Le dernier classement mondial de Reporters Sans Frontières sur la liberté de la presse donne à réfléchir. Surtout que certaines démocraties, donneuses de leçons par essence, continuent à perdre pied dans ce classement. Cest le cas notamment de la France (43ème), de la Slovaquie (44ème) ou encore de lItalie (49ème) qui reculent respectivement de huit, trente-sept et cinq places. Distancées par de jeunes démocraties africaines comme le Mali, lAfrique du Sud ou encore le Ghana, ces pays européens ont de plus en plus de mal en matière de respect des libertés publiques. Rien à voir cependant avec des pays comme lIran (172ème), lequel se dispute le bas du tableau avec le Turkménistan (173ème), la Corée du Nord (174ème) et lErythrée (175ème). Pour sa part, le Maroc occupe une bien inconfortable 127ème place (sur 175), faisant ainsi pâle figure en matière de liberté de presse. Il faut dire que, ces derniers temps, au nom du respect des «lignes rouges», la presse indépendante en particulier fait les frais dun code de la presse aux contours mal définis. Dun écrit à lembastillement, il ny a quun pas que les pouvoirs publics franchissent allègrement en agitant abusivement ce fameux article 41 du code de la presse. Les peines privatives de liberté et les montants astronomiques réclamés en guise de dommages et intérêts devenant, au demeurant, les derniers remparts utilisés pour museler la presse indépendante et les intelligences rebelles. Au point que la liberté dexpression, dont la libéralisation de laudiovisuel était lun des éléments-clés, semble être mise à mal dans un contexte douverture et de modernisation de léconomie nationale. Faut-il sen inquiéter ? Bien évidemment. Car cest un recul des libertés publiques aux antipodes des ambitions du Maroc moderne. Et sil faut admettre que la presse, dans son ensemble, ne doit nullement sautoriser des dérives, en rapport notamment avec léthique et la déontologie qui doivent gouverner sa démarche, il faut, tout autant, que les pouvoirs publics sinscrivent dans le strict respect de lexpression plurielle des courants dopinion. Car il reste le premier palier de la démocratie. Aujourdhui en tout cas, la profession semble être sous le coup dune liberté conditionnelle qui ne dit pas son nom. Une liberté que ceux qui agitent et usent abusivement de la «sacralité» peuvent facilement nous confisquer, se prévalant dune légitimité cautionnée par une Justice souvent sous influence lorsquelle fait notamment face à la presse. Difficile, dans ce contexte, dexercer objectivement le métier. A moins de suivre lavis éclairé de lécrivain et auteur dramatique français, Beaumarchais, qui disait : «Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de lautorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de lopéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous linspection de deux ou trois censeurs». A méditer.