Des producteurs agricoles européens, l'Association européenne FruitVegetablesEUROPE (EUCOFEL), qui rassemble des organisations du secteur des fruits et légumes de différents Etats membres de l'UE, ainsi que la Fédération Espagnole des Associations de Producteurs Exportateurs de Fruits, Légumes, Fleurs et Plantes Vivantes (FEPEX), l'Association des Organisations des Producteurs de Tomates de France (AOPn Tomates et Concombres de France), la Confédération italienne de l'agriculture (CIA) et l'Association des Producteurs de Hollande (DPA) en l'occurrence, s'acharnent contre les exportations de tomates marocaines vers le marché communautaire européen. Ils ont jeté leur dévolu sur le Maroc tant et si bien qu'ils ont adressé une lettre commune à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, mais également aux commissaires européens au commerce, Valdis Dombrovskis, à la sécurité alimentaire, Stella Kyriakides et à l'agriculture, Janusz Wojciechowski, pour exprimer leur profonde préoccupation. Ils mettent également en garde quant « aux conséquences de l'accord UE-Maroc sur les marchés des fruits et légumes et, en particulier, sur le marché de la tomate ». En outre, ils avancent qu'avec les effets cumulatifs du Brexit, les prix des tomates de l'UE ont chuté à des niveaux qui ne couvrent pas les coûts de production pour la plupart des producteurs européens, mettant en danger la production dans les régions stratégiques de l'UE. Rappelant que « les dispositions établies dans l'accord UE-Maroc, qui ont été révisées en 2014 et qui réglementent l'exportation de tomates originaires du Maroc vers l'UE, sont inefficaces ». Ils reprochent, en outre, « les mécanismes de prix d'entrée et de droits qui se sont avérés avoir des effets limités sur les volumes importés, les clauses de sauvegarde prévues dans le traité n'ont jamais été activées, malgré la forte dépréciation des prix de la tomate sur les marchés de l'UE, qui a conduit importation de 500 000 tonnes de tomates en 2020, correspondant au double du quota calculé -théoriquement- pour préserver le flux des exportations marocaines traditionnelles ». C'est toujours la même rengaine, les détracteurs de la tomate marocaine, le lobbying hispano-franco-italien-néerlandais... réclame en chœur, le changement de conditions d'accès de ce produit vers le marché européen, en visant particulièrement le Maroc. À chacune des sorties de ce groupe, c'est le même leitmotiv, « la croissance de la tomate marocaine porte préjudice au secteur communautaire européen ». Comme toujours on a proposé également de recalculer les quotas d'importation de fruits et légumes et les valeurs forfaitaires d'importation, afin de refléter la nouvelle réalité du marché, ainsi que de nouvelles dispositions visant à réduire les avantages compétitifs qui existent aujourd'hui par rapport aux modes de production au Maroc. C'est que cela leur tient à la gorge ! Car pour ce groupe et particulièrement les Espagnols, au regard des lamentations de José Maria Pozancos, le directeur de FEPEX qui déclare « il est difficile de concurrencer les productions de tomates marocaines en raison de la baisse des coûts salariaux et de l'inefficacité d'un prix d'entrée de 0,46 euro le kilo, bien inférieur aux coûts de production moyens de 0,55 euro, et qui est resté figé pendant deux décennies ». D'après le responsable, il est urgent d'établir des clauses de sauvegarde en fonction de la situation du marché. De ce côté-ci de la rive, on peut consentir à un semblant de compassion à ces jérémiades. Jugeons-en ! Produite à 1,5 million de tonnes, la tomate est le principal produit d'exportation de l'Espagne. Cette forte production est principalement menacée par les exportations massives à bas prix des tomates marocaines sur le marché européen. Sur la base de l'accord actuellement en vigueur avec l'Union européenne, le Maroc a augmenté ses exportations vers les pays de l'UE en 2020 à 518 000 tonnes contre 310 000 tonnes il y a dix ans. Les importations marocaines de tomates en Espagne sont passées de 20 000 à 77 000 tonnes au cours de la même période. Cette augmentation de la présence de la production marocaine sur les marchés communautaires s'est traduite par une baisse générale des prix et dans le cas de l'Espagne, par une baisse de 30 % des ventes, passant d'un peu plus d'un million de tonnes à 711 000 tonnes l'an dernier. Tout est dit ! Sans vouloir enfoncer le clou, l'Association agricole des jeunes agriculteurs (ASAJA) d'Almería a pleurniché dans une note dans laquelle elle souligne que « la concurrence déloyale des productions extracommunautaires » a laissé les producteurs de tomates de la province d'Almeria avec des pertes de 25 millions d'euros cette année. Ils indiquent que « la concurrence déloyale subie par les productions des pays étrangers, et notamment du Maroc », cause des pertes économiques importantes aux agriculteurs qui cultivent des tomates dans la province d'Almeria. Il faut dire aussi que le Brexit est un facteur supplémentaire qui aggrave la perturbation du marché européen. Le Royaume-Uni a été une destination importante pour plus de 50% des tomates européennes destinées à l'exportation. Tout en dénonçant « les quotas de l'accord UE-Maroc qui n'ont pas été renégociés on reproche en plus que « les tomates originaires du Maroc peuvent entrer au Royaume-Uni en franchise de droits ». Et on y ajoute que ce commerce qui contourne l'Europe et les producteurs de tomates européens confronte le lobbying de la tomate de l'UE à une réduction des exportations vers le Royaume-Uni. Parfois il est utile de savoir ce que l'on veut.