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Entretien : «Il faut un débat sérieux et courageux sur la compensation»
Publié dans Finances news le 23 - 09 - 2010

* Il est du devoir des Etats de veiller aux équilibres financiers qui sont les outils de la stabilité sociale, économique et financière.
* La LF 2010 met ainsi l’accent sur la gestion des dépenses publiques, notamment la réduction des dépenses de fonctionnement de l’Etat sans grever les finances publiques.
* La mouture de la nouvelle Loi organique sera introduite dans le circuit d’approbation début 2011.
* Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie et des Finances, est d’avis à ce qu’on innove dans l’élaboration de la LF.
- Finances News Hebdo : Quel est le degré d’urgence à réformer les finances publiques ?
- Salaheddine Mezouar : Les effets de la crise financière mondiale sur le plan international nous imposent, dans ce contexte de sortie de crise, d’adopter de nouvelles approches dans la gestion du budget de l’Etat. Mais nous obligent surtout à anticiper toutes les problématiques qui peuvent entamer les équilibres fondamentaux des nations.
C’est pourquoi il relève du devoir des Etats, en cas de pareils changements comme ceux que nous venons de vivre, d’assurer une grande efficacité et efficience dans la gestion de leurs finances publiques. Il y va de ces équilibres qui représentent des outils de stabilité sociale, financière et économique.
Ce colloque est une occasion de débattre de tous ces points et permettra donc d’aboutir à une nouvelle approche dans la gestion des finances publiques.
- F. N. H. : Sommes-nous toujours au stade de réflexion ?
- S. M. : Dans le contexte de crise mondiale, les Etats et leurs finances publiques sont interpellés sur cette question. Les répercussions de la crise internationale sur les économies développées ont été telles qu’elles ont rappelé que la stabilité financière des finances publiques fait partie de la stabilité sociale et économique des Etats. La sortie de crise et ses impacts vont exiger une refonte et une approche différentes dans le management des finances publiques. Tous les Etats se sont inscrits dans cette réflexion; le Maroc en fait partie, même s’il n’a pas subi la crise avec la même ampleur. C’est une opportunité que de réfléchir ensemble à une approche réformée et anticipative concernant la gestion et l’optimisation des finances publiques.
- F. N. H. : La Loi de Finances 2010 intègre-t-elle cette nouvelle dimension ?
- S. M. : La Loi de Finances s’inscrit dans la logique de la rigueur et de la préservation des équilibres. C’est là l’un des points forts de notre pays et c’est ce qui nous a aidés également à faire face à l’une des plus grandes crises mondiales. En effet, nos finances publiques étaient saines et notre système financier était moins exposé, ce qui nous a permis de faire face à la crise et de préparer la sortie de crise.
Et la Loi de Finances 2010 prend en considération cette dimension conciliant la rigueur et veillant à la maîtrise des agrégats macroéconomiques, tout en accompagnant les besoins du pays, qu’ils soient d’ordre social ou économique.
C’est cet équilibre que nous avons cherché et que nous continuerons à préserver. Il s’agit d’une logique marocaine selon laquelle nous continuerons à travailler pour ne jamais être confrontés à des situations qui pourraient mettre à mal les finances publiques du pays, par conséquent le citoyen marocain.
- F. N. H. : Faut-il s’attendre à une LF plutôt d’austérité ?
- S. M. : Quand j’évoque la rigueur, c’est essentiellement par rapport à la préservation du déficit. Ainsi, elle sera de mise dans la gestion des dépenses publiques, notamment la réduction des dépenses de fonctionnement de l’Etat.
D’un autre côté, l’effort de l’investissement sera préservé ainsi que l’effort de soutien au pouvoir d’achat. De même que sera préservé le soutien aux réformes apportées aux systèmes de santé et d’éducation. Ainsi que le soutien au monde rural.
Tout cela sera fait sans charger le fardeau du citoyen et sans toucher aux finances publiques de l’Etat.
- F. N. H. : Lors de l’élaboration de la Loi de Finances, on entend toujours parler des requêtes devenues classiques, à savoir la baisse des impôts phares (IS, TVA, IGR) et des indicateurs traditionnels comme la maîtrise de la dépense ou de la masse salariale. Ne pensez-vous pas qu’il y a matière à innovation dans la LF, essentiellement pour accompagner les projets initiés par le Souverain ?
- S. M. : Je rappelle qu’une Loi de Finances constitue d’abord une réponse aux directives de SM le Roi et aux engagements du gouvernement.
Le deuxième objectif d’une LF est l’intégration des réformes. Et le troisième élément représente les innovations et là, je suis entièrement d’accord avec vous qu’il faut innover. Parmi les innovations que nous devons désormais introduire, figurent celles en relation avec l’environnement. La question environnementale est d’ailleurs l’une des directives royales que le dispositif fiscal doit intégrer. Il y a matière à innover également au sujet de la nouvelle place financière de Casablanca. Il y a beaucoup à faire sur le plan social aussi. Nous ne sommes pas fermés, bien au contraire. Nous sommes entièrement ouverts à toute innovation possible et à toute proposition de nature à améliorer les conditions sociales et aller vers le sens de l’amélioration des conditions de vie des Marocains. Nous avons des équipes qui travaillent sur ce volet et nous recevons des propositions qui peuvent sembler classiques, mais qui sont intégrées puisqu’elles vont dans le sens de l’amélioration.
Toujours est-il que nous avons du rattrapage à faire sur ce processus que nous sommes en train de mener de la manière la plus structurée possible.
- F. N. H. : La réforme de la Loi organique, l’un des maillons importants de la réforme des finances publiques, est toujours en cours. Est-il possible de gérer les finances publiques dans le cadre de cette nouvelle loi en 2013 ?
- S. M. : L’objectif à travers la réforme de la Loi organique est d’améliorer l’efficacité des services et des finances publiques. Nous ferons en sorte que les insuffisances constatées actuellement soient dépassées.
Il faut savoir que cette nouvelle loi a été largement débattue en interne puisqu’il était important que l’ensemble des directions du ministère de l'Economie et des Finances adoptent sa mouture.
D’ailleurs, une réunion s’est tenue, il y a plus d’une semaine, dans cette optique et la dernière mouture de la loi est en cours de rédaction en prenant en considération toutes les observations des différents intervenants. Les textes ont été également préparés pour être introduits dans le circuit de validation. Nous allons faire en sorte que la nouvelle loi soit introduite dans le processus législatif début 2011.
Parallèlement à cela, nous allons engager un sérieux et profond débat avec les différents partenaires sur le mode de fonctionnement de l’Etat par rapport aux objectifs arrêtés dans le cadre de cette nouvelle Loi organique.
- F. N. H. : Il a été prévu que le budget de la compensation sera ramené à 2 %. Aujourd’hui que nous nous rapprochons de l’échéance, cela vous semble-t-il un objectif réalisable ?
- S. M. : C’est un débat qui est posé et qui n’a pas encore abouti à un consensus global. Dans nos prévisions dans la Loi de Finances, nous allons au-delà de 2 %. C’est objectif est en réalité un défi pour le Maroc et pour ses finances publiques.
En effet, l’instabilité des matières premières et son impact sur les finances publiques n’est pas soutenable, surtout que nous sommes entrés dans un contexte où justement la stabilité de ces matières n’est pas assurée. Et, forcément, nous devons arrêter une doctrine concernant un plafonnement lié aux dépenses de la compensation, tout en poursuivant l’effort de ciblage de la population démunie. Parce que la philosophie de la compensation est d’aider les citoyens les plus nécessiteux.
Cela fait deux ans que le ciblage se poursuit et il a pu démontrer son efficacité puisqu’une amélioration a été constatée, notamment sur les volets éducation et santé. Nous devons donc avancer sur cette voie-là sans aggraver les dysfonctionnements du budget de l’Etat par une instabilité récurrente des matières premières et leur impact sur la compensation.
Je rappelle que nous terminons l’année avec 24 à 25 milliards de DH de dépenses de compensation, avec une perspective de l’ordre de 26 milliards pour l’année prochaine. Nous avions dépensé 13 milliards en 2009 et 34 en 2008, soit au total 72 milliards de DH consacrés à la compensation en l’espace de trois ans. Je vous laisse imaginer ce que nous aurions pu réaliser avec un montant pareil en terme de facilitation de l’accès des populations à différents services ou en terme de santé. Aujourd’hui, il nous faut une réflexion honnête, sérieuse et courageuse sur cette problématique parce qu’en vérité ce n’est qu’illusion de dire que la Caisse de compensation règle le problème des démunis et des pauvres dans notre pays.


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