L'affaire Hajar Raissouni continue de susciter de vives réactions au sein de la société marocaine. Le CNDH comme les féministes condamnent les atteintes à la vie privée des prévenus et appelle à une réforme du Code pénal. Son procès est reporté au 16 septembre. Le procès de Hajar Raissouni et les autres accusés dans ce dossier a démarré dans une ambiance tendue. À l'entrée du Tribunal de première instance (TPI) de Rabat, un sit-in de solidarité a été organisé à l'initiative de plusieurs personnalités de la société civile et des organisations féministes et de défense des droits humains. La première audience a été marquée par les requêtes de la défense, notamment la demande de la libération conditionnelle pour les prévenus. Une requête qui a reçu le soutien du Conseil national des droits de l'homme (CNDH) et de nombreuses organisations nationales et internationales (Human Right Watch notamment). Le procès a été reporté au 16 septembre. Le CNDH défend les libertés individuelles «C'est avec intérêt que le CNDH suit le débat sur les libertés individuelles et la question de l'interruption volontaire de la grossesse qu'a pu susciter, parmi nos concitoyens, l'arrestation de Madame Hajar Raissouni», indique un communiqué du CNDH. Et d'ajouter : «Le Conseil a pris connaissance des réflexions et positions de l'opinion publique concernant la question des libertés individuelles et de la vie privée et condamne, par la même occasion, les attaques et insultes, de nature discriminatoire, proférées par certains contre la personne concernée». Sur le fonds de l'affaire, le CNDH prend une position en faveur de libération de la jeune journaliste et de son fiancé : «En espérant que la mise en liberté de Madame Hajar Raissouni et de M. Refaat Amin pourra se faire de manière prompte, le CNDH s'attend à ce que les débats et les expressions publiques puissent constituer un tournant mettant fin à l'hésitation des acteurs politiques quant à l'harmonisation du cadre législatif de notre pays avec les dispositions de sa Constitution et les instruments internationaux ratifiés par le Maroc et l'adaptation de ce cadre avec les pratiques sociétales». L'institution nationale en charge du suivi et de la veille sur les questions des droits humains annonce qu'elle «présentera, au cours des jours à venir ses recommandations d'amendement du Code pénal en cours de discussion au sein de la Commission de la législation et des droits de l'homme de la Chambre des représentants». Le CNDH se dit «rassuré de pouvoir compter sur le soutien et l'appui des citoyens à ses recommandations relatives à la protection des libertés individuelles et de la vie privée et ceci dans le respect, entre autres, des dispositions constitutionnelles concernant la garantie des droits et libertés fondamentaux, notamment le paragraphe 1er de l'article 24 et les instruments internationaux ratifiés par le Maroc». Des positions qui rejoignent les positions de la société civile sur ce dossier. L'ADFM appelle à une réforme du Code pénal Dans un communiqué, l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) appelle à «poursuivre et inculper les articles 449 à 458 et 490 à 493 du Code pénal !». Cette association ainsi que le collectif Printemps de la dignité revendiquent la réforme de ce texte juridique. «Cette refonte devra, entre autres, garantir de manière effective le droit à la pleine citoyenneté et les libertés individuelles des femmes et des hommes, ceci par la dépénalisation des relations sexuelles consenties entre adultes en abrogeant les articles 490 à 493 du Code pénal». Au sujet de la réforme en cours des dispositions du Code pénal relatives à l'Interruption volontaire de la grossesse (IVG), l'ADFM rappelle ses revendications. «Il faut un transfert de ces dispositions au Code de la santé, conformément d'une part aux recommandations de l'OMS en matière de santé reproductive et à celles du Comité des droits de l'enfant et de la Déclaration de Beijing qui soulignent que les femmes doivent jouir de tous leurs droits y compris de celui de décider de leur grossesse». Rappelons que le Maroc est signataire de la Déclaration de Beijing. À ce propos, l'ADFM insiste pour «une révision globale» du projet de loi 10.16 modifiant et complétant le Code pénal, actuellement à l'étude au Parlement. Une demande motivée par les raisons suivantes : «Malgré le fait que l'avortement constitue un problème de santé publique ayant fait l'objet d'un débat national mené il y a plus de 4 ans, la mouture actuelle des articles s'y afférents est extrêmement restrictive et incapable d'apporter des réponses effectives aux problèmes posés par ce phénomène eu égard à son ampleur dans notre pays». Rappelons que notre consœur Hajar Raissouni, journaliste au quotidien Akhbar Al Yaoum a été arrêtée le 31 août dernier accompagnée de son financé, d'un gynécologue et de son équipe. Ils sont poursuivis pour «débauche», «avortement» et «participation à l'avortement».