A Casablanca, l'ancien bidonville de Derb Ghallef s'est transformé en une décharge à ciel ouvert. Odeur nauséabonde, rats, montagnes de déchets ménagers... les riverains et les commerçants du quartier voient rouge. Ils ne supportent plus de vivre à deux pas du «danger». Reportage. C'est décidément un quartier destiné à rester dans l'illégalité. L'ancien quartier informel de Derb Ghallef, qui abritait pas moins de 450 maisons insalubres, devient une décharge informelle à ciel ouvert. Les ménages délogés ont bénéficié de lots de terrain collectifs, équipés et aménagés, d'une superficie de 80 m2 à la commune de Lahraouiyine. Et à leur place, des gravats, des déchets ménagers, des rats et des pique-bœufs y ont élu domicile, au point de bloquer le passage. Un bidonville, puis une poubelle «J'ai perdu la quasi-totalité de mes clients. Ils sont à chaque fois dégoutés de voir des rats courir partout ainsi que de l'odeur qui empeste surtout lorsqu'il fait chaud. Avec les commerçants du marché, nous nous sommes plaint à maintes reprises auprès des autorités concernées, mais en vain», lance un commerçant, en secouant la boue mélangée aux ordures de ses sandales. Pour lui, si les clients ont fui l'endroit, c'est qu'ils doutent désormais de l'hygiène des produits vendus au marché. Un autre commerçant, lui aussi à bout de nerfs, explique : «Lorsque les gens habitaient ici, même dans l'illégalité, ils étaient propres et nous avions moins peur pour notre santé. Je ne dis par là qu'il faut régler l'informel par l'informel, mais c'est ce qui est tout de même en train de se passer. Autant garder la ville propre». Ce n'est malheureusement pas le seul endroit à s'être dégradé ainsi. Au cours des derniers mois, la métropole s'est noyée plus qu'une fois sous les déchets transformant la ville blanche en poubelle géante. En plus des déchets ménagers, industriels et agricoles, des débris d'un bâtiment qu'on a démoli, ou déchets de matériaux d'une construction que l'on vient d'achever, aussi appelés gravats s'accumulent dans presque tous les recoins de la ville. La raison est simple: les deux sociétés délégataires de la propreté urbaine de la ville, à savoir ARMA et AVERDA, se disent irresponsables des déchets inertes. Au sens de la réglementation marocaine relative à la gestion des déchets, la typologie la plus simple caractérise les déchets en fonction de leur dangerosité et de leur impact potentiel sur la santé et l'environnement. La législation a retenu le terme générique de «dangereux» en répertoriant sur une liste communautaire (susceptible d'évoluer en fonction des connaissances), les déchets présentant des caractéristiques reconnues comme dangereuses : explosif, toxique, inflammable, pouvant émettre des substances nocives, etc. A l'opposé, les déchets inertes n'évoluent pas dans le temps et ne présentent pas de danger pour l'homme ni de risque de pollution. Bien entendu, un déchet biodégradable n'est pas inerte, en raison même de son évolutivité biologique. Inerte n'est pas équivalent à «non dangereux». Pendant longtemps, les déchets de démolition furent considérés comme inertes dans la mesure où les priorités des collectivités étaient autres. A qui la responsabilité ? En réalité, ces déchets peuvent contenir du plâtre, matériau qui réagit à l'humidité, du bois ou d'autres matériaux évolutifs ou nocifs telles que certaines peintures. C'est ainsi que dans leur globalité les déchets de démolition ne sont pas nécessairement inertes et doivent être triés pour en extraire les matériaux qui le sont vraiment. « Dans les grandes décharges illégales de Casablanca, il est souvent question du problème de recyclage car les déchets sont mélangés. Et en plus de cela, prendre en charge ces déchets et les recycler coûterait très cher à la commune», avance Ahmed Afilal, adjoint au maire, chargé de la propreté. «Sur le papier, aucune entité n'est complètement responsable de la collecte des gravats. Ni les entreprises de construction ni la Ville. Car aucune clause ne définit cela. Mais la commune assumera tout de même sa responsabilité», poursuit Ahmed Afilal. En effet, un cahier des charges avait été élaboré stipulant que selon les modalités de la décision fiscale, le demandeur d'un permis de construire, de démolition, de réparation ou de rénovation devait s'acquitter de l'obligation de collecte et de transport des déchets inertes. Ainsi, le propriétaire du permis devait payer un montant de 20 dirhams par m3 en cas de demande de permis de construire, contre 120 dirhams par tonne s'il obtenait un permis de démolition, alors que 30 dirhams par m3 seraient exigés en cas de demande de permis de rénovation. Quant au demandeur d'une licence pour effectuer des rénovations mineures, il devait obligatoirement s'acquitter de 500 dirhams. «La loi est toujours la même pour les particuliers», affirme notre source. «Seulement les entreprises en question, ont trouvé la redevance très chère. Aucun décret fiscal n'a donc été adopté. Nous sommes en train de chercher un terrain d'entente afin de pouvoir avancer. Nous pensons la baisser à 8 dirhams le m3 et allons lancer dans les jours à venir un appel d'offre pour que d'autres sociétés apportent leur aide», révèle l'adjoint au maire de Casablanca.