La politique de restriction des visas adoptée par la France n'a jamais atteint ces niveaux. Près de 70% des demandes de visa en provenance du Maroc sont rejetées par les autorités consulaires françaises sans justification claire, attisant à la fois la colère des demandeurs et de la société civile. C'est une première. La Fédération marocaine des droits du consommateur (FMDC) a adressé une lettre à l'ambassade de France. «Les restitutions d'octroi de ce document ont été imposées par le gouvernement français sans avoir informé le consommateur demandeur de visa sur les nouvelles modalités de délivrance (droit à l'information). En outre, la société intermédiaire entre le consulat et le demandeur n'a pas l'autorité légale de détenir les données personnelles de ce dernier (loi 08-09)», écrit dans sa lettre Dr. Bouazza Kherrati, président de la FMDC. Un service refusé mais payé Ce sont à la fois la concentration des demandes de visas ainsi que le nombre de refus opposés par les services consulaires qui ont fait paraitre au grand jour les différends diplomatiques entre les deux pays. Et c'est le consommateur marocain qui en paie les pots cassés. Selon les données du ministère français de l'Intérieur, environ 69.408 demandes marocaines seulement ont été acceptées en 2021, contre 98.000 en 2020, 346.000 en 2019, 303.000 en 2018 et 295.000 en 2017. «Il est indéniable et illogique que des cadres, des médecins, qui souhaitent participer à des congrès, se voient refuser leurs demandes de visa sans aucune justification. La France n'informe même pas les citoyens souhaitant avoir un visa sur ses quotas, ses conditions, etc. et justifie rarement ses refus. Ce qui est en contradiction avec les lignes directrices des Nations Unies en matière de protection du consommateur», martèle Dr. Bouazza Kherrati. Lire aussi. Visas Schengen: les intermédiaires font main basse sur les rendez-vous Pour le président de la FMDC, il faut d'abord informer le consommateur puis justifier et restituer les frais de visa lorsque le service est refusé ou inachevé. Il ajoute que les frais de traitement du service peuvent être déduits de la part de l'ambassade, à condition de le mentionner et d'en informer le consommateur marocain. «Je paie un produit, si je ne l'ai pas, il faut me restituer les frais, surtout si ce n'est pas moi qui ai refusé de l'avoir mais plutôt le pays en question», renchérit-il. Des données personnelles peu protégées Autre point très important, les données personnelles des Marocains sont utilisées par une société qui n'a pas le droit de les avoir. Car rappelons-le, il y a un peu moins de sept ans, lesdites informations n'étaient envoyées qu'aux ambassades. En 2014, TLS Contact a remporté le contrat pour la gestion des demandes de visa britannique en Europe, en Russie, dans la Communauté d'Etats indépendants (CEI), au Moyen-Orient, au Maghreb et en Afrique subsaharienne. Aujourd'hui, la société gère quelque 150 centres de visas dans le monde entier pour le compte du Royaume-Uni, de la France et d'autres gouvernements de l'espace de Schengen et au-delà. «Nous donnons notre relevé bancaire, nos pièces d'identité (passeport, CIN), notre adresse, etc. à une société qui n'a pas le droit de les détenir. Ce n'est pas une autorité légale. Je peux les donner à l'ambassade de France, mais pas à une société tierce qui a été désignée par ladite ambassade. Pire. Ce sont des frais en plus pour le consommateur, dépassé par la situation», s'indigne Dr. Bouazza Kherrati. Lire aussi. Visa Schengen: 27,6% des demandes rejetées au Maroc en 2021 Il est à noter que les frais de service de base d'un visa de court séjour pour la France (sans les prestations de service des intermédiaires) sont fixés par le Consulat français en euros et sont adressés à TLS. Ils s'élèvent à environ 258 dirhams (20 euros) par dossier déposé et ne sont pas remboursables, sauf si le demandeur décide de ne pas déposer son dossier avant la collecte des données biométriques. Suite à l'entrée en vigueur du nouveau Code communautaire des visas en février 2020, les frais de visas court séjour (moins de 3 mois) sont passés de 60 à 80 euros (et de 35 à 40 euros pour les enfants de 6 à 12 ans). «Nous avons saisi l'ambassade de France. Si le pays garde le silence, nous allons recourir à un avocat et entamer une procédure judiciaire internationale. Arrêtons d'exploiter le consommateur marocain!», menace le président de la FMDC.