S'étalant sur six jours, l'élection présidentielle algérienne à l'étranger qui commence avant le début officiel dans le pays, a fait beaucoup plus de bruit qu'elle n'aura attiré de foules voulant s'acquitter de leur devoir électoral. Ce scrutin poussif organisé dans la catastrophe aura surtout valeur de test pour le 12 décembre, et le résultat, à en croire les événements à l'étranger, risque d'être une vraie claque pour le pouvoir avec à sa tête, le gardien de la geôle, Ahmed Gaid Salah. Que ce soit à l'intérieur du pays ou à l'extérieur, les tenants et représentants du pouvoir algérien s'imposent des œillères sur la situation et veulent les imposer au reste du monde, pensant ainsi tromper la galerie. Mais la réalité est tout autre. La preuve, ce weekend, alors que devait débuter l'opération de vote pour départager les 5 candidats au Palais Mouradia, les Algériens ont surtout afflué pour faire part de leur boycott. A la télévision algérienne d'Etat, L'ENTV, les images étaient sans appel pendant le JT de 20 heures, la chaîne a diffusé les témoignages de quelques électeurs à l'étranger, mais n'a pas montré les queues d'électeurs devant les bureaux de vote, simplement parce qu'il n'y avait personne pour voter. A Lyon par exemple, les quelques électeurs venus voter ont été accueillis à la sortie du consulat par des plateaux de « cachir », ce saucisson de volaille devenu symbole des manifestations contre le 5ème mandat de Bouteflika après que des sandwichs au « cachir » et quelques billets aient été distribués pour attirer les badauds aux meetings de campagne. Rejet en bloc Partout en Europe, les Algériens sont venus manifester contre la tenue de ce scrutin qui ne représente pas à leurs yeux une sortie de crise crédible. Les bureaux de vote installés dans les différentes représentations consulaires du pays, quelques 60 centres et 395 bureaux de vote au total répartis sur 8 zones géographiques, ont surtout été le théâtre de manifestations anti-élections et ont été désertés par les électeurs alors qu'il s'agissait des premiers jours de vote, les jours qui connaissent normalement un afflux d'électeurs. La mobilisation contre la tenue des élections était telle que l'Anie, l'autorité chargée d'assurer un scrutin transparent, a dû sortir de son silence. « Les parties qui tentent de perturber l'opération électorale au niveau des bureaux de vote de certains consulats à l'étranger doivent respecter l'opinion de l'autre et bannir le recours à la violence« , a ainsi déclaré le responsable de la communication de l'Anie, Ali Draâ, à la presse. « Vous êtes dans des démocraties. Vous avez le droit de boycotter l'élection présidentielle mais vous n'avez pas le droit de recourir à la violence ou de faire usage de la force contre un autre citoyen qui veut se rendre aux urnes », a-t-il poursuivi. Pour conclure: « Tenter d'imposer son opinion par la force est inadmissible et totalement injustifié moralement, démocratiquement et civilisationnellement« . Zéro chiffres Cependant, lorsqu'il a fallu parler de chiffres et communiquer les taux de participation, ne serait-ce que des chiffres préliminaires, l'Anie n'a pas su répondre. « Il est trop tôt pour avancer un chiffre sachant que l'opération s'étalera sur six 6 jours« , s'est contenté de dire le représentant de l'Autorité nationale indépendante des élections. « C'est pourquoi il est prématuré d'avancer des chiffres », a-t-il dit. Dimanche, Ali Draâ, a qualifié d' « acceptable », le taux de participation de la communauté nationale à l'étranger, cela en dépit de « pressions et d'actes de violence enregistrés dans quelques bureaux », ajoutant que ce taux « est en hausse au fil du temps », rapporte l'agence officielle algérienne APS. Des déclarations qui semblent complètement déconnectées de la réalité, comme celles du président de l'Anie, Mohamed Charfi, qui s'exprimait jeudi dernier sur la chaîne saoudienne Al Hadath. Ce dernier avait affirmé que les marches en faveur de la présidentielle était supérieur à celui des marcheurs qui participent aux manifestations du Hirak. On se rappelle en ce sens, du discours hors du temps d'Ahmed Gaid Salah qui avait affirmé de son côté que les Algériens qui battaient le pavé tous les mardis et vendredis depuis février par milliers pour dénoncer le système venaient en réalité manifester leur adhésion à la présidentielle du 12 décembre… Faut-il rappeler l'autre son de cloche, cette fois du chef de l'Etat par intérim Abdelkader Bensalah qui avait déclaré lors d'une réunion Algérie-Russie pendant le sommet Afrique-Russie devant le président Vladimir Poutine « si j'ai demandé à vous rencontrer, c'est parce que je voulais vous rassurer sur la situation en Algérie qui est sous contrôle », affirmant que les médias « exagèrent ». Il avait toutefois concédé l'existence de seulement « quelques éléments qui sortent dans la rue chaque semaine pour scander des slogans ».