* Excès de zèle ou précipitation démesurée, certains procès intentés par la Justice marocaine restent à la traîne jusquà être classés. * Cest le cas du procès dAhmed Réda Benchemsi et de Nadia Yassine, qui voient leurs procès reportés de manière permanente. * Certains articles du code pénal, surtout ceux relatifs à la personne du Roi, peuvent être interprétés hors de leur contexte. Deux importants procès suivis de près par la presse ont été reportés. Il sagit du procès du Directeur des hebdomadaires Nichane et Tel Quel, Ahmed Reda Benchemsi, poursuivi depuis lété 2007 pour «manquement au respect dû au Roi». Le président du tribunal de Casablanca a affirmé, avant la clôture de la séance le 3 septembre 2008, que la «Cour pourrait convoquer à nouveau Benchemsi, si tous les éléments du dossier étaient réunis». Le deuxième est celui de Nadia Yassine, fille du Cheikh Ahmed Yassine et dirigeante fondatrice de la section féminine du mouvement Al Adl Wal Ihsane, poursuivie pour «atteinte aux institutions sacrées du Royaume», reporté au 26 février 2009, alors que lintéressée est poursuivie depuis juin 2005 suite à une interview accordée à l'hebdomadaire marocain «Al Ousbouiya Al Jadida» (du 2 juin 2005). Elle est poursuivie pour avoir exprimé clairement ses positions concernant la monarchie et le système de gouvernance au Maroc, positions qu'elle n'a cessé d'exprimer depuis des années. Pour beaucoup dobservateurs, le report incessant de certains de ces procès sexplique par le fait que ceux-ci ont été intentés dans la précipitation, créant ainsi le tollé. Ce nest quaprès coup que les autorités cherchent à calmer le jeu. Surtout quand il sagit de personnalités éminentes. Ainsi, dans le cas de Nadia Yassine, elle risque entre 3 et 5 années de prison et une amende de 10.000 à 100.000 DH, sur la base darticles du Code pénal se référant à la personne du Roi et à la famille royale. L'ancien Directeur de la publication, Aziz Koukas, et les journalistes Adil Najdi et Mostafa Hairane, qui ont réalisé l'entretien avec Nadia Yassine, sont également poursuivis dans cette affaire en vertu des articles 41, 67 et 68 du Code de la presse et de l'édition. Comme lexplique un avocat ayant requis lanonymat : «Par excès de zèle, certains propos peuvent facilement tomber sous le coup de certains des articles du Code pénal !». Chose que confirme lintéressée : «Je pense que cest une réaction démesurée et un cafouillage que seule une constitution telle que celle octroyée à notre pays peut générer. Dans un des derniers numéros du «Journal hebdomadaire», il est dit que mon procès a déclenché les foudres royales. Cest dautant plus inquiétant que cela confirme larbitraire le plus absolu puisquil se conjugue avec un bon vouloir qui nest même pas centralisé», explique Nadia Yassine. Dans le cas du procès dAhmed Réda Benchemsi, Reporters Sans Frontières est monté au créneau : «Ce nest pas en pratiquant la politique de lautruche que la Justice marocaine fera avancer létat de la liberté de la presse dans le Royaume. Nous attendons toujours du gouvernement dAbbas El Fassi un réel engagement sur le terrain législatif. En attendant, Ahmed Reda Benchemsi reste passible dune peine de prison pour avoir exprimé son opinion dans un éditorial», a indiqué lorganisation. Contacté par Reporters sans frontières, Ahmed Reda Benchemsi a affirmé que ce report était «le signe que la Justice cherchait manifestement à classer laffaire sans avoir à la juger». Pourquoi cette volonté dapaisement en aval ne sest-elle pas manifestée en amont, provoquant des procès qui tournent rapidement à la mascarade? Une question à laquelle il est difficile de répondre à la place des concernés.