Cela fait 69 jours que le journaliste Soulaimane Raissouni est en grève de la faim au sein de la prison locale d'Oukacha à Casablanca où il est en détention préventive depuis plus d'un an, sous le chef d'inculpation d'« attentat à la pudeur et séquestration ». Son état de santé inquiète sa famille, mais aussi l'opinion publique marocaine. Cette bataille « des intestins vides » a été lancée le 8 avril dernier par l'ex-rédacteur en chef du quotidien « Akhbar Al Yaoum » pour protester « contre son arrestation arbitraire et sa détention depuis près d'un an sans procès, et en l'absence de preuves l'incriminant ». C'est ce que explique son épouse Kholoud Mokhtari sur les réseaux sociaux ou encore dans toutes ses sorties médiatiques, dont la dernière est la conférence de presse organisée à ce sujet au siège de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH) à Rabat. Selon Khadija Ryadi, l'activiste marocaine lauréate du Prix 2013 des Nations unies et membre du comité de soutien aux journalistes Omar Radi et Soulaimane Raissouni, il s'agit « d'une politique de vengeance envers les deux journalistes qui ont fait de l'excellent travail en tant que journalistes d'investigation et d'analyse politique, ce qui dérangeait certaines personnes, pour qui, ces deux journalistes doivent arrêter d'écrire et de travailler. Elles ont donc trouvé le moyen de taire leurs voix », dit-elle. La militante rappelledans une déclaration à Hespress Fr que « toutes les organisations internationales des droits de l'homme, journalistes et activistes sont unanimement d'accord que Raissouni et Radi sont incarcérés illégalement, qu'ils sont privés de leur droit à un procès équitable, mas aussi de leur droit à la présomption d'innocence qui leur a été volé « . « On n'est pas devant une justice libre et indépendante. C'est une justice aux ordres et on le voit clairement dans les procès d'Omar Radi et Soulaimane Raissouni. Normalement, ils doivent être poursuivis en état de liberté provisoire et que leur droit soit respecté en tant que citoyens marocains d'abord. On est là pour les défendre et les soutenir pas uniquement parce qu'ils sont journalistes, mais parce qu'ils sont des êtres humains« , avance la militante. Après, chaque personne a le droit de déposer plainte contre une autre personne, estime Khadija Ryadi. Cela dit, elle relève que les personnes qui ont été sujets de cette plainte, ont aussi le droit de se défendre. « Il y a des lois dans ce pays qui doivent être respectées, mais qui ne le sont pas malheureusement. Et c'est ce qui donne cette dimension politique à ces deux procès. C'est une vengeance pure et simple contre les deux journalistes. Maintenant, Soulaimane, même s'il est relâché, il sera toujours malade. Il aura des séquelles insurmontables à vie. Même s'il est libéré, ça sera difficile pour lui de mener une vie normale. Il est donc déjà victime de cette vengeance« , déplore la militante. Le fait de voir des journalistes comme Omar Radi et Soulaimane Raissouni subir cette « vengeance politique« , a créé une certaine panique dans les rangs des journalistes, qui s'auto-censurent avant même de proposer leurs sujets, de peur de subir le même sort que leurs confrères derrière les barreaux. Sur ce point, Khadija Ryadi estime que « cela fait partie des objectifs de cette répression, à savoir faire peur aux journalistes pour qu'il n' y ait plus de journalistes d'investigation et que personne ne puisse parler. On met donc un ou deux journalistes en prison, pour d'autres motifs que la liberté d'expression, pour que tout le monde ait peur et tout le monde se taise« , conclut la militante. Il convient de rappeler que le journaliste Omar Radi est accusé de « financements étrangers, d'atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat » et de « viol« . Il s'agit de deux affaires jugées conjointement par la chambre criminelle de la cour d'appel de Casablanca. Omar a toujours nié les faits qui lui sont reprochés. Sa défense a récemment demandé à ce qu'il soit remis en liberté provisoire et puisse accéder ainsi à son dossier. Mais cette requête a été encore une fois refusée. Pour le cas de Soulaiman Raissouni, il est poursuivi sous le chef d'inculpation de «viol avec violence et séquestration ». Toutes les demandes de liberté provisoire sous condition de sa défense ont été rejetées. Les militants des droits de l'Homme et les familles des deux journalistes appellent à leur poursuite en état de liberté, puisqu'ils répondent à l'ensemble des critères pour pouvoir bénéficier de cette mesure.