne s'appuie pas sur des vérités ». Histoire officielle…Les mots qui ont fait mal Et c'est plus ce sujet là qui a fait mal au système algérien, puisque les colonisations antérieures à celle de la France (ayant débuté en 1830 et s'est terminée en 1962) sont des faits établis, même si le système algérien n'en parle pas et cela ne fait pas partie de l'histoire officielle servie aux Algériens. En effet, avant la colonisation française, il y avait la colonisation de l'empire ottoman de 1516 jusqu'en 1830, qui était précédée par plusieurs dynasties comme les Almohades, les Almoravides, les Zianides… En vérité, le président français a mis le doigt sur deux piliers sur lesquels la nation algérienne actuelle s'est bâtie: Une institution militaire politisée, maquillée en gouvernement civil, et un discours faussé sur l'indépendance qui place les militaires sur un piédestal et leur permet de se maintenir au pouvoir, d'où sa phrase sur la « rente mémorielle », parce qu'elle continue de profiter aux militaires. « Je n'ai pas de regrets. Macron a rouvert un vieux conflit de manière totalement inutile », a lancé Abdelmadjid Tebboune, en estimant qu'Emmanuel Macron a dit ces phrases à des fins électoralistes. « Si (le polémiste d'extrême droite Eric) Zemmour dit quelque chose comme ça, qu'importe, personne ne fait attention. Mais quand un chef d'Etat déclare que l'Algérie n'était pas une nation distincte, c'est très grave », a-t-il dit. « On ne touche pas à l'histoire d'un peuple ». En 2017 déjà lors d'une visite en Algérie, le président français avait été interpellé par une jeune Algéroise de 26 ans sur la colonisation française en Algérie et l'avait invité à regarder l'avenir et de ne plus rester prisonnier du passé. « Vous n'avez jamais connu la colonisation, qu'est-ce que vous venez m'embrouiller avec ça? Vous, votre génération, elle doit regarder l'avenir! La jeunesse algérienne, elle ne peut pas constamment regarder son passé », a-t-il répondu en décelant déjà à l'époque le discours entretenu par le pouvoir algérien auprès des jeunes. Multiplier les fronts pour faire diversion Le président algérien n'hésite pas à ouvrir chaque jour un nouveau front pour détourner l'opinion publique algérienne et la manipuler. Et c'est toujours en jouant sur le registre du mélodrame et la culture de dignité des Algériens qu'il tente de gagner le cœur des Algériens, mais aussi de légitimer la présence militaire en faisant croire que le pays est menacé, c'est ainsi que le Maroc s'est révélé être un ennemi utile pour le storytelling de l'institution militaire. Impopulaire, Abdelmadjid Tebboune, n'hésite pas à se servir de ce sentiment de fierté des Algériens ayant recouvert leur indépendance pour détourner l'attention du naufrage du pays où tous les indicateurs sont au rouge depuis son accession au pouvoir en 2019. En Algérie, plusieurs voix ont commencé à regretter l'époque d'Abdelaziz Bouteflika qui, au moins, ne connaissait pas de crises internes et externes et où les Algériens pouvaient vivre dignement. Ces dernières années, le pouvoir d'achat d'un citoyen algérien s'est considérablement amenuisé, et les prix des denrées alimentaires de base s'envolent.