Un an après son élection au palais Mouradia, Abdelmadjid Tebboune affiche un bilan nul dans toutes les cases. Mise à part sa rage vis à vis du Maroc et son absence en Allemagne, les Algériens n'auront rien retenu de sa première année de mandat. Abdelmadjid Tebboune, 75 ans, vient de boucler un an au pouvoir en Algérie, mais ce pays n'aura rien vu de nouveau, rien de positif, puisqu'aucune des revendications démocratiques du peuple n'a été entendue, encore moins réalisée. A l'inverse, le pays s'est enlisé, la situation politique stagne, l'économie algérienne qui repose sur les hydrocarbures s'essouffle, et alors que Abdelmadjid Tebboune voulait sortir la carte des « reformes » sous sa présidence devant les Occidentaux, mauvaise surprise: 77% du corps électoral a rejeté le vote de l'amendement de la Constitution que lui-même n'a pas voté en raison de son hospitalisation en Allemagne pour cause de contamination au covid-19. Hospitalisé en dehors de l'Algérie depuis le 28 octobre, il a même dépassé de loin les 45 jours prévus par la Constitution. Bien sûr, ceux qui sont censés constater la vacance du pouvoir sont aux abonnés absents. Mais, ayant peur que les voix demandant son remplacement se renforcent, il est finalement apparu dimanche, dans un court message vidéo pour annoncer qu'il se donnait presque un mois de plus pour reprendre toute sa « force physique ». Il n'a pas indiqué s'il était toujours en Allemagne ou s'il était rentré au pays. Arrivé au pouvoir après une élection boudée par la majorité du peuple algérien, celui qui tel un couteau suisse a occupé durant sa carrière presque tous les portefeuilles ministériels (Habitat, Défense nationale, Commerce, Communication…), a passé sa vie autour du clan du FLN et d'Abdelaziz Bouteflika. Pourtant, il a incarné pendant de nombreuses années, l'image de l'homme politique refoulé dont le pouvoir ne voulait pas. Cette image l'a suivi depuis ce fameux épisode où il fut nommé Premier ministre en 2017, pour être remplacé, quelques mois plus tard, par Ahmed Ouyahia qui sera plus tard incarcéré dans une purge gouvernementale sans pareille en marge de la contestation populaire de 2019 qui va voir A. Tebboune devenir le président de l'Algérie. Proche du général Gaid Salah – celui qui a pris le contrôle du pays après la démission d'Abdelaziz Bouteflika sous la pression de la rue- Tebboune s'est imposé comme le dernier recours du pouvoir en place, pour continuer à faire tourner la machine. Une fois qu'il a été installé dans son fauteuil de président, sa mission terminée, Gaid Salah est subitement mort. Alors qu'il est arrivé au pouvoir en promettant de réconcilier la rue avec le pouvoir, en instaurant une réelle transition, le peuple qui a été mis devant le fait accompli malgré son boycott de la présidentielle, a continué de résister en faisant ces marches pacifiques du Hirak, toutes les semaines. Ces marches populaires et sans leader ont résonné partout dans le monde, si fort que la presse algérienne s'est vue pousser des ailes et a suivi ces manifestations à la minute près. Les journalistes algériens étaient invités sur les plateaux étrangers, et le 4ème pouvoir prenait toute sa symbolique jusqu'au jour où les journalistes, les bloggers, les leaders de l'opposition, les figures du Hirak, ont commencé à être arrêtés les uns après les autres. Le cas du journaliste Khaled Drareni qui était le correspondant de TV5 Monde en Algérie a été retentissant. Arrêté alors qu'il couvrait les manifestations du Hirak, le président Abdelmadjid Tebboune réfute que son arrestation est liée à la presse. « Aucune personne n'est incarcérée (en Algérie) pour un article qu'elle a rédigé », avait déclaré M. Tebboune, avançant que Khaled Drareni n'était pas détenteur de carte pour exercer le métier de journaliste. Pourtant, c'est bel et bien Khaled Drareni qui avait interviewé Abdelmadjid Tebboune il y a quelques années à la télévision algérienne. Outre les arrestations, les voix dissidentes, les sites d'information qui critiquent le pouvoir, ont tous subi des blocages, une censure pure et simple du pouvoir sans qu'il y ait d'explication. Et lorsque le Parlement européen a voté une résolution d'urgence dénonçant la dégradation de la situation des droits de l'Homme en Algérie en appelant à la libération de tous les détenus d'opinion, toute la classe politique algérienne a sauté au plafond en dénonçant une ingérence dans les affaires internes du pays. Pour Atmane Mazouz, secrétaire national à la communication du parti d'opposition RCD cité par le journal El Watan, l'Algérie « a connu les pires régressions » en l'espace d'une année sous Abdelmadjid Tebboune. Et la publication de souligner « le pouvoir de fait, lui, a fait emprunter au pays le sens inverse de l'histoire des développements des nations », en référence au scénario qui aurait dû se passer après cet élan populaire vers la démocratie. « Atteintes aux libertés par la criminalisation de l'action politique, instrumentalisation des appareils judiciaires et sécuritaires, faillite économique, régression sociale, et le bilan est catastrophique à tous les niveaux », énumère Atmane Mazouz. « Si le régime continue à ne pas respecter les droits de l'Homme, il aura fait le choix du chaos, qu'il assumera devant l'histoire », a pour sa part, prévenu la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH) dans son rapport annuel 2020 sur la situation des droits humains dans le pays. Au niveau économique, « la situation de notre balance commerciale est devenue une information confidentielle et le niveau de nos réserves de change est un secret bien gardé », écrit le journaliste Hassan Haddouche sur TSA, ajoutant que face à une situation financière de plus en plus tendue « une information régulière et transparente était désormais conçue par le gouvernement algérien comme un facteur de vulnérabilité à la fois interne et externe ». Le clin d'oeil aux « ennemis » est clair!. Et le journaliste d'ajouter que le gouvernement algérien affiche « un +récit économique+ politiquement compatible avec la feuille de route officielle et souvent aux antipodes de la situation économique réelle du pays ». Selon le Fonds monétaire international (FMI), l'Algérie devrait subir une récession de 5,2% en 2020 en plus d'un important déficit budgétaire. « Malgré son handicap de départ, M. Tebboune pouvait se créer une légitimité, en lançant de grands projets de renouveau politique, économique et institutionnel. Il n'a pas pu, ou su le faire. Son action n'a pas créé d'adhésion, encore moins d'enthousiasme », a estimé le journaliste et écrivain Abed Charef cité par l'Afp. « La présidence de A. Tebboune a perdu toute crédibilité. Elle devient un handicap pour le pays », a-t-il résumé.