Le PJD a tenu coûte que coûte à diriger le ministère de la Justice, confié au tonitruant Mustapha Ramid. Une obsession qui semble exprimer la ferme volonté du parti de Benkirane de rendre la Justice véritablement indépendante. Mais y arrivera-t-il ? Les militants des droits de l'Homme sont les premiers à être sceptiques. Le gouvernement Benkirane, avec son «ministère de la Justice et des Libertés» dirigé par Mustapha Ramid, permettra-t-il au Maroc de disposer enfin d'une Justice indépendante ? «Il y a de nouvelles dispositions constitutionnelles claires. Si elles sont appliquées, nous pouvons espérer parvenir à une indépendance de la Justice». Réponse d'Amina Bouayach, présidente de l'organisation marocaine des droits de l'Homme (OMDH). La même question posée à Khadija Ryadi de l'AMDH (Association marocaine de défense des droits humains), permet de mesurer les deux mondes qui séparent les militants marocains des droits de l'Homme : «Non, du tout. L'indépendance de la Justice ne dépend pas du gouvernement car la constitution ne le permet pas. Les pouvoirs sont encore entre les mains du roi. La seule chose que le ministre peut faire c'est d'entreprendre des réformes pour lutter contre la corruption et régler certains dossiers. Même cela suppose un gouvernement fort». Si à l'OMDH, on «attend la déclaration de politique général du gouvernement pour juger», à l'AMDH, les limites de ce premier cabinet post-référendaire sont déjà évoquées. Toutefois, les deux structures se rejoignent sur un point : «l'urgence» de tirer au clair certains gros dossiers. A commencer par celui des «prisonniers politiques». Amina Bouayach cite spontanément le cas de «personnes arrêtées et condamnées dans le cadre des mouvements de protestations». A savoir, selon Khadija Ryadi, «le rappeur Lhaqed et les militants des droits de l'Homme» entre autres. «Leur libération doit se faire dans l'immédiat. C'est juste une décision politique». «Le dernier mot au roi» Autre dossier test pour Ramid, celui des détenus salafistes qu'il a défendu en tant qu'avocat. «Ce dossier doit être revu dans le cadre d'un dialogue politique» conseille Bouayach alors que Ryadi, à l'instar de Benkirane, égrène son chapelet… «d'atteintes aux droits humains» et cite les cas du boxeur Zakaria Moumni, des tortures dans les prisons, et appelle à l'ouverture d'enquêtes, notamment sur «le dernier rapport de la Cour des comptes portant sur la dilapidation de deniers publics». Elle espère également beaucoup plus «de procès équitables» dans les tribunaux marocains. Sur ce dernier point, le nouveau garde des sceaux assure vouloir donner aux magistrats «tous les moyens» pour garantir aux procédures «le plus haut niveau d'intégrité». Quant aux autres «gros dossiers», y compris celui de Rachid Niny, Ramid est conscient de ses limites : «Nous avons notre idée (sur la façon de traiter ces questions) mais nous devons aussi tenir compte des contraintes institutionnelles. Le gouvernement ne peut pas intervenir dans le domaine judiciaire (...) qui relève d'une institution indépendante». Par conséquent, «Le seul moyen (...), c'est la grâce royale. Nous allons donc déployer nos efforts (...) pour tenter de régler ce problème. En fin de compte, ce n'est pas à nous de décider, c'est au roi de prendre une décision», se rend-il compte. Concernant la presse, l'ex président de la Commission de la justice et des droits de l'Homme au parlement et avocat de Rachid de Niny promet de « travailler avec [son] collègue le ministre de la Communication pour rédiger une nouvelle loi sur la presse afin de mettre un terme aux détentions (de journalistes)». Pour quand ? Ramid refuse de fixer un calendrier. Car là aussi, «la question est complexe, bien plus que certains peuvent l'imaginer».