Il y a 71 ans, et plus exactement le 10 décembre 1948, la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) a été adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies. Une déclaration qui définit les droits fondamentaux de l'Homme. Le 10 décembre est donc célébré par les militants, ONG, syndicats et associations comme la journée internationale des droits de l'homme. L'occasion pour eux de dresser un bilan de leurs activités, des acquis mais aussi des défis liés à la question des droits humains. Au Maroc, l'année 2019 a connu de nombreux mouvements et manifestations pour les droits de l'Homme, relatifs notamment à la question des prisonniers politiques, l'arrestation de journalistes, mais aussi les libertés individuelles qui ont ouvert un grand débat sociétal. La question qui se pose aujourd'hui est de savoir est-ce qui a changé durant cette année ? Rien, ou « pas grand-chose », selon Khadija Ryadi, lauréate du Prix de l'ONU pour les droits de l'Homme en 2013 et ex-présidente de l'Association marocaine des droits de l'Homme (AMDH). « Depuis 2014, qui a été une année assez particulière dans le contexte marocain dans ce domaine, notamment le tournant dans la politique marocaine vis-à-vis des droits humains et surtout des libertés, la situation a régressé et s'est accentuée même, en particulier par rapport aux libertés (liberté d'association, de manifestation, de réunion… etc) », a indiqué la militante à Hespress Fr. « Les libertés et les droits de l'homme ont été bafoués de manière systématique », insiste-t-elle, citant à titre d'exemple la violation du Dahir du 15 novembre 1958 (Dahir n°1-58-376 du Joumada I 1378) réglementant le droit d'association, de la part des autorités. Indicateurs au rouge Pour elle, « les récépissés qui ne sont pas délivrés aux associations, syndicats et organisations au moment du dépôt d'un dossier dans une préfecture ou un arrondissement, est aberrant et constitue une violation des lois ». « Malheureusement, on n'a pas le droit d'organiser des événements, d'agir en tant qu'association en tant que syndicat » ajoute-t-elle, soulignant qu'aujourd'hui « plusieurs indicateurs sont au rouge notamment au niveau de l'enseignement, la santé, la justice, la sécurité et la liberté de la presse ». Sur la question de la liberté de la presse, Khadija Ryadi est revenue sur le cas des « journalistes qui sont toujours derrière les barreaux », mais aussi les « centaines de prisonniers politiques, si on compte tous les détenus des différents Hirak, les islamistes qui sont toujours en prison depuis 2003-2004, à l'époque des attentats terroristes qui ont eu lieu au Maroc, et la liste est longue ». Face à cette situation qu'elle qualifie de « dégradée« , notre interlocutrice estime que cela est dû à « l'absence de volonté politique en ce qui concerne l'amélioration la situation des droits de l'homme et du respect des lois ». Absence de volonté politique « Tout d'abord c'est une question de respect des lois que les autorités marocaines ont elles-mêmes mises en place. Ce n'est pas une revendication qui concerne le respect des lois internationales, mais on réclame d'abord le respect des lois nationales qui sont bafouées chaque jour. Y compris la constitution dont on ressent l'absence parce qu'elle est mise de côté. Il y a aussi les recommandations de l'instance équité et réconciliation (IER) qui ne sont pas prises en compte. Le plan d'action pour les droits humains mis en place par Mustapha Ramid, et qui parle de problèmes conflictuels et de discorde dans la société. Il parle de la peine de mort, alors même que l'Etat s'était engagé à ratifier les conventions concernant la peine capitale», a-t-elle martelé. Au niveau de la justice, Khadija Ryadi a indiqué qu'il y a « des milliers de décisions judiciaires qui ne sont pas exécutées et cela va à l'encontre de l'Etat de droits et de la démocratie et de la logique même, parce qu'on se demande pourquoi la justice existe si les décisions ne sont pas appliquées. Et là aujourd'hui, on est en train de sortir des lois comme l'article 9 du PLF2019, qui est sujet de débat, de critique et de protestation même. Ils veulent mettre en place une loi qui va légitimer cette situation de non-respect des décisions de justice. Par la loi, l'administration sera autorisée à ne pas appliquer les lois de la justice. C'est un aspect de la régression et c'est catastrophique ». De même, notre interlocutrice souligne que la journée internationale des droits de l'homme est l'occasion aussi pour les militants de tirer la sonnette d'alarme pour l'Etat et les autorités en leur disant « attention vous allez droit dans le mur ». Parce que, d'après Khadija Ryadi « faire des discours qui ne sont pas pris en compte et mettre en place des lois qui ne sont pas appliquées ça met le pays en danger. Et ça, c'est l'occasion pour crier ce fait haut et fort. Et comme cette journée est internationale, c'est aussi l'occasion de débattre, de discuter, de voir un peu les expériences internationales, échanger au sein de nos réseaux nationaux et régionaux. Il y a beaucoup de communiqués et de rapports qui sont publiés ce qui permet de faire une évaluation collective au niveau des droits humains, aux plans régional et international».