En dézinguant un à un ses adversaires politiques samedi devant la jeunesse du PJD, l'ancien SG du parti islamiste et actuellement simple membre du conseil national tente-t-il un retour? Ses répliques mordantes étaient-elles calculées ou était-ce une improvisation? Réponses des politologues. «Bien que Benkirane n'a plus de fonction officielle, il exerce la politique à sa manière sans statut formel, convaincu que ce n'est pas la fonction qui fait l'homme mais le contraire. Il déploie ainsi son l'influence, mobilise les troupes et veut peser sur les choix politiques», estime le politologue Aziz Chahir, auteur du livre Qui gouverne le Maroc. Selon ce politologue, Benkirane veut s'accaparer un espace public inoccupé, un espace laissé vide par la démission des Oulémas, et d'une classe politique en déconfiture toutes tendances confondues. C'est dans ce sens qu'il s'est attaqué au RNI et à l'USFP, acteurs principaux du blocage gouvernemental qui a fait abstraction des urnes pour évincer Benkirane. Il s'est attaqué à l'entourage royal symbolisé par le Makhzen. Il a pris pour cible le mariage «de l'argent et de l'autorité». «Benkirane rend service à la monarchie» Benkirane a utilisé un discours politique très sophistiqué en commençant son allocution en s'inscrivant dans la culture de la cour, explique cet universitaire. «C'est-à-dire qu'avant de fouler le sol du palais, il a prêté allégeance à la monarchie. Mais il a par la suite apporté une nuance très subtile en affirmant que son parti est monarchiste mais pas makhzenien», ajoute Chahir. Le politologue relève ainsi que la manœuvre de Benkirane consiste à, d'un côté, affirmer à l'opinion publique et aux acteurs politiques que le PJD est un parti islamiste légaliste attaché à la monarchie comme le garant de la stabilité de la nation. Et de l'autre côté, crucifier, isoler les détracteurs de Benkirane et de son parti en réduisant leur force de frappe en les qualifiant de Makhzaniens, ce versant sécuritaire d'agent d'autorité de la monarchie. «Benkirane fait une dissociation entre les monarchistes, pour dire qu'il y a une possibilité de réinventer la monarchie, de la dissocier d'un corps parasitaire renvoyé par l'entourage royal», souligne Chahir. Selon ce chercheur, Benkirane rend ainsi un service à la monarchie, «parce que cette dernière a tout intérêt à avoir une classe politique forte. Mais cela, l'entourage royal dans toutes ses équations le néglige. Parce que si on laisse le makhzen seul face au mécontentement des populations, c'est le début de l'implosion sociale», conclut l'universitaire. Benkirane veut ainsi redistribuer les cartes Même lecture pour Omar Cherkaoui, politologue pour qui Benkirane est l'un des rares politiques qui savent quand, où et comment envoyer ses messages politiques. «Benkirane est conscient que s'attaquer à Akhannouch peut mettre en crise le gouvernement, et même le faire dissoudre, conduire à des élections anticipées. Il veut ainsi redistribuer les cartes, pour revenir au-devant de la scène sans passer par le parti, dont le secrétaire général actuel ne dispose d'aucune autorité pour stopper les élans de Benkirane», explique Omar Cherkaoui. «La sortie de Benkirane s'inscrit dans son refus continu d'être mis à la retraite politique forcée et vise à mettre dans l'embarras l'alliance gouvernementale. A cet effet, Benkirane après avoir été obligé de bannir de son vocabulaire le «Tahakoum» (l'autoritarisme), il a eu recours à une nouvelle recette visant à prendre pour cible la collusion entre l'autorité et l'argent en allusion à Akhannouch», analyse Cherkaoui.