L'affaire Hajar Raissouni continue à faire du bruit. Politiques, féministes, acteurs associatifs et intellectuels... réagissent dans des déclarations à 2m.ma après la condamnation à la prison ferme de la journaliste au quotidien arabophone Akhbar Alyaoum, son fiancé et Docteur Mohamed Jamal Belkziz, pour affaire "d'avortement illégal" et "relation sexuelle hors-mariage". Déclarations. Aicha Chenna, militante et Présidente de l'association Solidarité Féminine J'ai envie de serrer Hajar très fort dans mes bras et lui dire: "Courage ma fille!". Je suis triste pour le lynchage médiatique dont elle a été victime, comment pourra-t-elle vivre après tout ce qu'elle a subit sur les média ? Des médias qui n'ont pas respecté le secret professionnel et qui n'ont également pas respecté sa vie privé de femme. On connait très bien notre société, être femme au Maroc et en plus subir de telles agressions est la pire des choses que peut vivre une jeune fille comme Hajar. Je n'ai jamais été pour l'avortement, mais j'appelle à un débat ouvert et je serais pour tous les changements qui seront acceptés par tout le monde. Je suis peut-être vieux jeu par rapport à l'évolution des choses, mais sur cette question d'avortement, j'ai toujours insisté sur la prévention et l'éducation sexuelle, au delà de l'affaire de Hajar. Mehdi Bensaid, dirigeant au Parti Authenticité et Modernité (PAM) Il s'agit d'une décision de justice qui ne fait que respecter la loi existante. Aujourd'hui, le problème est dans la loi. Oui il faut aller étape par étape, mais il faut y aller déjà et lancé une révision courageuse du Code pénal. La question dépasse les idéologies et concerne la vie des Marocains, des jeunes sont arrêtés chaque jour pour les mêmes motifs. C'est un long combat, un combat politique qu'il faut mener, malgré tous ce qu'on peut reprocher à cette démocratie marocaine, au sein des institutions. Bien évidemment, il faut accompagner la société, nous ne sommes pas l'Europe, nous avons nos traditions et notre culture, mais cela ne veut pas dire que la société n'a pas évolué. Nouzha Skalli, ex-ministre de Développement social, de la Famille et de la Solidarité La nouvelle de cette condamnation est consternante et son impact négatif sur le moral et la confiance des jeunes marocaines et marocains est considérable ! Ce jugement traduit le contenu obsolète, moyenâgeux et hypocrite de notre législation en matière de relation sexuelles hors mariage et de son corollaire l'avortement et s'inscrit en contradiction avec la réalité de notre jeunesse et les évolutions sociologique, démographique et culturelle dans notre pays. La responsabilité en incombe au gouvernement, au parlement et à la classe politique qui se sont montrés sourds aux multiples appels de la société pour mettre notre législation en adéquation avec des valeurs et engagements qui figurent noir sur blanc sur le texte de la Constitution, en matière de libertés individuelles et de respect de la vie privée. Le Gouvernement et le Parlement n'ont pas exécuté les instructions de Sa Majesté le Roi qui a appelé à faire de la question de l'avortement une question purement médicale et qui a rendu son arbitrage il y a maintenant plus de quatre ans. Le maintien de cette législation dépassée aussi bien en matière de relations sexuelles hors mariage qu'en matière d'avortement ne fait que jeter des milliers de nos jeunes dans la situation d'hors la loi ! Quoi d'étonnant à ce qu'une grande partie de nos jeunes filles et garçons ne rêve plus que de rejoindre d'autres cieux pour respirer le vent de la liberté qui est à l'être humain aussi indispensable que l'air !" Amina Maelainine, députée parlementaire du Parti de la Justice et du Développement (PJD) Le jugement du tribunal était lourd, dure et inattendu. Aucune accusation n'a été prouvée juridiquement par le tribunal. Le jugement était inattendu également d'un point de vue politique, face à la mobilisation unanime et solidarité générale, sans exceptions avec les accusés. J'espère que le jugement sera annulé en deuxième instance. Avant le changement du Code pénal, il faut déjà respecter les lois et procédures actuelles. Il faut assurer les conditions politiques et démocratiques pour garantir le respect des lois. Le combat inversé ne mènera à rien à mon avis. Mehdi Mezouari, membre du bureau politique de l'Union socialiste des forces populaires (USFP) J'exprime une grande solidarité et un sentiment d'amertume, pas seulement par rapport à ce qu'a vécu la journaliste Hajar Raissouni, mais également pour toutes les femmes qui sont passées par là. C'est bien dommage que l'on ne puisse en débattre qu'après l'incident survenu pour la jeune journaliste, alors que le problème touche beaucoup de jeunes filles au Maroc. Nous avons besoin de courage pour arrêter cette schizophrénie réglementaire dépendante d'une loi coloniale. On a déjà ouvert un débat, l'USFP était derrière un grand nombre d'actions militantes dans ce sens. C'est un message pour le législateur, aux partis politiques, et la société civile, on doit discuter de l'avortement, surtout qu'il y a eu auparavant, une commission de haut niveau et avait émis un avis intéressant et dont il faut donc avancer si l'on veut vraiment instaurer une société moderne et démocratique. Je réitère ma solidarité avec Hajar et toutes les femmes victimes de ce Code pénal. Mohammed Abdelouahab Rafiqui, intellectuel, chercheur en études islamiques En dépit des circonstances de l'affaire, le jugement était dure et douloureux. J'espérais un effort de la part du tribunal et une certaine souplesse. Ces jugements, même en présence des lois, ternissent l'image d'un Maroc moderne. Il est temps de défendre le principe des libertés individuelles et donner les gens le droit de la liberté corporelle. La vie privé des gens ne concernent en aucun cas les idéologies. Même si le jugement était dure contre Hajar Raissouni et les autres accusés, mais il est une occasion pour réclamer très fort l'abrogation de ces lois obsolètes, utilisées et instrumentalisées d'une mauvaise manière dans certains cas".