* Sur les 164 pays figurant dans le classement, le Maroc est passé à la 97ème selon le rapport annuel 2006 de Reporters Sans Frontières. * Plutôt qu'une plus grande liberté, ce résultat s'expliquerait surtout par moins de procès spectaculaires et de clashes entre la presse et les autorités publiques. * Sur le baromètre de la liberté de la presse, le Maroc ne figure sur aucun des tableaux noirs dressés par RSF. Une fois n'est pas coutume, le Maroc a pu gagner 22 places dans le rapport annuel de Reporters Sans Frontières. Le Maroc passe en effet de la 119ème place à la 97ème sur le cinquième indice annuel de la liberté de la presse dans le monde basé sur 164 pays. L'abolition de certaines restrictions du code de la presse, mais aussi l'ouverture et le dynamisme du champ audiovisuel et la restructuration de la presse écrite y sont pour quelque chose. De plus, 2006 est une année plutôt calme, contrairement à 2005 qui a été marquée par nombre de procès intentés à certaines publications de la place. N'empêche que pour Boubker Jamaï, Directeur de publication du Journal Hebdomadaire, «ce qui était valable l'année dernière est valable pour 2006. Et puis l'évaluation de RSF est relative dans le sens où le Maroc a évolué par rapport à certains pays, alors que d'autres ont mieux progressé. Donc, ce qui justifie ce classement c'est plutôt que l'année 2006 n'a pas connu de procès ni de clashes avec le pouvoir ». Bahia Amrani, Directeur de la publication Le Reporter est du même avis : « 2006 n'a pas connu de grands scandales, en tout cas il y a eu moins de clashes entre la presse et les pouvoirs publics en 2006 et moins de procès spectaculaires par rapport à 2005. Sinon, cette évolution de la liberté de la presse est en progression depuis la nouvelle ère ». Cela dit, il ne faut pas croire non plus qu'en 2006 aucun incident n'est intervenu. Bien qu'au cours de sa visite au Maroc en avril 2006, Robert Ménard, le Secrétaire général de Reporters Sans Frontières, avait dressé un bilan plutôt positif de sa mission dans le pays en notant des "changements positifs", RSF n'a pas manqué de suivre de près la situation au Maroc et même décrié, le 24 octobre 2006, l'interdiction faite à deux journalistes norvégiens, Anne Torhild Nilsen et Radmund Steinsvag, de se rendre dans le Sud du Maroc parce qu'ils ne possédaient pas de visa "presse". Reporters Sans Frontières dénonce les manipulations administratives des autorités marocaines qui, sans refuser ouvertement un visa à des professionnels des médias, laissent traîner ce dossier indéfiniment. De même que dans un courrier adressé au ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa, l'organisation avait exigé des explications concernant l'agression dont a été victime, le 15 juin 2006, Hassan Fatih, correspondant de la chaîne Al-Jazeera au Maroc durant la couverture d'un sit-in des familles de 68 prisonniers salafistes en grève de la faim. RSF a également critiqué en mai dernier la condamnation à un an de prison avec sursis et une amende de 100.000 dirhams par la Cour d'Appel de Casablanca à l'encontre de Driss Chahtane, Directeur de l'hebdomadaire Al Michaâl, pour diffamation envers le Président algérien Abdelaziz Bouteflika. Le journaliste a été condamné pour « atteinte à la personne d'un chef d'Etat », sur la base de l'article 52 du code marocain de la presse. Reporters Sans Frontières avait rappelé, une fois encore, la nécessité d'une réforme visant à dépénaliser les délits de presse. En avril de la même année, RSF avait été scandalisé lorsque la Cour d'Appel de Rabat avait confirmé la condamnation du Journal Hebdomadaire à 3 millions de DH de dommages et intérêts pour "diffamation" à l'encontre du Centre européen de recherche, d'analyse et de conseil en matière stratégique (ESISC). RSF avait dénoncé à l'époque le non-respect des droits de la défense au cours du procès. Seul point positif pour le Maroc selon RSF : la libération, le 29 janvier 2006, d'Anas Tadili, Directeur de l'hebdomadaire Akhbar al-Ousbouaâ, incarcéré depuis le 29 septembre 2004. RSF baisse le ton Cette évolution du classement du Maroc était attendue au vu des facteurs sus-mentionnés mais aussi parce qu'en 2006, c'était la première fois en vingt ans que Reporters Sans Frontières a pu rencontrer les autorités marocaines, en la personne du ministre de la Communication Nabil Benabdellah, également porte-parole du gouvernement. Une brèche s'est ouverte entre les autorités publiques et l'organisation. RSF avait déclaré sentir un changement d'attitude de la part du Maroc. "Les lignes rouges reculent, a constaté le Secrétaire général de l'organisation, reconnaissant une volonté de discuter sereinement et sans tabous" de la part du gouvernement marocain, même si de nombreux problèmes persistent. "Reporters Sans Frontières et les autorités ne partagent pas le même point de vue sur la réalité de la liberté de la presse au Maroc". Mais il faut un début à tout. En 2006, sur les 66 journalistes tués en plus de 24 collaborateurs tués un peu partout dans le monde, et les 134 journalistes emprisonnés en plus de trois collaborateurs et 61 cyberdissidents emprisonnés dans d'autres pays, aucun cas n'est enregistré au Maroc. Ce qui est en somme très rassurant quand on compare les résultats avec des pays voisins ou même des démocraties comme les Etats-Unis d'Amérique qui maintiennent en captivité Sami El-Haj, le caméraman d'Al-Jazeera à Guantanamo ainsi que Josh Wolf, blogueur et journaliste.