Le déplacement forcé de près de 1500 migrants vers les villes intérieures du royaume a suscité l'indignation des associations et militants actifs dans ce domaine. 20 associations se sont alliées pour dénoncer ces déplacements et demander à ce que cela cesse ! Pis, elles évoquent même des rapatriements qui ont eu lieu ces derniers temps. Elles ont, en effet, affirmé à Hespress FR que cette opération a déjà commencé, au moment où une source officielle proche du dossier dément. Dans une déclaration exclusive à Hespress FR, Franck Namma, président de Plateforme Migrants Maroc, a indiqué que « plus d'une centaine de rapatriements ont eu lieu depuis près de deux semaines ». «On se doutait bien que tous ces déplacements forcés allaient mener vers des rapatriements», nous a confié notre interlocuteur. Pour appuyer ses dires, l'acteur associatif il affirme détenir des audios et des vidéos des migrants ayant été expulsés vers leurs pays d'origine. «Des jeunes nous disent qu'ils ont été expulsés en Côte d'Ivoire, en Guinée et d'autres pays», insiste-t-il. Plus de 100 migrants rapatriés «La semaine dernière, on a eu des retours de 40 Camerounais qui ont été rapatriés. Une semaine auparavant, une centaine d'Ivoiriens et une quarantaine de Guinéens l'ont été aussi», précise-t-il. Les migrants sont arrêtés surtout dans le nord du Maroc, à Tanger et Oujda, mais aussi à Fès et Meknès. «Ils sont arrêtés dans la rue dans la majeure partie du temps, les migrants qui mendient en l'occurrence», déclare Franck Namma. Ensuite, ajoute-t-il, ceux qui ne sont pas régularisés, sont rapatriés à partir de Casablanca. Le président de Plateforme migrants Maroc s'élève contre ces pratiques: «Le Maroc c'est l'Afrique, les Africains sont chez eux dans le royaume. Toute cette politique migratoire qui a été lancée par sa majesté, j'espère qu'elle ne va pas être déstabilisée. On y croit toujours». Même son de cloche chez l'Association marocaine des droits de l'homme (AMDH) qui confirme que les rapatriements ont déjà commencé. «Oui il y a eu des expulsions, on a les premières listes. On sait qu'une douzaine d'Ivoiriens ont été expulsés de Tanger», confie à Hespress FR, Said Tbel membre du bureau central de l'AMDH et en charge de la migration et refuge au sein de l'association. «On a en photo des billets d'avion des migrants qui ont été expulsés. L'AMDH section Nador les a partagés sur les réseaux sociaux», ajoute notre interlocuteur comme pour appuyer ses dires. Des déplacements et non des rapatriements ! Said Tbel rappelle d'autre part «l'échange entre le gouvernement marocain et un certain nombre de consulats et ambassades pour pouvoir expulser 150 personnes du Maroc». Selon l'acteur associatif, « l'OIM affirme ne pas être au courant que ces expulsions ont eu lieu ». Toutes ces affirmations sont balayées par une source officielle proche du dossier ayant requis l'anonymat, qui assure qu' »il n'y a pas eu d'expulsions du Maroc ». Elle concède toutefois qu'il y a « seulement des déplacements vers les villes intérieures du royaume ». «Ils les déplacent vers des villes plus sécurisées parce que quand ils sont au nord du Maroc, il y a une pression migratoire», précise-t-elle. Notre source justifie ces « déplacements forcés » par le fait que «les mafias» qui font la traversée clandestine mettent la vie des migrants en danger. «Pour pouvoir les intercepter et faire la traversée, les mafias donnent aux migrants des bouées pour qu'ils puissent entrer en mer. Ils sont de 12 à 14 personnes sur ces bouées qui font une largeur d'1m20», précise-t-elle. Les déplacements forcés sont faits dans des villes intérieures «pour que les migrants puissent s'installer, trouver du travail et introduire des demandes de régularisation», insiste notre interlocutrice. Les associations dénoncent les déplacements forcés et la violence qui les accompagne Ces déplacements des migrants ont fait couler beaucoup d'encre et ont fait réagir 20 associations, organisations et militants qui se sont réunis dimanche 23 septembre à Rabat « pour prendre connaissance des différents rapports et constats dressés sur le terrain depuis plusieurs semaines par les associations ». «Ces différents exposés ont malheureusement confirmé la gravité des faits imputés aux forces de l'ordre marocaines lors d'opérations de déplacements collectifs et qui sont émaillées de violence et réalisées en dehors de toute procédure légale, basées uniquement sur la couleur de la peau et la nationalité des déplacés indépendamment de leur âge, de leur sexe ou de leur situation administrative», peut-on lire dans un communiqué parvenu à Hespress FR. Les signataires condamnent «fermement ces violations commises dans une insouciance totale à l'égard de la dignité des migrants, de leurs droits et même de leur vie, et à l'égard des engagements internationaux et nationaux du Maroc et de la politique migratoire lancée en 2013 par le gouvernement marocain et restée sans réel impact». De plus, ils dénoncent le «silence complice de l'Union européenne et somment le gouvernement marocain de cesser d'induire en erreur l'opinion publique nationale et internationale en prétendant agir pour protéger les migrant(e)s des réseaux de traite des êtres humains». Et d'ajouter que les signataires du communiqué «déplorent profondément la poursuite de cette campagne sauvage de déplacements forcés et illégaux à quelques semaines de deux grands événements sur la migration à Marrakech, la signature solennelle du Pacte Mondial sur les Migrations et le Forum sur la migration et le developpement, et appellent le Maroc à assumer ses responsabilités en respectant ses engagements internationaux et nationaux en préservant les droits et la dignité des migrant(e)s sur le territoire marocain». Les pays de l'UE ne veulent pas des migrants chez eux Parmi les 20 signataires figure l'AMDH, la Plateforme migrants Maroc, l'Observatoire marocain pour l'Afrique et l'Orient, Pateras de la Vida, Forum de la femme pour le Développement et l'égalité, le Collectif des communautés subsahariennes au Maroc, la Voix des Femmes migrantes au Maroc, etc. Le président de Plateforme migrants Maroc, précise à Hespress FR que ces déplacements sont «une erreur politique du Maroc». Pour lui, il ne faut pas « se laisser emporter par la volonté des pays européens d'empêcher les migrants de rentrer sur leur territoire».